L’université algérienne commémore le 19 Mai 1956,Sur fond de contestation

L’université algérienne commémore le 19 Mai 1956,Sur fond de contestation

Cette symbolique journée est marquée cette année par un nouveau sursaut estudiantin. Si la majorité des universités ont mis fin à leur mouvement de protestation par crainte de l’année blanche, d’autres tels les départements de pharmacie et de chirurgie dentaire entameront bientôt leur quatrième mois de grève.

Comme chaque année depuis l’indépendance, la communauté universitaire commémore la symbolique date du 19 mai marquant la Journée de l’étudiant. Diverses festivités scientifiques et culturelles sont au programme de cette commémoration. Les universités de la capitale ont, de leur côté, préféré profiter de cette journée historique pour faire une halte et tirer le bilan du mouvement de protestation qu’ils ont mené tout au long des trois derniers mois.



En effet, des tables rondes, conférences et autres rencontres sont programmées au niveau des campus avec comme principal centre de débats et de préoccupation : le bilan du combat et la préparation des états généraux de l’université algérienne eux-mêmes. L’appel pour cette halte bilan et perspective en ce 19 mai à travers toutes les universités algériennes est lancé par le Groupe d’études et de recherches sur le mouvement étudiant (Germe) composé d’étudiants et de chercheurs. Il faut dire que même sans cette initiative, les étudiants ne manqueront pas, certainement, de s’arrêter en cette date historique sur leur situation et leur parcours.

C’est l’occasion pour eux de tirer les enseignements de leur dernière révolte pour un enseignement de qualité et un meilleur statut dans la société.

La révolte des grandes écoles fait tache d’huile

Le 19 Mai est célébré en 2011 dans un contexte assez particulier marqué par un nouveau sursaut estudiantin qui a donné un second souffle à ce mouvement amoindri ces dernières années. Il est vrai que l’université algérienne a de tout temps été présente et partie prenante des mutations qu’a connues le pays sur tous les plans mais ces dernières années, une certaine léthargie s’était emparée des campus.

On semblait vraiment loin de cette montée au créneau des étudiants qui propulsait l’université au-devant de la scène nationale et politique. Il n’aura fallu, toutefois, qu’un simple déclic pour que l’état de léthargie soit brisé. Et c’est au moment où l’on s’y attendait le moins que les étudiants ont décidé de prendre part à la fronde sociale grandissante. En effet, cette année a été marquée par un inattendu sursaut estudiantin qui en dit long sur le marasme de l’université algérienne. Universités, facultés, grandes écoles, écoles préparatoires se sont presque donné le mot pour lancer une nouvelle révolte.

Un large mouvement de protestation s’est emparé de tous les instituts de formations supérieures. Les campus qui n’ont pas été perturbés par le débrayage se comptent sur les doigts d’une seule main.

La persévérance des étudiants en pharmacie et chirurgie dentaire

En ce 19 Mai, des facultés (notamment celles de pharmacie et de chirurgie dentaire) sont toujours paralysées par un large mouvement de grève. D’autres n’ont repris les études que ces deux dernières semaines pour passer les examens et tenter de sauver l’année pédagogique.

Déclenché par les étudiants des grandes écoles, le mouvement de protestation a vite fait de se propager à travers toutes les universités du territoire national. Face au mépris et au silence de la tutelle, les étudiants ont unifié leurs rangs et opté pour des actions communes d’envergure.

Le siège du ministère de l’Enseignement supérieur était assiégé quotidiennement par des milliers d’étudiants qui venaient réclamer à Harraoubia ce qu’ils considèrent comme des droits légitimes. Les sit-in ont assez souvent dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre mais cela n’empêchait nullement les étudiants qui avaient pour unique arme leur carte d’étudiant qu’ils exhibaient aux policiers, à revenir à la charge. Voire opter pour une montée en puissance de la protestation en visant plus haut par une marche vers le Palais du gouvernement en ce 12 avril 2011. Une mission qui s’avéra impossible car tous les accès vers le siège du Premier ministère étaient quadrillés.

Mais c’était compter sans la persévérance de ces milliers d’étudiants qui ont profité d’un manque de vigilance du côté du boulevard Mohammed V pour rallier El-Mouradia. Malmenés, tabassés, arrêtés, blessés… les étudiants (10 000 à en croire la CNAE) ont affronté la brutalité policière et ont pu arriver à quelque cent mètres de la Présidence. Un véritable exploit qui attirera toutes les convoitises. La manipulation et la tentative de récupération du mouvement étudiant auront été vaines car la majorité des étudiants ont insisté sur le caractère purement pédagogique de leur révolte loin de toute ingérence politique. “Avant d’être étudiants nous sommes des citoyens, nous avons donc le droit d’être politisés mais il faut dissocier le volet politique du volet pédagogique. Nous défendons une plateforme pédagogique et non politique”, estime Sofiane de l’École polytechnique. Et d’ajouter : “Les étudiants des grandes écoles qui ont déclenché la protestation ont tout fait pour éviter la manipulation et ont refusé de cautionner toute action douteuse. Nous avons réussi en étant autonomes. Il fallait donc continuer ainsi et ne pas se faire guider sous n’importe quel prétexte.”

Déterminés à aller jusqu’au bout de leur combat, les étudiants ont tenté de rééditer l’exploit par une seconde marche millionnaire le 2 mai 2011. Mais les autorités ont tout fait pour éviter l’arrivée en masse des étudiants. Ils seront refoulés au niveau des différentes stations de transport estudiantin.

Ceux qui ont pu échapper aux filets des policiers ont été encerclés face à la faculté centrale d’Alger avant d’être une fois de plus tabassés et blessés lors des affrontements avec les forces antiémeutes. Et le combat se poursuit à ce jour au niveau de certaines facultés. Il y a quelques jours seulement, les étudiants en pharmacie et en chirurgie dentaire ont été bastonnés lors d’un sit-in au CHU Mustapha. Ils sont revenus à la charge quelques jours plus tard et ne comptent point courber l’échine quitte à perdre une année de leur long cursus.