L’assaut donné jeudi par les forces spéciales de l’ANP au site gazier d’In Amenas a officiellement pris fin hier, sans faire trop de dégâts. On parle d’une trentaine de terroristes abattus et de la libération de près de 700 otages. L’Algérie est sortie indemne de cette difficile épreuve, même si on déplore des otages morts (25 à 27 selon un premier bilan).
Les forces spéciales de l’Armée nationale populaire (ANP) ont lancé hier l’assaut final contre le groupe terroriste retranché dans le complexe gazier de Tiguentourine. Au total, 11 terroristes et 7 otages ont été tués dans la journée d’hier, selon l’APS. La même source confirme que les sept otages ont été exécutés par les ravisseurs en signe de «représailles». Les terroristes auraient perdu tout espoir de sortir indemnes du site gazier et auraient alors commencé à exécuter les sept otages restants, forçant les forces spéciales algériennes à intervenir, affirme le quotidien algérien. Mais les otages «étaient déjà exécutés». Par ailleurs, seize otages étrangers, dont deux Américains, deux Allemands et un Portugais, ont été libérés dans la matinée d’hier, affirme une source de sécurité aux agences de presse Reuters et AFP. En début de matinée, les forces de sécurité ont découvert plus d’une dizaine de corps carbonisés au cours de l’opération de ratissage dans le complexe gazier. Aucune précision n’a été fournie s’il s’agit de dépouilles de terroristes ou des otages étrangers ou algériens. La nationalité des autres otages libérés n’a pas été précisée. Dans la nuit de vendredi à samedi, les forces spéciales de l’ANP ont libéré sept otages de différentes nationalités. La veille, douze otages ont été tués depuis le lancement de l’opération de l’armée algérienne contre le groupe islamiste, selon une source sécuritaire, citée par l’agence officielle APS. Une source de la sécurité algérienne, citée par l’agence APS, a dressé vendredi soir un bilan provisoire de l’assaut : 12 otages (dont 1 Français) et 18 ravisseurs tués, et près d’une centaine d’otages – sur les 132 étrangers enlevés – libérés, ainsi que 573 employés algériens. Hier, un otage français a été tué lors «de l’opération», trois sont vivants. Les autorités algériennes ont informé la France qu’un Français avait été tué «au cours de l’opération de libération des otages détenus à In Amenas», selon le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius. La Maison-Blanche a confirmé hier qu’un ressortissant américain a été tué. «Nous pouvons confirmer la mort du ressortissant américain lors de la prise d’otages en Algérie», a déclaré dans un bref communiqué la porte-parole de la diplomatie américaine, Victoria Nuland. Selon NBC News, deux autres Américains se seraient échappés. Ils sont sains et saufs, la chaîne citant des responsables américains. Au total, cinq Américains faisaient partie des dizaines d’otages retenus sur le complexe par le groupe armé proche d’Al-Qaïda.
L’usine déminée, l’ANP évite un drame
Les ravisseurs au nombre de plus d’une dizaine ont menacé en fin de matinée d’hier de faire sauter le complexe gazier si les forces spéciales algériennes s’approchent du site. «C’est grâce à la prompte intervention des travailleurs et des troupes de l’ANP que l’incendie a pu être maîtrisé», a indiqué hier l’APS, citant des sources sécuritaires. Par ailleurs, la compagnie pétrolière Sonatrach a annoncé hier dans un communiqué que les forces de l’ANP ont procédé au déminage du site gazier en question. «Suite à l’intervention des forces militaires algériennes sur l’usine de gaz de Tiguentourine et le délogement des terroristes, il a été constaté que l’usine a été minée dans le but de la faire exploser», indique l’entreprise publique. Ce n’est pas uniquement le site qui a été miné par les terroristes. Des rescapés racontent également que des employés ont été bourrés d’explosifs par les ravisseurs. L’épouse d’un employé philippin, Ruben Andrada, raconte que les otages avaient été enveloppés d’explosifs et installés dans des camions piégés. Ils lui ont mis une bombe sur lui, comme un collier, a affirmé Edelyn Andrada à une radio française. Heureusement, la bombe installée dans le camion n’a pas fonctionné. Les bombes dans les autres véhicules ont été déclenchées et des gens sont morts, a-t-elle ajouté, précisant que son mari était soigné à l’hôpital. Un autre rescapé, Jojo Balmaceda, employé par BP, a raconté avoir été, ainsi que trois autres Philippins, ligotés puis jetés dans un camion avec d’autres otages japonais et malaisiens, selon la chaîne philippine GMA. Face aux critiques étrangères sur la façon dont a été mené l’assaut, une source gouvernementale a estimé vendredi que l’opération, menée dans des conditions extrêmement complexes, avait évité un véritable désastre, faisant état d’un groupe doté d’un arsenal de guerre constitué de missiles, lance-roquettes, grenades, fusils-mitrailleurs et fusils d’assaut.
