Le gouvernement a, certes, remporté la première manche, celle des délais, mais le Gafi peut toujours épingler l’Algérie sur le contenu de sa nouvelle législation.
Sans surprise, les députés ont adopté, jeudi, à la majorité, le projet de loi amendant la loi relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme de 2005, modifiée déjà en 2012. Sans surprise, parce que le mouvement de protestation mené essentiellement par les élus du PT, Alliance verte et le FFS contre la transgression du règlement intérieur de l’Assemblée nationale ne pouvait être suivi par les partis de la majorité parlementaire et présidentielle : le FLN et le RND. Imposé à la dernière minute, alors que l’APN se penchait en plénière pour le deuxième jour consécutif sur le projet de loi portant règlement budgétaire, le texte de loi sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme a été examiné et approuvé en une journée. Sans débat approfondi, ni modifications, même de façade.
La commission des affaires juridiques, administratives et des libertés a affirmé n’avoir reçu aucune proposition d’amendement de la part des parlementaires. Ce traitement expéditif est très rare, même pour une Assemblée réputée pour n’être qu’une boîte aux lettres. Transmis par l’Exécutif le 19 janvier et examiné le lendemain, le projet de loi sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme n’a pas longtemps “séjourné” au niveau de la commission juridique de l’APN. Cette commission ne devait pas se contenter uniquement de l’exposé du ministre de la Justice. Ses consultations nécessitaient d’être élargies aux spécialistes de la question.
Le gouvernement vient donc de remporter la première manche, celle du respect des délais imposés par le Groupe d’action financière sur le blanchiment des capitaux (Gafi).
Lors de sa derrière réunion, tenue en octobre dernier en France, sous la présidence de l’Australie, le Gafi a inscrit l’Algérie sur sa liste grise en raison de l’insuffisance de sa réglementation en matière de lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent. Le pays a jusqu’au 15 février prochain, date de la prochaine réunion de cette instance, pour adapter sa réglementation aux normes internationales, sous peine d’être portée sur la liste noire des pays considérés non coopératifs dans la lutte mondiale contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Seulement, le Gafi peut encore épingler l’Algérie sur le contenu de sa nouvelle législation qui est très succincte. À peine une douzaine de pages, l’exposé des motifs compris. Le document contient plusieurs pages de deux à trois lignes seulement. Les changements apportés par le gouvernement ne sont, non plus, pas significatifs. Et c’est le président de l’Assemblée nationale, lui-même, qui l’avoue. “Le gouvernement a introduit de petits amendements, franchement ce sont deux projets de loi que vous auriez pu lire dans votre voiture en venant à l’APN”, lance-t-il aux parlementaires qui protestaient contre la non-réception de ce document et celui portant violence contre les femmes, trois jours avant leur passage en plénière, comme le stipule le règlement intérieur.
Le nouveau texte contient trois amendements essentiels par rapport au texte de loi de 2005. Il définit le délit de financement du terrorisme et considère cet acte comme un crime, que l’auteur et le commanditaire se trouvent en Algérie ou à l’étranger. Il élargit les compétences des tribunaux lorsqu’il s’agit d’actes terroristes visant les intérêts de l’Algérie ou quand la victime est de nationalité algérienne. Et, enfin, désigne le président du tribunal d’Alger comme autorité habilitée à procéder au gel et à la saisie des avoirs suspects.
Au-delà de la légèreté de ce document qui n’approfondit pas de manière conséquente et efficiente l’ancienne loi, l’Algérie sera jugée sur la base des textes d’application afférents qui faciliteront ou entraveront la concrétisation de toute cette littérature juridique.
Les recommandations du Gafi sont claires là-dessus. Les pays sont tenus, selon cette institution, de prendre des mesures législatives réglementaires, mais aussi opérationnelles contre le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent dont la levée du secret bancaire, principal obstacle aux enquêtes déclenchées dans le domaine et le contrôle des flux financiers qui circulent particulièrement sur le marché informel.
Le gouvernement algérien devait donc non seulement incriminer de manière satisfaisante le financement du terrorisme, pour reprendre les termes du Gafi, mais aussi améliorer les mesures de vigilance relatives à la clientèle des banques en assurant un fonctionnement efficace de la cellule de renseignement financier.
Ce qui est mentionné nulle part dans le texte de loi adopté jeudi dernier. Les directives du Gafi sont de puissants outils pour débusquer et confisquer les produits de la corruption, lorsqu’elles sont mises en œuvre efficacement. Cela explique, peut-être, les tergiversations de l’Algérie qui lui ont valu un avertissement du Groupe d’action financière sur le blanchiment d’argent déjà en 2013 et ensuite en octobre dernier.
N.H.