Le ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, a accordé samedi un entretien à l’agence de presse chinoise Chine Nouvelle (Xinhua), dont voici le texte intégral, tel que repris et publié par l’APS sur son site web:
Chine Nouvelle (Xinhua) : L’Algérie célèbre cette année le 60e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques algéro-chinoises: comment se déroulent les préparatifs?
M. Messahel Abdelkader: J’aimerai en premier lieu vous remercier pour cette louable initiative et pour l’occasion que vous m’accordez pour revenir sur les relations exceptionnelles qui unissent nos deux pays et aux liens d’amitié et de solidarité entre le peuple algérien et le peuple chinois frère auquel nous vouons un profond respect.
En effet, la célébration du 60e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques algéro-chinoises est une occasion qui nous est très chère pour les significations nobles et profondes qu’elles véhiculent et qui reflètent la solidité des liens entre les deux pays et peuples amis, des liens qui n’ont vu à travers leur histoire que distinction et excellence.
Elle est également une aubaine pour réitérer l’attachement des deux pays aux mêmes principes et la concordance de leurs vues vis à vis des questions internationales et régionales d’intérêt commun, ainsi que leur souci constant à aller de l’avant vers la consolidation du partenariat stratégique global qu’ils entretiennent depuis 2014.
Pour fêter cet important évènement, une série de manifestations et d’activités seront organisées tout au long de l’année dans les deux pays et dans différents domaines, notamment, l’échange de visites des troupes culturelles, le lancement de quelques projets bilatéraux et l’émission de timbres postaux.
Ma visite en Chine les 11 et 12 juillet 2018 s’inscrit également dans le cadre de la célébration de cette anniversaire.
La Chine abrite la 8e édition de la réunion ministérielle du Forum de coopération Chine-Etats arabes, quelles en sont vos attentes?
Le Forum de coopération Chine-Etats arabes a contribué, depuis sa création en 2004, au raffermissement des relations entre les deux parties qui englobent aujourd’hui différents domaines de coopération, des relations qui ont dépassé le stade de la concertation et du dialogue politique et porte dorénavant sur l’établissement d’un véritable partenariat sino-arabe. Au regard de la volonté politique manifestée par les deux parties en faveur de la poursuite des relations bilatérales entre la Chine et la Zone arabe, je suis convaincu que la 8e édition du Forum sera couronnée de succès et nous permettra d’esquisser un plan d’action pour les deux années à venir qui répondra aux aspirations de nos peuples.
Quel seront, selon vous, les sujets que devraient discuter les pays arabes avec la Chine lors des travaux du Forum?
La 8e édition du Forum de coopération Chine-Etats arabes intervient alors que la région arabe fait face à des tensions sur les plans sécuritaire et politique, comme elle fait face à une série de défis économique et de développement. C’est pour cela que les participants se pencheront sur la thématique du développement dans la région arabe, l’examen de la situation en Syrie, au Yémen, en Libye et en Palestine occupée et débâteront des questions internationales d’intérêt commun et les voies et moyens pour le renforcement de la coopération bilatérale, notamment en matière d’échange culturel.
Depuis la fin du Forum sino-arabe de Doha en 2016, comment évaluez-vous, M. le ministre, le rythme d’évolution des relations entre l’Algérie et la Chine, en matière des projets communs et au titre de l’initiative « la Ceinture et la Route » ?
L’Algérie considère l’initiative « la Ceinture et la Route », comme étant un projet « stratégique et complémentaire », ayant pour but le renforcement de la coopération entre les Etats au service de leurs objectifs de développement et leur intérêts communs, à travers notamment la multiplication des investissements, dans le sens de servir l’intérêt commun dans le développement et le progrès.
L’Algérie est considérée, au regard de ses relations distinguées avec la Chine et de son rôle pivot dans le monde arabe, comme un acteur majeur à même de booster la coopération sino-arabe. Dans ce cadre, les relations algéro-chinoises ont connu, ces dernières années, une croissance accélérée qui s’est traduite par la préservation par la Chine de la première place au rang des partenaires commerciaux de l’Algérie, avec une moyenne annuelle qui a dépassé 8 milliards USD du total des importations algériennes, ainsi que par la réalisation de plusieurs projets d’infrastructures de base à travers l’ensemble du territoire national. Il a été également, relevé un appui remarquable au cadre juridique de la coopération bilatérale, avec un ensemble d’accords, entre autres, ceux conclus dans le domaine de la pêche et dans d’autres secteurs.
