Dans quelques jours, le nouveau président français (élu en mai dernier) effectuera une visite officielle en Algérie. Les affaires marchent bien entre l’Algérie et la France. Si l’Algérie est un des pays parmi les plus corrompus au monde, la France, à travers ses grandes entreprises, n’est pas si vertueuse que cela.
L’actualité internationale est souvent marquée par des affaires de corruption impliquant des sociétés françaises qui, par ailleurs, sont installées en Algérie où elles y ont remporté des marchés. L’OCDE est très critique à l’égard de la France en matière de lutte contre la corruption. L’ONG Transparence France aussi, qui a mis en exergue les failles du système français qui font de ce pays un «mauvais élève» en Europe. Algérie-France, un couple peu recommandable dans les transactions commerciales ?
En France, la corruption représenterait entre 40 et 50 milliards d’euros par an. D’après une récente étude menée par Transparency International, 7% des Français ont affirmé avoir versé un potde- vin en 2011. Un chiffre ahurissant selon les observateurs de la vie politique française. Cette année encore, l’Indice de perception de la corruption (IPC) vient rappeler le retard français en matière de lutte contre la corruption. Avec une note de 71 sur 100, la France se situe seulement au 22e rang mondial et au 9e rang européen des Etats perçus comme les moins corrompus. La France est ainsi moins bien notée que les pays scandinaves, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Belgique ou encore le Royaume-Uni. L’ONG Transparence France s’interroge à ce sujet et donne des explications : comment expliquer ce classement ? Selon elle, «les règles de transparence encadrant la vie politique et économique française ne sont pas à la hauteur de celles en vigueur dans les autres grandes démocraties. La France est, par exemple, l’un des rares pays européens à ne pas rendre publiques les déclarations de patrimoine des élus». Et d’ajouter : «Florilèges de lois incomplètes ou non appliquées, engagements non tenus : en matière d’intégrité de la vie publique, la France se caractérise aussi par l’écart entre les annonces et les actes. Trop souvent, les déclarations d’intention et les lois votées sous la pression internationale ou celle de l’opinion n’ont débouché dans la réalité que sur des mesures inadaptées ou inappliquées.»
Des perceptions confirmées par les rapports des organisations internationales
Les rapports portant sur l’efficacité des lois et des institutions anti-corruption confirment les perceptions relatives au retard français. Parmi les problèmes mis en avant, les rapports de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) et du Conseil de l’Europe pointent notamment le manque d’indépendance de la justice financière ainsi qu’une législation inadaptée à une poursuite et une sanction efficaces des cas de corruption. Le rapport «Système national d’intégrité» commandé à Transparency International par l’Union européenne confirme que la classe politique — notamment l’exécutif et le Parlement — constitue le maillon faible du système d’intégrité français. En outre, ce rapport met en évidence la faible implication des institutions françaises dans la lutte contre la corruption. La Cour des comptes et les organes de contrôle des élections, qui sont les institutions les mieux notées, font figure d’exception. Les politiques ne sont pas les seuls responsables. Les Français, parfois complaisants à l’égard du favoritisme et de diverses formes d’arrangements, nourrissent un rapport ambigu à l’égard de la corruption. Selon un rapport de l’OCDE publié en octobre 2012, plus de douze ans après l’entrée en vigueur en France de la Convention contre la corruption d’agents publics étrangers dans le commerce international, seules 33 procédures judiciaires ont été initiées et 5 condamnations prononcées. Ces condamnations concernent presque uniquement des PME et des affaires mineures. A titre de comparaison, les Etats-Unis ont initié 275 procédures et l’Allemagne 176. «Frilosité», «immobilisme», «faible réactivité», «moyens insuffisants», ce rapport est accablant pour la France. Huit ans après une première mise en garde, l’Organisation internationale estime que, malgré des avancées, la France n’agit toujours pas efficacement pour empêcher ses entreprises de payer des pots-de-vin à des fonctionnaires étrangers afin de remporter des contrats.
«Ce qui manque, c’est le passage aux actes, faute de volonté politique»
La législation est là, les règles internationales ont été transcrites en droit français. Mais cet arsenal reste incomplet et très peu appliqué. Pour le journal Le Monde (édition du 23 octobre 2012), il s’agit là d’un «constat sévère qui pourrait amener la France à prendre enfin des mesures». «En matière de lutte anticorruption, l’OCDE est l’acteur-clé, avec la Banque mondiale, explique un avocat du cabinet Norton Rose (cabinet d’avocats d’affaires international). Les Etats en ont peur et, en général, quand ils sont montrés du doigt, ils agissent.» «Quatre ou cinq condamnations en douze ans, c’est la preuve que le système est peu efficace, confirme le président de l’association Transparence France. Notre pays est bon élève quand il s’agit d’adopter des lois. Ce qui manque, c’est le passage aux actes, faute de volonté politique.» Le rapport de l’OCDE ne dit pas autre chose. Il montre qu’à chaque étape de la chaîne qui mène jusqu’au procès, les réticences sont fortes pour agir. L’un des problèmes- clés réside dans le manque d’indépendance des procureurs vis-à-vis du ministre de la Justice et du pouvoir politique. Or, «le parquet dispose du pouvoir de bloquer le déclenchement des poursuites en matière de corruption d’agent public étranger», souligne le rapport. Ses experts ont recensé 38 affaires qui n’ont «même pas donné lieu à l’ouverture d’une enquête préliminaire », alors que des sociétés françaises étaient citées. Mais alors, si la France est dans un tel état, il y a lieu de s’interroger sur le degré de risque – certainement élevé –, en matière de corruption, existant avec l’Algérie. Ce n’est certainement pas dans le domaine de la lutte contre la corruption que la coopération entre les deux pays pourrait être fructueuse. Et dire que la France est le premier fournisseur de l’Algérie….
Djilali Hadjadj