Quelques petits mois après son installation à la tête de la deuxième ville du pays, M. Abdelghani Zaâlane, le chef de l’exécutif oranais, semble avoir parfaitement saisi les dessous de sa wilaya. De sa ville surtout, puisque la plupart des problèmes s’entassent à Oran qui abritera, bientôt, près de deux millions d’âmes.
Le wali d’Oran, qui a bien voulu nous recevoir au siège de la wilaya, a fait avec nous, lors d’une discussion à bâtons rompus, le tour des choses, en axant sur la situation actuelle d’une cité appelée à se mettre au niveau des villes méditerranéennes. Ayant bouclé, en un temps record, un harassant mais nécessaire cycle de visites des localités, des chantiers, des projets en cours ou à lancer, il a fini par avoir une nette visibilité sur sa wilaya. Il nous en parle.
« Outre les sorties sur le terrain et les réunions, je me suis fixé pour principal objectif de rencontrer directement les citoyens pour leur permettre de m’exposer de vive voix leurs préoccupations. À l’issue de ces discussions avec la société civile, il m’est apparu que le problème numéro un de la wilaya était celui du logement. Quand je dis logements, ça englobe la résorption de l’habitat précaire, qui, selon le recensement de 2007, dépasse les 11.000 baraques. D’ailleurs, à ce propos, nous sommes en train de réactualiser les données pour être au niveau des attentes. Il s’avère que, selon les nouveaux chiffres encore partiels, ça tourne autour de 200 endroits répertoriés qui dépassent les 20.000 unités, entre vieilles fermes et vieux bâti. Et cela va des Planteurs à Ras El-Aïn en passant par El-Hassi, Chtaïbo, Sidi El-Bachir… Jusque-là, les opérations de relogement nous ont permis de délivrer plus de 6.300 décisions de pré affectation aux familles d’Ed-Derb, de Medioni, d’El Hamri etc., qui sont dans le besoin. Quand je dis logement, j’ai aussi en vue les problèmes inhérents à la viabilisation des centres d’habitats et des lotissements. C’est le cas à Chtaïbo, Ain El Beida, Coca, Sidi el Bachir, Front de mer, Canastel… où prévalent de gros déficits ou même carrément une absence de viabilisation. Ce déficit est déploré, également, en plein centre des ensembles urbains et jusqu’au cœur de la ville. Cela est directement lié à l’amélioration du cadre de vie des citoyens dont nous avons fait un challenge.
La préoccupation majeure, donc, c’est cette grosse demande de logements. Mais qui doit, également, être accompagnée d’un besoin, tout aussi important, en équipements publics annexes. Le déficit en infrastructures, d’autant que la cité connaît une extension importante de son tissu urbain, doit être absolument rattrapé. D’autre part, Oran qui est une destination privilégiée des habitants de l’Ouest du pays, a consenti de gros moyens pour le lancement de 95.111 logements (voir encadré). Ces nouveaux grands centres urbains nécessitent de grands programmes en équipements collectifs tels que lycées, centres de soins, polycliniques, annexes de mairies, marchés de proximité, etc.
Même si un effort considérable a été déployé par mes prédécesseurs pour équiper la wilaya d’Oran en infrastructures d’accompagnement, il reste qu’il y a un déficit certain et c’est pour cela que le programme de 2014 va injecter sur des terrains préalablement réservés tous les équipements nécessaires pour combler les lacunes. »
Booster les projets d’investissement à l’arrêt
Poursuivant son large diagnostic, M. Abdelghani Zaâlane citera un autre problème inhérent à l’investissement qui est la cheville ouvrière du gouvernement en ce sens qu’il est créateur d’emplois et qu’il atténue le chômage : « Ce volet, dira le chef de l’exécutif, est confronté à des contraintes telles que le déficit en viabilisation des zones d’activités et des zones industrielles. Nous avons constaté qu’il existe, malheureusement, une majorité de pseudo-investisseurs qui ont bénéficié de lotissements mais qui, après plusieurs années, n’ont pas daigné commencer les projets pour lesquels ces lots de terrains leur avaient été consentis.
