Les agressions contre les médecins et les paramédicaux ont pris, ces derniers mois, des proportions alarmantes.
Des délinquants armés sèment la terreur surtout au niveau des services des urgences des hôpitaux. Parmi la série de violences signalées depuis le début de l’année en cours, l’agression dont a été victime le docteur Bachir Guerbas, du service des urgences de l’hôpital Mustapha-Pacha par les proches d’une malade. Un autre médecin spécialiste (radiologue) a été également molesté à l’hôpital de Khenchela. Un pédiatre, qui voulait secourir sa collègue agressée verbalement par un parent d’une fillette, a été roué de coups.
Plus grave encore, un urgentiste a été attaqué au sabre et aux gourdins à l’hôpital Ibn Sina de Frenda dans la wilaya de Tiaret par deux individus qui protestaient contre le décès de leur ami qui a succombé à ses blessures suite à un accident de la route. La polyclinique de Khemis El Khechna à Boumerdès a été, en août dernier, le théâtre d’actes de saccage commis par des membres de deux familles qui ont livré une bataille rangée sur place. A l’hôpital Mohamed-Seddik Benyahia à Jijel, un jeune, âgé de 22 ans, avait menacé de mort publiquement le personnel médical des urgences.
Les urgentistes de l’hôpital de Baïnem, à l’ouest d’Alger, ont vécu une nuit d’horreur suite à une dispute entre des proches d’un délinquant blessé, transféré aux urgences, et un autre gang. La fin de cette semaine a été marquée par une agression armée au niveau d’un centre de santé à l’est du pays. Des employés du secteur sanitaire Mohamed-Khemisti, au centre ville de la wilaya de Constantine, ont été agressés à l’arme blanche par deux individu, a-t-on appris auprès la DGSN.
Aussitôt alertés, les policiers de la 8e sûreté urbaine de Constantine sont intervenus. Sur les lieux, ils ont interpellé un des deux individus avec en sa possession un couteau et une barre de fer. « On a surtout peur durant la nuit », témoigne un médecin au niveau du service des urgences du CHU Mustapha-Bacha. Ce médecin, mère de deux enfants, reconnaît qu’elle travaille dans des conditions difficiles. « A chaque garde, c’est l’alerte à la maison. Depuis l’agression dont a été victime un de nos collègues au niveau de ce service, mon époux s’inquiète. L’insécurité nous inquiète, on ne sort plus de nos bureaux pour éviter toute dispute avec les proches des malades », se plaint-elle.
Même inquiétude chez le personnel paramédical qui avoue avoir peur de continuer d’exercer dans un tel climat d’insécurité. « Souvent, on est face à des délinquants armés et des drogués qui nous menacent avec des armes blanches pour leur prescrire des psychotropes », indique un médecin résident. Un autre médecin urgentiste estime que quelqu’un qui vient armé à un hôpital « a une intention criminelle ». Pour ses collègues, la situation « est grave et intolérable, puisqu’il ne s’agit plus d’agressions physiques mais aussi d’insultes et d’humiliations de la part des proches des malades », affirme un médecin interne.
Les raisons d’une violence
Pour faire face à cette nouvelle situation, le docteur Mohamed Bekkat Berkani, président du Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom), suggère la mise en place d’un plan qui « prenne en charge le volet sécuritaire dans les structures hospitalières ». Pour ce responsable, les médecins dépendent de la fonction publique ce qui nécessite une prise en charge de ce problème par les autorités publiques. Toutefois, le Dr Berkani affirme que la situation dans les structures hospitalières est à l’origine de cette violence. « Il y a un manque d’équipements et de médicaments. Des appareils sont en panne. Il y a une crise de confiance chez les citoyens vis-à-vis du service public.
Leur colère se traduit par la violence », explique-t-il. Comment y faire face ? « Ce n’est pas au médecin d’assumer cette situation. L’administration doit désigner des agents d’accueil pour communiquer avec les accompagnateurs des malades. Le médecin est là pour consulter et traiter », note-t-il. Le président du Cnom appelle à redoubler d’efforts pour « une réforme profonde du système de la santé ». Autre solution : « les citoyens qui se sentent lésés peuvent saisir l’ordre des médecins sans recourir à la violence », insiste le Dr Bekkat. De son côté, le président du syndicat des paramédicaux, Lounès Ghachi, a appelé les pouvoirs publics à prendre des mesures d’urgence pour sécuriser le personnel de la santé. « L’administration doit s’impliquer pour renforcer la sécurité des services par les éléments de la police mais aussi par les agents de sécurité », recommande-t-il. En outre, M. Ghachi fera remarquer que l’administration ne se constitue pas comme partie civile dans les plaintes transmises à la justice. « La victime se présente seule avec son propre avocat sans aucune assistance de la part de l’hôpital alors que l’agression a eu lieu sur le lieu du travail », affirme-t-il.
Présence renforcée de policiers
Face à cette situation, le haut commandement de la DGSN vient de renforcer la présence des policiers dans les grands hôpitaux et les structures hospitalières des quartiers chauds. En ce sens, le directeur de la communication de la police, le commissaire divisionnaire Djilali Boudalia , a affirmé que la DGSN vient de doubler le nombre d’agents de police, notamment au sein des centres hospitalo-universitaires et autres structures implantées dans des quartiers populaires. « La présence de ces policiers est permanente jour et nuit. Le dispositif est renforcé au niveau des urgences par des patrouilles mobiles de la police judiciaire qui effectuent des rondes afin de repérer tout mouvement suspect ou intervenir en temps réel », signale-t-il
Neïla B.