Le soutien international
Les condamnations de la communauté internationale se sont succédé hier encore. Vendredi soir, le Conseil de sécurité de l’ONU a dénoncé une attaque «haineuse» et condamné «dans les termes les plus fermes» cette «attaque terroriste», selon un communiqué approuvé par les quinze membres de l’instance. Le Conseil a appelé en outre les Etats à «coopérer activement avec les autorités algériennes». Le communiqué souligne enfin que les mesures prises pour combat-tre le «terrorisme» doivent respecter «les lois internationales» relatives aux droits de l’homme et aux réfugiés. Ce rappel est survenu alors que plusieurs pays étaient inquiets pour leurs ressortissants retenus par ce groupe, qui dit agir notamment en représailles à l’intervention militaire française au Mali. Le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, a condamné également cette attaque qualifiant «l’acte de terrorisme délibéré». Le chef de la diplomatie britannique a affirmé que la situation en Algérie était maintenant «fluide et en constante évolution». L’Italie a, pour sa part, pointé du doigt l’acte «ignoble» perpétré par le groupe terroriste. Rome a confirmé son engagement et sa forte détermination à combattre toutes les formes d’extrémisme et de violence et a appelé à une collaboration internationale efficace contre le terrorisme. Pour la France, les autorités algériennes n’avaient pas d’autre choix que de donner l’assaut. Le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Philippe Lalliot, a déclaré que «Paris avait été régulièrement informé par Alger dans l’affaire de la prise d’otages». Le Premier ministre japonais a déclaré ce matin que la prise d’otages en Algérie était un acte ignoble que le Japon ne pardonnera jamais. Pour le Japon, le terrorisme est absolument intolérable. Mais le gouvernement japonais a demandé au gouvernement algérien de placer la sécurité et la vie des otages au premier rang de ses priorités. «Personne ne sait mieux que l’Algérie combien les groupes terroristes sont impitoyables», déclaration signé Hillary Clinton, la secrétaire d’Etat américaine qui a relevé l’importance de renforcer la coopération avec l’Algérie et d’autres pays de la région dans la lutte contre le terrorisme. Pour la chef de la diplomatie américaine, l’Algérie «a mené une guerre terrible contre les terroristes durant plusieurs années et avec de grandes pertes de vies». Quelques heures avant la déclaration de Clinton, le porte-parole du département d’Etat a souligné la déterminations des Etats-Unis de ne pas négocier avec les terroristes suite à l’offre qui aurait été faite par les ravisseurs pour libérer les otages Américains du site gazier d’In Amenas en échange de détenus islamistes emprisonnés aux Etats-Unis.
D’où viennent les assaillants ?
