Le ministre de la Justice estime, toutefois, qu’on ne peut pas lutter contre ce fléau uniquement par des moyens de répression, appelant la société civile et les médias à s’impliquer dans ce combat.
“On dit que la justice est aux ordres. Je défie quiconque de prouver qu’il y a une intervention des autres pouvoirs dans le travail judiciaire”, a déclaré le ministre de la Justice, garde des Sceaux, en marge de la conférence sur la corruption, organisée hier par son département, au Palais des nations, à Alger. “Je crois que ceux qui colportent de telles allégations font l’amalgame entre la mission du ministère public qui dépend constitutionnellement du ministre de la Justice et le travail judiciaire proprement dit”, réplique Tayeb Belaïz à ceux qui doutent de l’indépendance réelle de la justice. “L’indépendance de la justice et la compétence des juges sont la base pour protéger la société de la corruption et garantir aux accusés un procès équitable”, précise-t-il. Il assure qu’il y a “une volonté politique et une détermination de l’État pour lutter contre la corruption afin d’assurer la stabilité et la sécurité du pays”. Tayeb Belaïz rappelle que sur instruction du chef de l’État, de nombreuses lois ont été révisées, dans le sens d’une plus grande efficacité, comme celle relative aux crédits, la loi sur les délits de changes et celle sur les fuites de capitaux vers l’étranger. Il pense, toutefois, qu’on ne peut pas lutter contre ce fléau uniquement par des moyens de répression, appelant la société civile et les médias à s’impliquer dans ce combat.
Abordant les grandes lignes du programme d’action (2012-2015) de l’organe national de prévention et de lutte contre la corruption, son président, Brahim Bouzeboudjen, soutient que “c’est le domaine de la prévention contre la corruption qui demeure encore le moins investi en Algérie, aussi bien par l’administration que par le secteur économique”.
Dans ce sens, l’ONPLC tentera notamment d’agir sur les risques de corruption en vue de les identifier et les circonscrire, d’évaluer la permissivité des législations et réglementations en vigueur aux pratiques corruptives et d’assurer la coordination et le suivi des activités et des actions engagées sur le terrain par les différents acteurs publics et privés dans le domaine de la prévention et la lutte contre ce fléau. Il sera question, en outre, d’établir une cartographie chiffrée de la corruption, d’évaluer les différents risques de corruption liés à la mauvaise exécution des marchés publics entraînant leurs lots de surcoûts et retard dans la réalisation des projets et l’introduction de nouvelles règles de sûreté et de contrôle telles que l’audit des marchés et la cartographie des risques. Ces mesures seront, tient à souligner le président de l’ONPLC, vulgarisées en priorité avec les secteurs qui gèrent les plus importants budgets d’équipements, à l’instar du secteur du bâtiment, les travaux publics, l’hydraulique, l’agriculture, les transports et la santé publique.
Cet organe est chargé également de recueillir et d’exploiter les déclarations de patrimoine se rapportant à certaines catégories d’agents publics. En l’occurrence les présidents et les membres élus des Assemblées populaires locales (APW, APC), les agents publics occupant des fonctions et des emplois supérieurs au sein des administrations centrales et locales, ainsi que les agents publics occupant des postes exposés aux risques de corruption. Plus de
60 000 agents publics dont 16 000 élus locaux sont concernés par la déclaration du patrimoine.
Par ailleurs, tout en reconnaissant que les statistiques officielles ne reflètent pas l’ampleur de la corruption dans le pays, le ministère de la Justice révèle que 948 affaires de corruption ont été comptabilisées en 2010, impliquant 1 352 personnes poursuivies en justice. Les détournements de biens publics viennent en première position avec 475 affaires, suivis des abus de pouvoir avec 107 affaires, des pots-de-vin (95 affaires) et transactions publiques (79 affaires).
De son côté, le représentant des Nations unies en Algérie s’est félicité de constater que “la lutte contre la corruption en Algérie a été érigée en priorité nationale. Nous encourageons les dirigeants algériens à suivre la feuille de route de l’Onu contre ce fléau”.
À noter que cette conférence a réuni des experts algériens et étrangers spécialisés dans les questions de corruption, des représentants de l’ONU, de l’UE et d’organismes officiels, outre des acteurs de la société civile et des opérateurs des secteurs économiques public et privé.
Nissa Hammadi