A ces préoccupations majeures, s’ajoute, d’autre part, le problème du manque de raccordement aux VRD, et même aux sources d’énergie parfois, dans les zones industrielles et les zones d’activité de la wilaya. A ce titre, un plan d’action a été mis en œuvre pour que l’Etat prenne en charge les lotissements prioritaires en matière de viabilisation dans les Z.I. et les autres zones d’activités. D’autres mesures ont concerné l’extension de ces zones à l’instar de la ZI de Béthioua qui est appelée à devenir un pôle industriel de la wilaya. Il y existe déjà un embryon prometteur avec l’entreprise turque Tosyali et BTRHB etc., qui ont déjà soit la réalisation de leurs unités soit carrément la production ».
Passant aux retards enregistrés dans la wilaya en matière de projets, le wali dira : « L’exploitation de la nomenclature de l’investissement public dans la wilaya fait ressortir que 171 projets, tous secteurs confondus, accusent des retards dans leur lancement. Mais grâce aux mesures que nous avons prises, nous avons déjà ramené ce chiffre à 139 projets (14.000 logements ont été lancés en mars) et nous comptons lancer les restes à réaliser vers la fin du premier semestre en cours. A l’origine de ces retards, il y a diverses raison dont les plus importantes ont trait à la mobilisation des assiettes de terrains, aux contraintes procédurales, au code des marchés qui a été confronté à multiples avis d’infructuosité.
A ce propos, le gouvernement a pris des mesures permettant le gré-à-gré simple pour démarrer les projets structurants et à impact social et économique. Dans l’immédiat, ces mesures nous ont permis de juguler sensiblement les contraintes et de réduire le nombre de projets en souffrance. A ce titre, et comme projets structurants qui ont attiré mon attention, il faut noter le Technoparc, le parc citadin, la grande mosquée Ibn Badis, l’extension du tram pour arriver à 53 km, l’achèvement de l’étude du futur métro d’Oran (19 km), la création d’un nouveau pôle urbain (nouvelle ville) du côté de Misserghine, le lancement du 5e périphérique dont le coup d’envoi aura lieu en avril, la pénétrante du port pour fluidifier la circulation et le flux des poids lourds, l’extension du terminal du port d’Oran… Tous ces projets ont des effets socio-économiques avérés qui vont contribuer à la création de l’emploi et à l’amélioration du cadre de vie des citoyens ainsi que la circulation des biens et des personnes sur laquelle insiste le gouvernement. Toutes ces nouvelles réalisations vont rehausser le statut d’Oran pour en faire une grande ville de la Méditerranée. »
Régularisation du foncier et problème du vieux bâti
Pour ce qui est des autres casse-têtes auxquels fait face la wilaya d’Oran, depuis longtemps, il en est deux qui trouvent difficilement leurs solutions. Il s’agit de la régularisation du foncier et du problème du vieux bâti. Pour ce qui est du premier point, le chef de l’exécutif dira : « Là où je me suis déplacé, j’ai été interpellé par des citoyens sur la régularisation du foncier sur lequel sont bâtis les habitations où ils résident, pour certains, depuis une vingtaine d’années, et plus parfois. Ces citoyens réclament légitimement qu’on régularise leurs dossiers. Pourtant, le cadre juridique existe et il n’appartient qu’aux autorités locales compétentes, à savoir la daïra et l’APC et les services techniques, à appliquer la réglementation. Pour le processus de régularisation du foncier, le cadre légal existe et il suffit de l’appliquer. En dehors des cas d’exception, tout est régularisable. Les différents textes et décrets, non seulement, autorisent les instances concernées à conforter le propriétaire dans son droit, mais ils l’obligent à le faire ».
