M. CHERIF Abbes : “Des crimes contre l’humanité au sens juridique du terme”

M. CHERIF Abbes : “Des crimes contre l’humanité au sens juridique du terme”

Le ministre des Moudjahidine, M. Mohamed Cherif Abbes a qualifié hier les massacres du 8-Mai-1945 de « crimes contre l’humanité » au sens juridique du terme car commis contre un peuple sans défense qui, sorti manifester pacifiquement, a été sauvagement réprimé.

« Nous ne pouvons, en tant que victimes, qualifier ces massacres autrement que de crimes contre l’humanité au sens juridique du terme car ils ont été commis contre un peuple sans défense qui, sorti manifester pacifiquement, a été sauvagement réprimé », a indiqué le ministre des Moudjahidine dans un entretien à l’APS à l’occasion du 66e anniversaire des massacres du 8-Mai-45.

Le crime est, de ce fait, a-t-il ajouté, « établi, avec preuves et arguments à l’appui et ne peut être imprescriptible. Il pourrait être assimilé aux crimes les plus odieux dans l’histoire de l’humanité ».

Des situations moins atroces, que nous condamnons du reste, ont été classées comme crimes contre l’humanité ».

A l’approche de ce douloureux anniversaire le peuple algérien se remémore avec amertume les massacres « innommables » commis par l’occupant français à l’encontre des chouhadas qui ont « opéré, par leurs sacrifices, un rebond de conscience du mouvement national en général et ses dirigeants en particulier ».

Pour le ministre, « ces sacrifices colossaux ont contribué à trancher le débat sur les alternatives possibles de salut, et ce, en faveur de la révolution armée comme unique solution pour éradiquer le colonialisme ». M. Abbes a en outre estimé que cette commémoration était « l’occasion de passer en revue les sacrifices et les épreuves endurés par le peuple algérien pour le recouvrement de sa souveraineté et de son indépendance ».

A une question, sur les pas devant être accomplis pour faire connaître encore plus la sauvagerie de ces massacres notamment en direction de la génération de l’indépendance, M. Abbes a souligné que l’Etat algérien « par fidélité aux sacrifices des martyrs des massacres du 8-Mai-45 a décrété une journée nationale qui célèbre la symbolique des sacrifices qui ont permis d’opter pour la révolution armée, d’une part, et qui représente une occasion de condamner la dimension inhumaine des massacres et des crimes du colonisateur ».

La Commission nationale de célébration des journées et fêtes nationales s’active, au moment de l’élaboration d’un programme sur cet anniversaire d’élargir les manifestations et autres activités de manière à englober toutes les wilayas du pays ainsi que les institutions notamment les établissements d’enseignement et les maisons de jeunes « pour ancrer ce fait historique national hautement important dans l’esprit de la jeunesse et l’imprimer dans les mémoires afin qu’il se transmette de génération en génération ». »Les programmes que nous arrêtons pour rappeler les sacrifices consentis par notre peuple dépassent, de par leur contenu et valeur, le simple concept de les faire connaître car ils sont connus de tous et aucun écrit ni témoignage d’historiens ne sauraient les remettre en cause ou les nier », a indiqué le ministre des Moudjahidine.

Concernant les revendications d’organisations de la société civile quant à la nécessité de relancer le projet de loi criminalisant le colonialisme en Algérie, il a affirmé que les organisations de la société civile toutes tendances confondues, « sont attachées à la loi criminalisant le colonialisme ».

M. Mohamed Cherif Abbes a précisé à ce propos, que la criminalisation du colonialisme était une revendication autour de laquelle se rallient toutes les forces vives du pays, ajoutant qu’elle « ne pourrait être qualifiée de caduque ou nouvelle car n’étant pas propre à une génération donnée ».

« Le fait de glorifier le colonialisme ne saurait que susciter l’indignation de la conscience humaine en général, et celle des peuples qui en ont souffert en particulier », a-t-il encore dit.

Le ministre a déclaré au sujet de la conservation des restes mortuaires de martyrs de la résistance populaire au musée de Paris tels Cherif Boubaghla mort en 1854 et Cheikh Bouziane de Zaâtcha mort en 1849, « je n’ai pas de commentaire autre que celui de m’interroger si le fait de conserver des restes mortuaires était source de fierté pour la France coloniale ou reconnaissance de leur importance en tant que symbole de loyauté à la cause pour laquelle ils se sont sacrifiés ».

« Lorsque les conditions favorables seront réunies pour traiter du dossier de la mémoire entre l’Algérie et la France, toutes les questions y afférant seront débattues », a-t-il conclu.

