L’ultimatum de l’armée expire ce soir,L’Egypte face à son destin

L’ultimatum de l’armée expire ce soir,L’Egypte face à son destin
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Le Président égyptien qui a catégoriquement exclu de renoncer au pouvoir en invoquant sa «légitimité», vit aujourd’hui une journée décisive avec l’expiration d’un ultimatum de l’armée en cette fin d’après-midi. Les dés sont donc jetés ! L’incertitude est grandissante et les dernières évolutions ne présagent en rien un retour au calme dans ce bras de fer qui met face à face les Frères musulmans d’un côté et les opposants et l’armée de l’autre…

S’adressant à son peuple, hier soir, sur un ton combatif, le président islamiste a martelé qu’il «continuerait à assumer la responsabilité du pays», présentant sa «légitimité» comme «la seule garantie contre l’effusion de sang» et répondant ainsi implicitement à ceux qui estiment que son départ permettrait de résoudre les tensions qui secouent le pays. Une position qui a tôt fait de faire réagir le mouvement Tamarrod (rébellion), à l’origine des manifestations anti-Morsi, qui accuse le président de «menacer son peuple». Peu avant sur son compte Twitter officiel, il avait appelé les forces armées à «retirer leur avertissement» et refusé tout «diktat», en référence à l’ultimatum militaire, assimilé par ses partisans à un coup de force pour le faire partir. Ces déclarations ont été faites par Morsi après qu’il ait rencontré tout au long de la journée le ministre de la Défense et chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Sissi, qui fait figure d’homme fort face au président.

Durant la nuit, les anti-Morsi occupaient en masse l’emblématique place Tahrir et les abords du palais présidentiel dans le quartier d’Héliopolis, scandant «dégage!» à l’encontre du président. Pour Mona Elghazawy, une comptable également descendue dans la rue pour réclamer le départ du président, «la bataille se joue maintenant» face aux islamistes. Des renforts des forces de l’ordre ont été déployés dans la capitale, notamment autour de la place Tahrir. De nombreux commerces et bureaux sont restés fermés dans la mégalopole survolée par des hélicoptères de l’armée.

«16 personnes ont été tuées et 200 blessées», selon le ministère de la Santé, dans une attaque contre des partisans de M. Morsi au Caire. «Des assaillants nous ont attaqués avec des armes à feu. J’ai moi-même porté un homme qui avait reçu une balle dans la tête», a rapporté l’un d’eux, à l’AFP. Ailleurs au Caire, sept personnes ont été tuées, hier, lors de heurts entre pro et anti-Morsi dans le quartier de Guizeh (sud), selon des sources médicales. Des heurts ont également éclaté en périphérie du Caire et dans le nord du pays. Au total, 47 personnes, dont un Américain, ont trouvé la mort dans des violences en marge des manifestations qui secouent le pays depuis une semaine.

R. I / Agences

La feuille de route de l’armée

Sous le titre «Aujourd’hui, le licenciement ou la démission», faisant allusion au chef d’Etat contesté, la version électronique du journal, propriété de l’Etat égyptien révèle les principaux points de la «feuille de route» que l’armée égyptienne prévoit de mettre en place si le président, contesté par la rue, ne «satisfait pas les revendications du peuple». Selon Al-Ahram, elle prévoit une «suspension de la Constitution» votée en décembre mais accusée par les détracteurs de M. Morsi d’ouvrir la voie à une islamisation de la législation.

Des experts seront chargés de la rédaction d’une nouvelle loi fondamentale «tenant compte des exigences des différentes composantes du peuple avant d’être soumise à référendum». Dans le même temps, «un Conseil présidentiel de trois membres, dirigé par le président de la Cour suprême constitutionnelle» sera chargé «d’administrer les affaires du pays» pendant «une période transitoire allant de neuf mois à un an».

En outre, «un gouvernement intérimaire sans appartenance politique» sera formé pour «la période de transition» sous «la direction d’un des chefs de l’armée».

Des armes et des munitions dans les sièges des frères musulmans

A la suite de perquisitions menées par les forces de sécurité dans les sièges de la puissante confrérie -les frères musulmans-, des armes et des munitions ont été découvertes, selon le quotidien Al-Ahram.

L’armée «prête à mourir»

Le chef des forces armées égyptiennes a affirmé, ce mercredi, que les militaires étaient prêts à mourir pour défendre le peuple contre les «terroristes» et les extrémistes. «Le commandant général des forces armées a indiqué qu’il était plus honorable pour nous de mourir que de voir le peuple égyptien terrorisé et menacé», a affirmé une page Facebook associée au Conseil suprême des forces armées dirigé par le général Abdel Fattah al-Sissi. «Nous jurons devant Dieu que nous sacrifierons notre sang pour l’Egypte et son peuple, contre tous les (groupes) terroristes, extrémistes et ignorants», ajoute le texte intitulé «Les dernières heures», en citant le chef de l’armée. Ce communiqué a été publié quelques heures après que M. Morsi a rejeté un ultimatum de 48 heures lancé, lundi, à 16H30 (14H30 GMT), par l’armée qui l’a appelé à répondre «aux revendications du peuple» mobilisé contre lui depuis dimanche. En cas d’échec, l’armée a indiqué qu’elle établirait elle-même une «feuille de route» pour résoudre la crise.

Viols à la place Tahrir

Près d’une centaine d’agressions sexuelles ont été commises sur la place Tahrir et ses environs au Caire en quelques jours, en marge des manifestations contre le président Mohamed Morsi, a rapporté ce matin Human Rights Watch (HRW). L’organisation, basée à New York, fait état de 91 cas d’agressions au moins, certaines tournant au viol, depuis le 28 juin, sur la base d’informations recueillies par des associations locales luttant contre ce phénomène, devenu récurrent en marge des manifestations en Egypte. Le scénario le plus souvent décrit par les victimes est celui d’un groupe de jeunes hommes «qui repère une femme, l’encercle, la sépare de ses amis», avant de l’agresser, de lui arracher ses vêtements ou de la violer. Dans plusieurs cas, ces attaques, ont conduit à des hospitalisations. HRW rapporte que des femmes ont été «battues avec des chaînes métalliques, des bâtons, des chaises, et attaquées avec des couteaux». Le communiqué déplore que «le désintérêt du gouvernement» pour ce problème se traduise par une culture «d’impunité». Des groupes militant contre la violence estiment que ces actes visent à dissuader les femmes de participer aux rassemblements contre le pouvoir, et à ternir l’image des manifestations sur ce site emblématique pour le mouvement pro-démocratie. Devant l’ampleur du phénomène, des groupes se sont mis en place au Caire depuis plusieurs mois pour recenser les agressions sexuelles et protéger les femmes lors des manifestations.

Appel au jihad

Alors que des dizaines de milliers de partisans du président étaient rassemblés dans le faubourg de Nasr City et devant l’université, un responsable des Frères musulmans a appelé à empêcher un coup d’Etat, au besoin par le «martyre», en rappelant le sang déjà versé pour obtenir la chute de l’ancien président Hosni Moubarak en 2011. «La position de l’armée est inquiétante et dérangeante. S’ils prennent le pays, nous ferons une révolution islamique», a prévenu Mohamed Abdel Salem, manifestant pro-Morsi. Alia Youssef, ingénieure voilée de 24 ans, s’est dite «prête à mourir ici pour défendre la légitimité (du président) et dire -non- à un coup d’Etat militaire».