Pour ce qui est de la problématique du vieux bâti, le wali soulignera que « tout l’ancien parc immobilier de la ville est dans un état de dégradation très avancé, constituant une menace pour les occupants. Aussi, nous avons mis en œuvre un programme de réhabilitation et de restauration du vieux bâti, hérité de l’ère coloniale. A moyen terme, il est projeté de reprendre 600 immeubles. Une première tranche a été lancée. La 2e qui concerne 300 immeubles va l’être en mai. Les procédures des marchés sont en cours. Nous avons repris les opérations programmées sur des bases solides, couvertes par des contrats précis et rigoureux. Pour cela, nous avons fait appel à des expériences avérées telles que celle de l’Agence de rénovation urbaine de Paris (ARUP), car presque tout le vieux bâti oranais est français.
Sur cette lancée, nous allons également réhabiliter le patrimoine historique et culturel de la ville à l’exemple de Ksar El Bey, de la Mosquée du Pacha, du minaret, la Perle… Tous ces projets ont été repris avec le ministère de la Culture. En outre, il existe un programme consistant à classer le quartier de Sidi El-Houari comme patrimoine national. Cela induira, fatalement, des réhabilitations étudiées avec la participation de BET spécialisés, des enveloppes financières consistantes… ». Pour sortir un peu des « vieilleries », nous avons abordé succinctement avec le chef de l’exécutif, certaines réalisations. Ainsi, en est-il des projets touristiques qui, selon lui, prêtent à l’optimisme : « Six zones d’extensions touristiques sont à l’étude. Ils sont localisés sur la côte, à Ain Franine, Madagh, aux Andalouses etc. Cette année, on va faire l’expérience du camping touristique. Trois sites ont dégagés pour cela. Aussi, nous encourageons tous les porteurs de projets en hôtellerie de moyen standard en restauration à s’engager sur le terrain. Ils auront toute notre aide ». Pour ce qui est des sports, mercredi dernier, le wali dit avoir inauguré 10 aires de jeu dans les différents quartiers d’Oran.
Oran, une métropole méditerranéenne
« Ces réalisations, dira-t-il, devraient faire le contrepoids au nouveau complexe sportif de Belgaïd (40.000 places) qui ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Il nous faut offrir aux quartiers populaires et populeux des aires pour pratiquer leurs sports favori et s’arracher à l’oisiveté ». En matière de circulation, « il existe, nous dira M. Zaalane, un nouveau plan qui a pour objectif de décongestionner la ville d’Oran qui est asphyxiée, actuellement, par un parc automobile dense qui souffre, principalement, du manque d’aires de stationnement.
Nous sommes en train de multiplier les trémies, les dédoublements de voies, la création de nouvelles routes, les parkings dont certains à étages, afin de permettre à la circulation de se normaliser. Le nouveau plan de circulation est un outil de base qui comporte beaucoup d’actions conçues par les experts et approuvées par les responsables concernés pour fluidifier la circulation dans la capitale économique du pays ».
Enfin, en conclusion, le wali d’Oran lance un « appel aux forces vives, aux citoyens, aux porteurs de projets pour se mobiliser afin de profiter de la conjoncture qui est favorable au climat des affaires (disponibilités de crédits bancaires, du foncier, guichet unique…) pour participer au développement de leur wilaya. Ce n’est que de cette façon que l’on rendra à Oran son image de deuxième ville du pays et qu’on lui confectionnera celle de véritable et prospère de pôle méditerranéen. » D’ailleurs, à propos de l’objectif de faire de la ville d’Oran une métropole méditerranéenne, le wali, même s’il n’aime pas particulièrement cette appellation, se dit déterminé à aller jusqu’au bout de l’idée : « La modernisation d’Oran est un concept que chacun regarde à sa manière. Mais, non, bien au contraire, je suis plus que déterminé à faire en sorte qu’Oran se modernise et se hisse au rang des grandes métropoles. Oran a de fortes potentialités pour devenir, à la fois, un pôle historique, un pôle économique, un pôle scientifique, un pôle artistique et un pôle social. Il n’y a pas, à ma connaissance, un programme qui revêt le caractère de modernisation et qu’on a mis dans le tiroir. Je suis déterminé à lancer ce projet le plus tôt possible. Je m’attelle à lancer les projets phares, à l’image du Technoparc, projet déjà inscrit. Lançons, d’abord, ce qu’on a comme projets inscrits et le reste, quand il viendra, on s’en chargera ».
A. A.