La polémique enfle également sur l’origine de cette prise d’otages massive à In Amenas. D’après les sources citées par ANI (agence mauritanienne), le commando est dirigé par Abdelrahmane dit «le Nigérien», qui détient les sept étrangers, et est composé d’une quarantaine de personnes originaires d’Algérie, d’Egypte, du Niger, du Tchad, de la Mauritanie, du Mali et du Canada, qui se seraient infiltrées en Algérie depuis le Niger. Citant des sources au sein du groupe de Mokhtar Belmokhtar, auteur du rapt, l’agence ANI a affirmé que ce dernier proposait «à la France et à l’Algérie de négocier pour l’arrêt de la guerre livrée par la France dans le nord du Mali». Mokhtar Belmokhtar voudrait en outre «échanger» les otages américains détenus par son groupe contre un Egyptien, Omar Abdel-Rahman, et une Pakistanaise, Aafia Siddiqui, emprisonnés aux Etats-Unis à la suite d’accusations liées au terrorisme. «Les Etats-Unis ne négocient pas avec les terroristes», lui a rétorqué le département d’Etat américain.
La Libye contredit Ould Kablia
Le Premier ministre libyen, Ali Zeidan, a démenti hier que les islamistes qui ont attaqué un site gazier du Sahara algérien soient venus de Libye, comme l’a affirmé le ministre algérien de l’Intérieur. «Les informations et les rumeurs rapportées sur le fait que la base d’al-Wigh, dans le sud-ouest de la Libye, soit utilisée pour ces fins sont dénuées de tout fondement», a déclaré Zeidan sur le chaîne de télévision étatique. Il a affirmé que «le territoire libyen ne servira pas de point de départ à aucune opération qui menace la sécurité de n’importe quel pays voisin». Le ministre de l’Intérieur algérien, Daho Ould Kablia, avait affirmé jeudi soir que «selon toutes les informations que nous avons, le groupe terroriste qui a attaqué le site pétrolier à In Amenas est venu de Libye». D’après les sources jihadistes, les ravisseurs se seraient infiltrés en Algérie depuis le Niger.
Par Mehdi Ait Mouloud
Hollande : «Les otages» lâchement assassinés»
Le président français a déclaré hier que des otages «ont été lâchement assassinés» par les ravisseurs. «L’opération est encore en cours. Je n’en connais pas l’évaluation précise. Ce que je sais, c’est que des otages sont morts, ils ont été lâchement assassinés. Nous avons là encore un argument supplémentaire pour appuyer notre action contre le terrorisme», a-t-il affirmé. Pour sa part, le ministre des Affaires étrangères britannique William Hague prépare l’opinion publique. Il a déclaré que le Royaume-Uni devait s’attendre à d’autres
«mauvaises nouvelles». Selon lui, moins de dix Britanniques sont encore «en danger ou portés disparus». Un Roumain a été tué et un autre blessé dans la prise d’otages survenue dans un complexe gazier du Sud de l’Algérie, a annoncé samedi le Premier ministre roumain, Victor Ponta. Bucarest avait auparavant indiqué que trois otages roumains avaient été libérés, sans préciser si d’autres de ses ressortissants se trouvaient encore aux mains du groupe armé islamiste à l’origine de cette prise d’otages. La Norvège est sans nouvelles de six de ses ressortissants sur le site d’In Amenas.
M. A. M.
Al Nigeri, leader de la prise d’otages
Selon le réseau de surveillance des réseaux islamistes SITE, qui cite plusieurs agences mauritaniennes, l’homme qui mène la prise d’otages serait Abdul Rahman al Nigeri, un combattant nigérien très proche de Mokhtar Belmokhtar, dirigeant de la «Brigade al-Moulathamin» (les «Signataires par le sang»). Une photo a été diffusée via l’agence de presse mauritanienne ANI. Le Nigérien a rejoint en 2005 le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), lié au réseau al Qaïda, et a notamment été impliqué la même année dans une attaque qui a tué 17 soldats mauritaniens. Il a également été actif au Mali et au Niger. SITE précise qu’Abdoul Rahman al Nigeri figure actuellement parmi la dizaine de preneurs d’otages encore encerclés par l’armée algérienne sur le complexe situé dans l’est de l’Algérie. L’agence mauritanienne Ani, en lien étroit avec les preneurs d’otages depuis l’attaque de mercredi, affirme en outre qu’un autre meneur, Abou al Baraa al Djazaïri, a été tué lors de l’assaut algérien contre la partie résidentielle du site.
M. A. M.