Lutte contre le marché informel, Un Cuisant échec sur le terrain

Lutte contre le marché informel, Un Cuisant échec sur le terrain
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Plus de 50% des marchés informels sont toujours là

Le constat est plus qu’aisé à établir et les chiffres parlent d’eux-mêmes.

La campagne d’assainissement lancée par les pouvoirs publics conjointement avec le ministère du Commerce et celui de l’Intérieur et des Collectivités locales en 2012 pour éradiquer le marché parallèle, a connu un cuisant échec sur le terrain, et pour cause sur les 1 368 marchés informels recensés 876 ont été soi-disant éradiqués. L’opération a nécessité près de 14 milliards de dinars pour mettre en place de nouveaux espaces commerciaux. Résultats des courses: en 2014 plus de 50% des marchés informels sont toujours là. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné? Quelles ont été les failles de cette opération? C’est ce qui a été débattu hier, lors de la journée d’étude organisée par la Chambre de l’industrie et de l’artisanat de Tipasa. Il faut savoir, que l’enquête établie par l’ONS, révèle que 80% des transactions commerciales se font sans aucune facture, 70 à 80% des transactions utilisent le cash comme moyen de payement, 900.000 sur 1,2 million de commerçants inscrits au Cnrc ne payent pas leurs cotisations à la Casnos, et enfin, l’approvisionnement des deux tiers de la population provient de la sphère informelle.

Alors que le fondement d’une économie saine, se base sur la transparence et la traçabilité des échanges commerciaux, et la bancarisation de toutes les transactions, sur le terrain, il s’agit de 206,5 milliards de dinars qui échappent à la comptabilité de l’Etat. Pour se faire une idée, un commerçant informel peut arriver à faire des journées de plus de 4000 DA, ce qui est en quelque sorte plus que normal, puisqu’il n’est ni enregistré au Cnrc ni affilié à la Casnos, et encore moins concerné par la notion d’obligation de charges sur l’espace qu’il occupe, c’est dire l’ampleur des dégâts qu’occasionne ce marché autant à l’Etat, qu’aux commerçants déclarés et réguliers.

En plus du préjudice financier, le préjudice de santé, et moral n’est pas des moindres. Pour le premier, il faut savoir que chaque année, de nombreuses victimes sont à déplorer, suite à des intoxications alimentaires qui s’avèrent dans certains cas, mortelles, et pour cause le marché informel est par définition le marché des bas prix, où les produits alimentaires exposés à même le sol, ou à la merci de toutes les variation climatiques, échappent à tout contrôle de qualité et de péremption. Pour le deuxième, les commerçants établis de façon légale, payent le prix fort en matière de manque à gagner.

La perte de clientèle occasionnée par le marché informel est dans la plupart des cas irréversible. Pour revenir aux causes qui peuvent expliquer l’impuissance de l’Etat à venir à bout de ce phénomène qui gangrène le tissu économique et commercial du pays, les différents secteurs qui ont pris part à cette opération se rejettent la responsabilité. L’administration fiscale affiche une réelle impuissance à intervenir du fait que ces commerçants ne sont pas inscrits au Cnrc. Les autres intervenants imputent la responsabilité de cet échec aux retards accusés par les pouvoirs publics dans la réalisation du réseau national de distribution qui au demeurant, ne dépasse même pas les 30%.

Par contre, les spécialistes parlent plutôt de mettre en place et ce quels que soient les chiffres avancés, une structure de suivi et de contrôle statistiques permanente, de mesurer de façon régulière l’ampleur du phénomène par la création d’observatoire muni d’outils de contrôle et d’évaluation. Pour eux, les campagnes d’éradication tous azimuts et totale du commerce informel, relèvent plutôt de l’improbable, ils préconisent plutôt des mesures progressives soutenues par des conditions économiques et sociales qui viseraient à rapprocher cette partie de la population vulnérable vers l’économie officielle. En attendant, le simple citoyen aux revenus modestes, ne trouve pas l’alternative ou le substitut qui lui permettrait d’arriver a la fin du mois, et continuera à s’approvisionner au marché parallèle. C’est aussi l’une des facettes de ce phénomène qui mériterait peut-être de s’y attarder.