Les restes mortuaires de chefs insurrectionnels algériens retrouvés dans un musée à Paris

Les restes mortuaires de dizaines de résistants algériens à la colonisation française, dont ceux de Chérif Boubaghla (mort en 1854) et de Cheikh Bouziane des Zaâtchas (mort en 1849), ont été retrouvés au Museum national d’histoire naturelle (MNHN) de Paris, a révélé à l’APS, l’Algérien Farid Belkadi, chercheur en histoire. Ce spécialiste de l’histoire antique et de l’épigraphie libyque et phénicienne, qui s’intéresse également à la période coloniale, a précisé que certains fragments des corps étaient conservés au MNHN de Paris, depuis 1880, date à laquelle ils sont entrés dans la collection « ethnique » du musée.

Ces restes, des crânes secs pour la plupart, appartiennent à Mohamed Lamjad Ben Abdelmalek, dit Chérif « Boubaghla » (l’homme à la mule), à Cheikh Bouziane, le chef de la révolte des Zaâtchas (dans la région de Biskra en 1849), à Moussa El-Derkaoui et à Si Mokhtar Ben Kouider Al-Titraoui. La tête momifiée d’Aïssa Al-Hamadi, qui fut le lieutenant du Chérif Boubaghla, fait partie de cette découverte. De même que le moulage intégral de la tête de Mohamed Ben-Allel Ben Embarek, le lieutenant et alter ego de l’Emir Abdelkader. Selon les indications fournies par le chercheur, l’origine, la date d’entrée au musée et l’identité des sujets algériens insurgés contre l’autorité française sont inscrites dans la base de données du MNHN sous la forme : « Don du Dr Cailliot, 1881-37 Yaya Ben Said n° 6872, crâne a.m.i » ou encore en ce qui concerne le crâne de Boubaghla : « Don de M.Vital, de Constantine, 1880-24, Bou Barla, dit Le Borgne. 5940, crâne s.m.i ».

« Il a fallu des recherches subsidiaires pour savoir qui était qui, en ce qui concerne les donateurs ou les collectionneurs, certains sont médecins militaires, d’autres sont anthropologistes», a confié le chercheur, qui signale que les crânes de Boubaghla, de Bouziane, de Moussa Al-Darkaoui… portent tous un numéro d’ordre inscrit à même l’os. « Ils sont calfeutrés dans de vulgaires boîtes cartonnées, qui évoquent les emballages de magasins à souliers ! Ces boîtes sont elles-mêmes rangées dans les étagères d’énormes armoires métalliques grises aux portes coulissantes, fermées à double-clé, une bien triste fortune pour des hommes de la trempe de Chérif Boubaghla qui sacrifia sa vie et son existence pour que vive l’Algérie libre », a-t-il regretté, en exhibant les photos des restes de ces héros. Pour le chercheur, qui est le premier Algérien à avoir eu accès à cette collection, le but de son travail n’est pas de faire un exposé nécrologique sur la découverte »accablante » de restes mortuaires d’Algériens gardés dans des boîtes cartonnées ou du formol dans un Musée français, mais d’attirer l’attention sur ces symboles forts de l’histoire contemporaine de l’Algérie, qui sont privés de sépultures ».

M. Belkadi, qui confie avoir « remué ciel et terre » pour pouvoir enfin être admis à la collection après avoir adressé des correspondances aux plus hautes instances de la France, a affirmé être mû par deux déterminations en faisant cette recherche : « Fournir tous les efforts en ma possession, dit-il, pour que soient rapatriés en Algérie les restes mortuaires de ces personnages historiques et procéder à la publication de ce travail de recherche dans le cadre de colloques spécialisés.

Le directeur des collections au MNHN de Paris, Philipe Mennecier, a souligné que c’était « la première fois qu’il recevait dans l’établissement un chercheur algérien qui en avait fait la demande ». Pour ce responsable au MNHN, « rien n’empêcherait le rapatriement de ces restes mortuaires. Il suffit que la partie algérienne en formule la demande ». « Ce sont à l’origine des donations qui font partie du patrimoine national.

Et seul un accord entre l’Etat algérien et l’Etat français pourrait faciliter la démarche de rapatriement », a-t-il précisé. Selon des récits concordants d’historiens, c’est le général Herbillon qui donna l’ordre d’exécuter le Cheikh Bouziane et ses compagnons. La tête du Cheikh fut fixée à la baïonnette d’un fusil, à la baguette fut pointée celle de son fils et sur la capucine fut ajustée celle de Chérif Moussa al-Darkaoui. Ces têtes furent exposées dans un camp pour « convaincre les sceptiques de leur mort et servir d’exemple à ceux qui essaieraient de les imiter », selon un texte de l’époque, et furent exhibées ensuite au marché de Biskra.

Lors d’un séminaire national sur « l’épopée des Zaâtchas » organisé en mai 2009 à Biskra, les participants avaient « exigé » de la France « la restitution des crânes de trois héros de la résistance », décapités lors de la révolte des Zaâtchas, sans avoir pu identifier le lieu de conservation des restes de Bouziane et de ses compagnons, ni attester de leur éventuelle existence.

