Si les autorités sont conscientes de la nécessité du dépistage et de la prévention, il n’en reste pas moins qu’un problème de moyens se pose avec acuité dans cette région du Sud.
Plus de 8 000 personnes, représentant un taux de 4,5% de la population, sont dépistées annuellement à Tamanrasset. C’est ce qu’on a appris, à la veille de la Journée mondiale de lutte contre le sida, auprès de médecins spécialistes à l’hôpital de cette wilaya du Grand-Sud. Toutefois, un déficit énorme est enregistré au niveau de cet établissement en matière de moyens destinés à la prise en charge de sidéens et de personnes vivant avec le virus de l’immunodéficience humaine (PVVIH), a-t-on signalé.
Désigné comme centre de dépistage de référence (7e du genre à l’échelle nationale), l’hôpital est doté de deux appareils, l’un pour mesurer la CD4 (marqueur important de l’immunité) et l’autre pour la charge virale. Sauf que ces équipements, acquis à coups de milliards dans le cadre d’une coopération algéro-belge, sont actuellement hors service en raison, précisent nos sources, du manque de personnel qualifié et de produits réactifs utilisés pour déceler le VIH chez les personnes dépistées.

Chose qui n’est pas du tout acceptable aux yeux des spécialistes qui éprouvent beaucoup de difficultés pour satisfaire les patients dans cette structure qui, faut-il le noter, assure la couverture sanitaire d’une région sensible de par son cosmopolitisme et sa situation géographique. “L’appareil de mesure de la CD4, indispensable dans les différentes étapes thérapeutiques du sida, ne peut pas être mis en marche sans un spécialiste en microbiologie qui n’existe même pas à l’hôpital. Même constat pour l’appareil de mesure de la charge virale chez les personnes atteintes du VIH. L’opération n’a été effectuée qu’une seule fois depuis 2003, date de classification de l’hôpital de Tamanrasset parmi les centres nationaux de référence à défaut de réactifs qui coûtent excessivement chers”, s’indigne-t-on, non sans faire remarquer que face à l’exode que connaît la wilaya à la suite de la détérioration de la situation sécuritaire au Sahel, Tamanrasset est potentiellement exposée à cette pathologie infectieuse.
Si nos officiels, adeptes de la langue de bois, emploient souvent des stéréotypes pour tenter de rassurer la population, la propagation du VIH/sida dans cette collectivité préoccupe plus d’un.
Plus de 60 cas séropositifs en 2014 !
Durant 2014, plus de 60 nouveaux cas de séropositifs ont été enregistrés, affirme une source hospitalière, précisant que ce chiffre peut être revu à la hausse si l’on tient compte des malades dépistés hors wilaya ou au niveau des laboratoires privés. Citant l’exemple du centre de dépistage de Tahaggart, notre source a fait état de 18 malades ayant contracté le virus du sida (11 Algériens, 2 Nigériens, 3 Maliens, 1 Camerounais et 1 Gambien). Pour confirmer ou infirmer la véracité de cette information, nous nous sommes rapprochés du chef du centre en question, mais il a refusé toute déclaration à la presse, préférant se murer dans le silence. Le chef de service des maladies infectieuses à l’hôpital de Tamanrasset, le Dr Elias Akhamok, a, quant à lui, renvoyé la balle à l’Institut Pasteur, car “il est le seul laboratoire habilité à avancer des chiffres officiels sur le nombre de séropositifs et de sidéens enregistrés en Algérie avec une marge d’erreur minime, voir nulle”, explique-t-il en substance. Évoquant le programme de lutte contre le sida à Tamanrasset, M. Akhamok a préconisé la création d’annexes de traitement spécialisées devant travailler en collaboration avec les centres hospitalo-universitaires (CHU) qui possèdent l’expérience nécessaire et les moyens requis.
Malheureusement, la prolifération de réseaux de prostitution, le manque d’éducation sexuelle et l’importance du flux migratoire considérés comme les principales causes de l’émergence de cette pandémie ont rendu vains tous les efforts consentis par l’État. Un problème exacerbé par le manque de campagne de sensibilisation et le mutisme des autorités concernées, s’expliquant par le verrouillage de toute source d’information sur ce fléau, qui reste un tabou insurmontable à Tamanrasset.
R. K.