La visite en Algérie de l’ambassadeur de France en charge des droits de l’homme, M. François Zimeray, effectuée mercredi et jeudi derniers en Algérie, a été marquée par des consultations qui ont eu lieu avec la Commission nationale pour la promotion et la protection des droits de l’homme (CNCPPDH) et des rencontres avec les différentes organisations de la société civile.
M. Zimeray a, au cours de son déplacement à Alger, animé une conférence de presse au niveau de la villa Clarac à El-Mouradia dans laquelle il a mis en exergue le bilan de sa mission portant sur les droits de l’homme. Répondant aux différentes questions liées à la situation politique des deux pays et celle internationale, l’ambassadeur des droits de l’homme s’est exprimé sur l’objectif de sa venue en Algérie, à savoir la prise de contact et l’échange de discussions avec les acteurs des droits de l’homme. «Je suis venu pour écouter la société civile, et non pas pour porter des jugements à la situation des droits de l’homme en Algérie ou donner des leçons en la matière, car cela se retournerai contre la cause que je veux défendre et contre la démarche qui est la mienne, qui se veut constructive loin de toute polémique», a notamment déclaré M Zimeray. Faisant un constat sur la situation des droits de l’homme en Algérie, l’ambassadeur du Quai d’Orsay souligne qu’«il y a encore des progrès à accomplir». En outre, il a précisé que sa visite permet de revoir la vision de la France par rapport à cette question.
Rejetant l’expression «la France pays des droits de l’homme», cet avocat qui en est à sa 92e mission depuis son installation au Quai d’Orsay a précisé que ce titre ne revient pas à la France, car beaucoup de civilisations ont contribué dans l’histoire à la conceptualisation et à l’édification des droits de l’homme. Tout en reconnaissant les faiblesses de son pays qui souffre aussi de problèmes des droits de l’homme, M. Zimeray a éloigné toute idée de donneur de leçons. Il n’a pas omis de préciser que son pays souffre encore des problèmes de droits de l’homme. «L’état des prisons françaises nous a valu des condamnations répétées de la Cour européenne des droits de l’homme. Mais, en même temps, ces jugements nous sont très utiles. C’est le regard des autres qui nous fait progresser», a-t-il notamment souligné, tout en insistant sur le rôle de la mondialisation où chacun sait ce qui se passe chez les autres. «Cette ouverture sur le monde est une richesse et non pas une menace. Et le logiciel doit être configuré sur cette nouvelle donne.»
« Une histoire de très mauvais goût »
Répondant à une question liée à la vente aux enchères, en avril prochain, d’instruments de torture utilisés contre des Algériens par le sinistre Fernand Meyssonnier, le défenseur des droits de l’homme s’est montré étonné sur la question tout en la qualifiant «d’histoire de mauvais goût». Et d’ajouter : «J’ai appris cela en arrivant ici en Algérie. Mais je n’ai pas envie qu’un sujet aussi grave et aussi essentiel que l’avenir de l’Algérie, qui passe par la liberté, soit pollué par ce genre de polémique. Je trouve cela un peu obscène. Il ne faut pas s’arrêter à ces choses-là.» Intervenant dans le débat, une responsable de l’ambassade de France à Alger tente d’apporter une précision à cette question ; selon elle, «les instruments mis aux enchères sont conservés par Meyssonnier et datent d’une époque antérieure à la guerre d’Algérie». «Ils n’ont pas été utilisés contre des Algériens», précise-t-elle.
S’agissant de la liberté religieuse, le conférencier a estimé qu’au niveau des lois, il n’y a pas d’obstacle à cette liberté, tout en constatant «le sentiment de solitude de plus en plus grand de quelques chrétiens qui vivent en Algérie, sans pouvoir l’amputer ni aux lois, ni à une politique délibérée, ni même à une hostilité de la population avec laquelle ils sont très bien intégrés».
Pour ce qui est de la situation de la femme en Algérie, M. Zimeray a fait remarquer que partout dans le monde, les femmes sont «opprimées» et parfois «colonisées» par les hommes. «Il y a une universalité de violation des droits de la femme dans le monde. Le combat doit être mené ici comme il est mené ailleurs», souligne-t-il. Et d’ajouter : «En Algérie, il y a des femmes courageuses, lucides qui se battent pour leurs droits.»
Questionné sur la situation des révolutions dans certains pays arabes, M. Zimeray a répondu : «Le Printemps arabe n’est pas encore fini. Cette situation qui est née dans les milieux populaires ne s’arrêtera pas.»
Pour ce qui est des conséquences politiques de sa visite en Algérie, M. Zimeray précise que sa mission sera sanctionnée par un rapport qui sera étudié afin de mieux aider les acteurs des droits de l’homme.
Sarah SOFI