Selon M. Belkadi, on doit au Dr F. Quesnoy l’illustration représentant les têtes coupées de Bouziane, de son jeune fils et de Moussa Al-Darkaoui, qui furent exposées ensemble à Biskra, fixées sur des pals. « Cependant, le crâne du fils de Cheikh Bouziane n’a pas pu être identifié dans les collections du MNHN. Il doit figurer sous un autre nom au MNHN, « ce qui signifie qu’il y a de fortes chances qu’il ait été définitivement égaré », a-t-il relevé.

Plus de 500.000 mines détruites entre 2004 et 2011

Plus de 500.000 mines ont été détruites entre novembre 2004 et mars 2011 dans plusieurs zones frontalières du pays, a annoncé jeudi à Tébessa, le colonel Ahcène Gharabi, secrétaire exécutif du comité interministériel de suivi de la mise en œuvre de la convention d’Ottawa portant notamment sur l’interdiction de l’emploi et de la production des mines antipersonnel.

« Le processus de destruction des mines antipersonnel, engagé par l’Algérie au lendemain du recouvrement de l’indépendance, a atteint sa vitesse de croisière et sera complètement achevé au terme du délai supplémentaire de 5 ans qui devrait être accordé à l’Algérie par l’ONU pour dépolluer l’ensemble des champs frontaliers minés », a affirmé à cet égard, le colonel Gharabi, dans une déclaration à l’APS, en marge d’une rencontre nationale sur les mines antipersonnelles organisée jeudi, au musée du Moudjahid de Tébessa.

Le même responsable a ajouté que ce délai de 5 ans, sollicité par l’Algérie, a été calculé minutieusement en tenant compte de tous les impondérables. Il a assuré, dans ce contexte, que des techniques ultramodernes et hautement sécurisées sont actuellement utilisées pour la destruction des mines restantes, estimées à plus de deux millions et demi. Au cours des travaux de la rencontre, organisée par l’association Mechaâl Ech-Chahid, en présence des autorités locales, d’officiers et du directeur général des archives nationales, M. Abdelmadjid Chikhi, le lieutenant-colonel Hocine Hamel, chargé de l’opération de dépollution des champs minés par l’armée coloniale dans la région Est du pays, a indiqué que des superficies de 935 et de 180 hectares ont été entièrement déminées et remises, respectivement, aux autorités des wilayas de Tébessa et d’El Tarf. Le même officier a affirmé que 79.184 mines dont 74.895 mines antipersonnel et 4.289 mines anti-groupes ont été complètement neutralisées dans les régions frontalières de l’Est du pays.

Le taux d’extraction des mines dans la région orientale de l’Algérie est de l’ordre de 40,05 %, a-t-il ajouté, soulignant que c’est dans la wilaya de Tébessa qu’avait été semé le plus grand nombre de mines, sur une ligne de plus de 386 km linéaires. La détection des mines « se fait le plus souvent grâce aux citoyens qui orientent les unités de déminage vers les zones recelant ces bombes à retardement », a fait savoir le même officier, précisant que la population constitue « le repère le plus fiable » pour les éléments concernés de l’Armée nationale populaire (ANP).

Les lignes Challe et Morice représentent encore » l’un des plus importants dossiers hérité du colonialisme », se sont accordés à souligner, par ailleurs, des historiens et des moudjahidine lors de cette rencontre qui a vu également la participation de plusieurs victimes des mines antipersonnel dissiminées sur les bandes frontalières du pays.

Des communications et des interventions sur ce thème ont été données par des spécialistes et des moudjahidine ayant vécu les horreurs de ces sinistres lignes Challe et Morice, donnant lieu à un débat au cours duquel les participants ont plaidé pour »davantage de sensibilisation des populations nomades ou celles résidant près des frontières.

Quelques-unes parmi les victimes qui se sont succédées à la tribune pour témoigner du drame qu’elles ont vécu par la faute de ces engins de la mort en ont profité pour lancer un appel aux pouvoirs publics en vue d’une meilleure prise en charge de leurs cas. De son côté, le président de l’association Mechaâl Ech-Chahid, M. Mohammed Abbad, a affirmé que la tenue de ces rencontres qui seront ponctuées, en 2012, par l’organisation d’un colloque international sur les mines antipersonnel, « visent aussi à défendre les droits de cette frange meurtrie de la société ».

La veille, des moudjahiddine et des représentants de l’ANP avaient procédé à la destruction d’une centaine de mines dans la région de Kouif, avant de se rendre à la localité de Debdeb, à frontière algéro-tunisienne, où ils ont entendu, devant la stèle commémorative de la ligne Challe, le témoignage poignant d’un moudjahid, Cherif Douaifia, qui a eu à assister à l’horrible spectacle de personnes sautant sur une mine et qui sont restés, s’ils ne sont pas morts sur le coup, mutilés pour le restant de leurs jours.

La délégation a également visité, à la maison de la Culture de Tébessa, une exposition a été organisée pour la circonstance.