Je tiens ici à saluer les efforts consentis dans le domaine des sciences, technologies et applications de l’espace et qui ont été couronnés par le lancement réussi du premier satellite algérien (ALCOM SAT 1), depuis la Chine le 11 décembre dernier. Cet évènement a été une étape importante dans le renforcement de la coopération bilatérale.
Au titre de la coopération, les deux pays focalisent, à présent, leur intérêt sur le projet du grand Port du Centre, situé à Cherchell dans la wilaya de Tipaza. Où en est-on avec ce projet gigantesque?
Tout d’abord, je voudrais réaffirmer le grand intérêt qu’accordent les hautes autorités du pays à la réalisation du projet « Port du Centre » qui revêt un aspect stratégique sur les plans national et international, car, il permettra de faire la jonction entre les marchés chinois et africains, via la route transsaharienne reliant Alger à Lagos (Nigeria), constituant un pôle pour attirer les investisseurs vers la zone logistique importante entourant le port, et à travers elle, vers les régions méditerranéennes et africaines .
L’Algérie a reporté la mise en œuvre de quelques projets économiques en raison de la crise de financement. La Chine dispose d’un Fonds spécial dans le cadre de la coopération sino-arabe et de la coopération sino-africaine, l’Algérie compte-t-elle sur le financement de ses projets à travers ce fonds?
Le Gouvernement algérien a adopté, au cours de ces dernières années, des mesures financières spéciales en vue de préserver l’indépendance financières du pays et poursuivre le financement de l’édification nationale, dont le remboursement anticipé de la dette extérieure, la création du Fonds de régulation des recettes (FRR) et la gestion prudente des réserves de changes. Elle a également pris récemment, à la suite de l’effondrement des cours des hydrocarbures sur le marché mondial, des mesures exceptionnelles, telles que le contingentement des importations par le biais de licences et le recours exceptionnel aux modes de financement non conventionnel.
Ces mesures s’inscrivent dans le cadre d’un plan global adopté par l’Algérie pour sortir de la dépendance au secteur des hydrocarbures et pour consolider l’investissement dans l’ensemble des secteurs producteurs de marchandises et de services, de façon à contribuer à l’augmentation et la diversification de ses exportations d’une manière considérable, à long et moyen termes, tel que l’industrie, l’agriculture et le tourisme.
En 2016, lors de votre participation, M. le Ministre, à la réunion tenue à Pékin sur la mise en œuvre des résultats du Sommet du forum sur la coopération sino-africaine, vous avez exprimé le souhait que la Chine participe davantage au processus d’industrialisation de l’Algérie, et durant les deux dernières années, les sociétés chinoises ont investi dans plusieurs projets industriels, en l’occurrence les usines de fabrication d’automobile, de l’acier et du ciment, quel est votre commentaire sur ces développements ?
En effet, l’Algérie et la Chine ont signé, en octobre 2016, un accord-cadre pour le renforcement des capacités de production visant à restructurer les relations économiques entre les deux pays, qui s’appuient particulièrement, et depuis longtemps, non seulement sur l’échange commercial, mais aussi, sur la conclusion de contrats des réalisations publiques et l’orientation vers une dynamisme d’investissement et une production commune à travers la mise en place d’un cadre exécutif et une base sur laquelle s’érige le partenariat industriel et technologique entre les deux pays. La convention concerne les domaines de l’industrie de transformation, de l’exploitation des ressources énergétiques (gaz et pétrole), des industries mécaniques, du ferroviaire, du fer et de l’acier, des infrastructures de base, de la pétrochimie, des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, de la transformation des produits miniers, de la construction, des appareils électroménagers et encore de la coopération technique.
La première réunion de la commission mixte chargée de la mise en œuvre de la convention, tenue durant le mois de janvier dernier à Alger, a débouché sur une liste de projets prioritaires dans le cadre du partenariat sino-algérien. Il s’agit, en principe, de cinq (5) projets importants relatifs à la réalisation du port centre d’El-Hamdania, de l’exploitation du phosphate dans l’est du pays, de la sous-traitance dans la construction automobile, des appareils de paiement électronique, de l’exploitation de granit et de marbre. Il a été convenu, dans le même contexte, de relancer plusieurs autres projets industriels par les sociétés chinoises à travers le territoire national.
