Lutte contre le terrorisme et le crime organisé transnational : Priorité aux définitions

Lutte contre le terrorisme et le crime organisé transnational : Priorité aux définitions

On va certainement parler longtemps des définitions du crime organisé transnational et du terrorisme. La raison en est très simple : les bouleversements que connaît le monde depuis quelques mois sont porteurs certes de grands espoirs, mais ils ouvrent aussi grande la porte aux aventures politiques aux lendemains incertains.

La menace de circulation de grandes quantités d’armes et de munitions dans la région sahélo-saharienne a certes été longuement traitée durant la conférence de haut niveau sur le partenariat et la lutte contre le terrorisme et le crime transnational, organisée à Alger les 7 et 8 septembre 2011. Les questions de stratégie qui doivent lier les pays du Champ (Algérie, Mali, Mauritanie et Niger) ont été effectivement abordées. Une stratégie sur laquelle sont informés les pays extrarégionaux, les partenaires proches de la région, mais aussi les pays occidentaux concernés par les questions de sécurité.

Il est clair que l’intitulé même de la conférence souligne les multiples dimensions de la menace à laquelle font face les pays du Champ. Si on comprend exactement le sens de la menace sur le plan foncièrement militaire, l’invitation d’experts internationaux et nationaux, des représentants des banques régionales comme la BAD et la Banque islamique ou des grands bailleurs de fonds pour lutter contre la pauvreté et la misère dont se nourrissent le terrorisme et le crime transnational organisé, c’est qu’on aborde aussi les raisons structurelles qui permettent au terrorisme et au crime organisé de trouver une raison de s’organiser et de s’implanter dans une région où en principe les conditions naturelles sont les premiers ennemis de l’homme.

La quête d’une coopération multiforme avec les partenaires étrangers est liée essentiellement à ces exigences de développement. La facilité de recrutement pour les groupes terroristes et les bandes criminelles – qui plus est peuvent faire jonction – est due essentiellement aux conditions sociales et économiques difficiles des habitants de la région. Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, a bien évoqué, avant la tenue de la réunion, l’épineuse question du financement du terrorisme à travers le paiement de rançons. Cet appel de fonds permanent constitue le nerf de la guerre que les sociétés bien pensantes peuvent fournir aux bandes armées en faisant fi de la destination de cet argent. Donc, à menace globale, réponse globale, pour reprendre les propos du ministre délégué aux Affaires maghrébines et africaines. Comprendre que la lutte armée et l’échange de renseignements ne suffisent pas à endiguer le danger sans un effort de développement réel et efficace pour réduire de la capacité de séduction des groupes armés quelle que soit leur nature.

Il reste que plus que jamais cette définition de la menace sous l’intitulé complexe de «lutte contre le terrorisme et le crime transnational organisé» élude d’une certaine manière la nature divergente des menaces.

LA QUESTION DES DÉFINITIONS

Il ne s’agit pas de sombrer dans cette espèce de fétichisme des concepts qui consiste à débattre longuement des définitions et des mots. Mais on comprend bien que les fondements «intellectuels» des deux menaces ainsi regroupées sont différents. Si terrorisme et crime organisé transnational ont pour finalité de terroriser et d’agresser les personnes et porter atteinte aux biens, il reste que pour le terrorisme la lutte au plan militaire ne sera jamais efficiente si on n’aborde pas sa dimension doctrinale et qu’on ne détruise pas sa capacité de séduction idéologique. Le crime organisé n’a d’autre raison d’exister que l’enrichissement rapide et en dehors de toute légalité. Un mode d’enrichissement prédateur dont le moteur essentiel est la cupidité des hommes.

Le terrorisme, quant à lui, possède une matrice idéologique évidente et il faut bien le constater, on aborde de moins en moins cette dimension de la lutte.

D’ailleurs, on est enclin à dire que la vision du djihadisme limitée à sa seule dimension terroriste, donc criminelle, a du mal à faciliter une compréhension globale du phénomène. Il y a des approches culturelles, sociologiques, historiques et anthropologiques à entreprendre qui sont nécessaires pour mieux le contrer. Le rêve délirant de califat global, de nation musulmane unifiée, de foi absolue dans le caractère absolu des prescriptions religieuses, d’ordre islamique international, c’est ce qui pousse les terroristes à agir. Une idéologie fondée sur une lecture fermée et définitive du Coran sans possibilité de débat ; c’est ce qui fonde l’exégèse des groupes terroristes. Les armes les plus puissantes et les dispositifs électroniques les plus performants sont totalement inopérants face à ce genre de propagande.

Plus que jamais, le terrorisme par ses modes opératoires criminels, mène une guerre contre les formes modernes de gouvernance. Il nomme ses ennemis démocratie et développement. Le djihadisme devient ainsi une hérésie moderne au moment où l’on parle de la «fin des idéologies» ou de la «fin de l’histoire».

Il est évident donc que la lutte, au-delà de la réponse militaire, est une riposte intellectuelle et morale dans laquelle serait mobilisé tout ce qui fait les forces vives des nations menacées. Traiter les symptômes sans traiter les causes, reviendrait à s’engager dans une guerre interminable. Pourtant, cette absence de définition est constatée aujourd’hui. Au moment où étaient commémorés les événements du 11 Septembre, le devoir de mémoire n’a pas été propice à une explication nécessaire et un rappel de la différence qui existe entre l’Islam pratiqué par l’ensemble des musulmans et les fondements idéologiques du salafisme et du djihadisme. Cette situation donne lieu en Occident à des amalgames dangereux dont l’effet le plus connu médiatiquement demeure ce qu’on a appelé – souvent à tort – d’islamophobie. Ce concept étant porteur en lui-même d’acception d’une menace induite psychiquement et qui n’existe que si on veut bien qu’elle existe.La démarche urgente dont on n’a pas encore compté les premiers pas devrait voir des campagnes menées partout, dans les pays musulmans et en Occident pour démonter le discours doctrinaire, dévastateur de ce fléau. Cette lutte contre l’obscurantisme est aussi urgente à mener donc que n’est urgente la coordination des efforts militaires et de développement engagés pour lutter contre le terrorisme d’une part, et le crime organisé transnational, d’autre part.