Le nombre d’étudiants augmente d’une année à l’autre, alors que le niveau universitaire se dégrade de plus en plus.
Le marché est davantage exigeant et conscient de l’incapacité du diplômé universitaire à assumer une responsabilité professionnelle. C’est évidemment aux diplômés de chômer pour payer le prix du «passage obligatoire» de l’enseignement supérieur qu’ils ont parcouru.
Un nouveau diplômé de l’université algérienne gagne très rarement l’intérêt du marché du travail. L’une des principales causes de ce renoncement est liée au niveau des universitaires.
Les employeurs sont unanimes à reprocher la baisse du niveau des universitaires et exigent souvent des années d’expérience pour pouvoir embaucher les diplômés de l’enseignement supérieur. Le chômage constitue l’un des passages les plus inquiétants dans le parcours des diplômés universitaires.
Mais avant de faire la connaissance du monde du chômage, ces étudiants qui sont accusés «de n’avoir pas les capacités qui leur permettent d’assumer la responsabilité d’un poste professionnel» passent par le parcours obligatoire de l’enseignement supérieur. Et c’est à partir de ce dernier qu’on peut parler des qualifiés et non qualifiés pour le marché du travail.
La dégradation du niveau de l’université algérienne d’année en année, comme le jugent les spécialistes et même les cadres de l’enseignement universitaire, est due certainement au système pédagogique, aux moyens humains et à la qualité des infrastructures mises en place pour booster le niveau de l’enseignement supérieur en Algérie.
L’Algérie a réservé des milliards de dinars pour la construction de nouvelles structures universitaires et résidentielles pour le transport et la restauration des étudiants. En 2008, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Rachid Harraoubia avait déclaré que «l’Algérie a besoin de 24 400 nouveaux professeurs pour combler l’inquiétant déficit dans l’enseignement supérieur et pour faire face au million d’étudiants attendus en 2008. Des solutions sont à l’étude…».
L’Algérie, dans ce cadre, recourt au savoir-faire d’enseignants algériens se trouvant à l’étranger pour venir travailler en Algérie. Les quelques démarches engagées par le département de la recherche scientifique n’ont pas eu l’effet escompté pour espérer élever le niveau de l’enseignement universitaire et améliorer les conditions de vie au sein des départements universitaires.
Plus d’une problématique peut être à l’origine de cette dégradation du niveau universitaire. Les enseignants reprochent à leurs étudiants de n’avoir pas la volonté d’améliorer leur niveau après le Bac, alors que d’autres se permettent de dire que «les temps où l’université algérienne était une référence de la compétence et de l’instruction est fini».
Du côté des étudiants, la chanson est aussi célèbre que routinière, «les infrastructures universitaires sont défaillantes. C’est l’aspect théorique de l’enseignement supérieur qui constitue le vrai handicap pour la vie professionnelle des diplômés de l’université».
Que les infrastructures, l’encadrement ou encore les méthodes pédagogiques appliquées justifient l’échec et la dégradation du niveau de l’université ou pas, une chose est certaine, les étudiants algériens considèrent leur vie universitaire de misérable, faute d’encadrement et d’infrastructures. L’étudiant algérien est confronté à plusieurs difficultés dont les questions de moyens, de qualité de programme qui sont toujours d’actualité.
La bureaucratie est aussi l’un des scandales qui perturbent l’amélioration du niveau universitaire. Entre corruption, piston et mauvaise gestion de l’administration universitaire, les étudiants n’ont pas un grand choix concernant l’épanouissement de leur niveau, d’autant que la recherche scientifique et les meilleurs éléments ne sont ni encouragés ni récompensés.
Le manque est flagrant en matière de méthodes stratégiques et d’outils optimaux devant permettre l’épanouissement du niveau universitaire. L’administration universitaire n’est pas au service de l’étudiant pour que ce dernier soit le bon reflet d’un quelconque système. Les étudiants de certaines facultés et instituts ne savent même pas à qui s’adresser pour présenter le plus simple des problèmes ou préoccupations.
Le jour où cette administration ouvrira ses portes aux étudiants pour écouter leurs problèmes et leurs propositions, ces derniers auront certainement plus de chance pour s’épanouir et accéder au monde du travail au lieu d’être taxés de «non qualifiés».
Autrement les étudiants demeureront encore dans le «cercle vicieux» de leurs anciennes universités, un cercle où se confinent des interrogations «par quoi et pour qui instruisons-nous ces étudiants ?» 50 km entre la théorie et la pratique Les étudiants font la navette au quotidien entre Dely Ibrahim et Sidi Abdallah pour recevoir leurs cours théoriques à Sidi Abdallah (à 50 km d’Alger) et revenir ensuite à la faculté de Dely Ibahim pour les séances pratiques. Un déplacement qui les dérange beaucoup.
C’est dans ce contexte qu’une grève de protestation a été entamée mercredi passé par les étudiants du département du sport de Dely Ibrahim et soutenue par leurs enseignants. Les étudiants ont maintenu leur grève et comptent continuer jusqu’à ce que leurs doléances soient entendues.
Mis à part les autres problèmes dont souffrent toutes les autres universités, à savoir les problèmes d’encadrement, de transport, de restauration… les étudiants de la faculté du sport ont accentué leurs protestations sur l’absence des douches dans leur faculté «pratique».
Des étudiants rencontrés à l’université de Dely Ibrahim, là où ils sont mobilisés, ont manifesté leur colère quant au manque d’infrastructures ainsi que la division de leur institut en deux parties. Ghilès, Riad et M’hand sont des étudiants qui souffrent de cette distance entre les cours pratiques et théoriques; ils témoignent qu’à Sidi Abdallah «plus de 200 étudiants s’entassent dans des salles d’une capacité de 45 places.
Les séances physiques qu’on fait ne servent à rien si nous tardons à prendre la douche après le sport. Nous étudions dans un CEM à Sidi Abdallah, une région isolée, nous n’avons pas les conditions requises pour étudier et demandons que les deux parties de notre institut soient unies en une seule».
Nos études consistent à connaître le corps humain, mais dans ces conditions nous n’avons connu que l’anarchie et les navettes entre Dely Ibrahim et Sidi Abdallah, réclame un autre étudiant et d’ajouter : «Il semble que notre ministère a de bonnes intentions, il vise à faire de nous de futurs diplômés performants en nous faisant courir entre deux facultés, mais on sait bien que ce n’est pas la bonne façon…».
Ces 50 km qui divisent un institut en deux paraîtront une distance très faible par rapport à d’autres problèmes de l’enseignement supérieur et à la distance qui sépare l’université algérienne du marché du travail, distance qui est vraiment plus inquiétante.
Yasmine Ayadi