En outre, il est prévu que de nouvelles perspectives s’ouvrent pour renforcer la coopération bilatérale, à travers la création de partenariats solides avec les entreprises chinoises activant dans les domaines de l’industrialisation, ce qui permettra à l’Algérie de diversifier son économie et devenir une destination privilégiée pour les investisseurs chinois.
Jugez-vous que l’Algérie a besoin d’adopter davantage des politiques d’ouverture économique pour attirer plus d’investissements dans l’avenir ?
Depuis l’adoption de l’économie du marché dans les années 90, l’Algérie a entrepris plusieurs réformes et mesures en vue de l’amélioration du « climat d’affaires » et l’encouragement de l’investissement étranger, en dépit de ce qu’elle a vécu durant la décennie noire qui a eu un impact négatif sur son économie, et de sa position géographique caractérisée par l’instabilité régionale. Et, comme vous le savez, la stabilité politique et sécuritaire demeurent deux facteurs essentiels pour attirer l’investissement étranger.
A cet égard, et outre les avantages et opportunités importantes d’investissement que recèle mon pays, nous œuvrons, en Algérie, à assurer la stabilité du cadre juridique et réglementaire en matière d’investissement en vue de fournir une vision claire aux opérateurs étrangers et d’élaborer une feuille de route pour les opportunités d’investissement à travers le territoire national de façon à orienter et encourager les candidats pour réaliser les projets tout en préservant l’ensemble des avantages fiscaux et parafiscaux établis par le code de l’investissement, y compris les avantages spéciaux accordés au titre de l’encouragement de l’investissement dans les wilayas du Sud, des Hauts-plateaux, de la préservation des avantages complémentaires accordés en vertu dudit code, et du développement des infrastructures de base à travers tout le territoire nationale, notamment les lignes ferroviaires et les ports.
Comment évaluez-vous les échanges humains entre l’Algérie et la Chine? Et quels sont les nouvelles initiatives entreprises par l’Algérie pour renforcer les échanges culturels bilatéraux? Et est-ce que l’Algérie œuvre, dans ce cadre, à adopter des politiques pour faciliter l’octroi des visas aux touristes chinois?
Les échanges humains entre l’Algérie et la Chine ont connu depuis l’établissement de relations de coopération stratégique globale en 2014 une dynamique notable caractérisée par des échanges de délégations d’étudiants entre les deux pays, la coopération en matière d’amélioration des ressources humaines à travers l’organisation des sessions de formation, la coopération inter-universitaires et entre les instituts d’enseignement supérieur, les écrivains et les journalistes, l’organisation des manifestations culturelles, les déplacements dans les deux sens et les échanges entre les organisations locales et des jeunes ainsi que bien d’autres activités.
Dans ce contexte, l’enseignement du mandarin revêt un intérêt particulier chez les Algériens, notamment, chez les jeunes dont le nombre d’apprenants augmente chaque année. Ainsi, les autorités concernées en Algérie œuvrent à promouvoir notre pays en tant que destination pour les Chinois, surtout après que la Chine a qualifié, en 2006, l’Algérie de destination privilégiée. A cet égard, le protocole d’accord visant à encourager des groupes de touristes chinois à se rendre en Algérie, que nous sommes en train de finaliser, est à même d’encourager les citoyens chinois à visiter l’Algérie et découvrir ses sites touristiques et sa diversité culturelle.
Un ressortissant chinois a été, récemment, assassiné à Alger suite un acte de vol. L’affaire fut traitée les services de sécurité un professionnalisme remarquable. Actuellement, des dizaines de milliers de travailleurs chinois se trouvent dans votre pays, formant ainsi la plus grande communauté étrangère en Algérie. Est-ce que vous estimez, votre excellence, que cette communauté a besoin davantage de mesures de protection pour assurer sa protection? Existe-t-il des dispositions particulières dans ce sens?
Tous d’abord, je voudrais renouveler mes sincères condoléances à la famille de la victime pour ce regrettable évènement qui n’a aucun lien avec les valeurs et les traditions d’hospitalité du peuple algérien. Les suspects ont été arrêtés, en un temps record, et traduits devant la justice. Cet acte demeure, de toute façon, un acte isolé. L’Algérie est un pays sécurisé et stable et le gouvernement mobilise tous les moyens humains et matériels pour assurer la sécurité des citoyens algériens et étrangers ainsi que leurs biens sur le même pied d’égalité et sans distinction aucune.
Je tiens, de nouveau, à souhaiter la bienvenue à nos amis chinois des différents horizons résidents en Algérie et qui ont contribué à la consolidation des liens humains entre les deux peuples amis.