Lutte contre les terroristes de l’EI, Obama : “Les États-Unis d’Amérique n’ont pas de stratégie”

Lutte contre les terroristes de l’EI, Obama : “Les États-Unis d’Amérique n’ont pas de stratégie”

L’establishment américain, qui a aidé l’organisation terroriste d’Abou Bakr el-Baghdadi à s’armer et à s’organiser au nom de la “démocratie”, peine à lutter contre un groupe qui arrange ses intérêts et ceux de l’État hébreu au Proche-Orient.

Le président Barack Obama vient de jeter un pavé dans la mare en affirmant n’avoir pas de stratégie pour lutter contre les terroristes de l’organisation d’Abou Bakr el-Baghdadi autoproclamé État islamique alors que l’US Air Force mène des frappes aériennes contre les positions de ce groupe armé islamiste. La déclaration du locataire de la Maison-Blanche suppose deux lectures possibles. La première peut s’articuler autour de la volonté des Américains de ne pas assumer à eux seuls la lutte antiterroriste dans une région où ils ont soutenu les révolutions ainsi que l’opposition même radicale contre les régimes dictatoriaux dont celui de Bachar al-Assad.

Ce choix, s’il venait à se confirmer, supposerait la création d’une coalition arabe à qui échoirait la mission de combattre les nouveaux mouvements radicaux plus dangereux qu’Al-Qaïda dans un Moyen-Orient où le Printemps arabe a eu comme conséquence majeure la fragilisation des États. D’où d’ailleurs les frappes aériennes confirmées par les USA et démenties par l’Égypte menées par les émirats et l’Égypte contre les positions islamistes en Libye. Cette initiative, dont on ne connaît pas encore les objectifs, semble s’inscrire dans un plan beaucoup plus large qui impliquerait directement les États arabes et musulmans dans la guerre contre le terrorisme. La deuxième lecture concerne le fonctionnement même de l’establishment américain et plus particulièrement la doctrine de guerre d’Obama qui s’articule autour de frappes militaires ciblées sans troupes de combat au sol. La vision du président américain, forgée durant les années où l’armée américaine était engluée dans le conflit irakien, le pousse vers un type d’engagement militaire dans lequel les drones sont au cœur du dispositif pour viser les militants d’Al-Qaïda au Pakistan ou au Yémen. Et les forces spéciales mènent des opérations contre des individus jugés dangereux en Libye ou en  Somalie.

Cette approche dénote également la complexité du conflit irakien et syrien qui risque de faire voler en éclats les frontières existant au Proche-Orient. Dans un discours référence prononcé fin mai devant la prestigieuse école de l’armée de Terre de West Point, il avait mis en garde contre la tentation de faire usage, en toutes circonstances, du “marteau” que représente la puissance militaire américaine. “La stratégie consistant à envahir tous les pays où sont implantés des réseaux terroristes, est naïve et intenable”, avait-il lancé. Au-delà de la supériorité américaine dans les airs, le président américain veut renforcer le soutien aux partenaires locaux dans la lutte contre le terrorisme, à l’image de la stratégie mise en place en Somalie pour faire face aux insurgés shebab où Washington fournit une assistance financière et logistique aux troupes de l’Union africaine (UA). Il a gardé cette approche dans l’offensive lancée début août en Irak, deux ans et demi après le retrait des troupes américaines de ce pays. Les frappes, effectuées depuis près de trois semaines dans le nord du pays, ont permis  d’éviter le massacre de milliers de Yazidis coincés sur le mont Sinjar.

Elles ont aussi permis à l’armée irakienne et aux forces kurdes de reconquérir le barrage de Mossoul, mais sans aller jusqu’à anéantir les groupes de l’État islamique dont la création a été favorisée par les Américains afin d’affaiblir les Républiques arabes et conforter Israël dans sa stratégie d’extermination du peuple palestinien au nom de la lutte contre le terrorisme. “Beaucoup de gens ont le sentiment que l’outil le plus puissant et le plus efficace à la disposition du président est l’action militaire”, explique Josh Earnest, porte-parole de M. Obama. “Mais ce que nous avons appris de façon douloureuse au cours de la décennie écoulée est qu’une opération militaire menée par les États-Unis n’offrait pas de solution durable”, a-t-il ajouté oubliant au passage que l’intervention US en Irak depuis 1990 a plongé ce pays et toute la région dans le chaos.

Vaincre l’EI et assouplir les positions vis-à-vis du régime syrien 

L’avancée fulgurante des terroristes islamistes en Irak depuis début juin a cependant montré les limites de la stratégie consistant à s’appuyer sur des partenaires locaux : les forces irakiennes, pour lesquelles Washington a investi des milliards de dollars, se sont écroulées en quelques jours. En Syrie, la situation est encore plus compliquée : les rebelles modérés sont en position de faiblesse, et le seul allié potentiel de poids dans la  lutte contre l’EI est Bachar al-Assad, une hypothèse rejetée avec force par Washington. L’exemple de la Libye, qui sombre dans le chaos, n’est pas non plus particulièrement encourageant pour l’administration américaine.

“Il y a toujours, à Washington et au sein de l’administration Obama, des gens qui considèrent que, d’une manière ou d’une autre, la puissance militaire américaine peut stabiliser une zone qu’elle a contribué à déstabiliser”, explique Andrew Bacevich, professeur de relations internationales à l’université de Boston. “Je suis sceptique face à ce type de raisonnement.” Pour autant, l’idée d’une offensive plus vaste face aux groupes armés islamistes fait son chemin. Pour le général Martin Dempsey, plus haut gradé américain, les terroristes peuvent être “défaits”, à condition de les poursuivre également en Syrie et non pas uniquement en Irak. “Il est impossible de contenir l’EI, il faut le vaincre”, estime le sénateur républicain John McCain, qui réclame des frappes en Syrie depuis plusieurs semaines.

Certains analystes estiment que pour l’emporter face à un groupe qui n’a “pas sa place au XXIe siècle”, selon les termes du président américain, Washington pourrait être contraint d’assouplir sa position vis-à-vis de Damas. “Le gouvernement Assad est peut-être terrible, mais c’est un moindre mal par rapport à l’EI”, estimait, dans le Financial Times, Richard Haass, président du Council on Foreign Relations.

C’est une évolution de la vision occidentale vis-à-vis de la Syrie depuis les révolutions arabes en 2011. Aujourd’hui, même si Paris et Washington rejettent l’idée même que le régime d’Al-Assad pourrait être un allié dans cette guerre contre les héritiers d’Al-Qaïda, il n’en reste pas moins que l’Occident ne peut trouver de cohérence que s’il venait à faire des choix certes douloureux mais qui demeurent pragmatiques face aux nouveaux terroristes qu’ils ont eux-mêmes aidés à s’armer au nom de la “démocratie”.

Dans l’état actuel des choses, maintenir la pression contre le régime syrien et lutter contre les islamistes donnerait cette étrange impression que la stratégie occidentale vise, ni plus ni moins, la destruction totale des républiques arabes au grand bénéfice de l’État hébreu.

Yacine S