Le pouvoir de l’argent risque de fausser la future donne médiatique
L’expérience algérienne ne doit pas basculer dans le désordre des concurrences malsaines et du lobbying des puissances de l’argent.
Parler de l’ouverture audiovisuelle n’est pas une mince affaire, critiquer les blocages qui contribuaient à freiner cette ouverture l’est encore moins. C’est dans cette perspective et avec franchise et transparence que l’écrivain, l’expert de la Copeam et conseiller auprès du DG de l’Entv, Badredine Mili, a tenu à exposer son analyse sur l’ouverture annoncée de l’audiovisuel en Algérie.
Invité par le Centre de recherche scientifique et de la sécurité (Crss) dirigé par le professeur Berkouk, Badredine Mili a tenu à poser cette question lancinante: quels scénarios pour quelle ouverture audiovisuelle?
Ainsi, avant d’entamer son analyse sur la question, il a rappelé l’histoire claire-obscure de l’audiovisuel algérien. Quatre étapes se sont imposées à nous. En 1967, l’ordonnance portant création de la RTA donnant pleinement corps au service public.
En 1983, le projet de 2e chaîne destinée à élargir l’offre de programmes avec le souci de répondre à la demande dans ce cadre, fut vite remis dans ses cartons, sans aucune explication.
En 1990, la nouvelle loi sur l’information qui prévoyait, dans une de ses dispositions, l’ouverture de l’audiovisuel à l’initiative privée comme ce fut le cas pour la presse écrite, un voeu renvoyé aux calendes grecques après la disparition du Conseil national de l’audiovisuel et en 1997, en application de la directive présidentielle n°17 du Président Liamine Zeroual dont l’objectif déclaré était de procéder à la refondation du secteur dans le sens de l’ouverture.
Quatre projets de loi furent alors élaborés: une loi organique sur l’information et ses trois démembrements sur l’audiovisuel, sur la publicité et un autre sur le sondage, qui ont été également jetés aux oubliettes. Ces projets de loi, explique Mili, n’ont pas connu de suite pour des raisons inexpliquées.
Notre conférencier s’est surtout intéressé aux législateurs qui vont présenter la prochaine loi sur l’audiovisuel. A quelle aune mesureront-ils leur candidature? A celle de l’éthique? A celle d’une approche antitrust? A celle de l’interdiction du mélange des genres? Ou à celle d’une opposition claire et nette au schéma du type Murdoch, Bouygues, Lagardère ou Hersant? Il a souhaité à ce propos, la candidature à une télévision au financement mixte: un capital national public avec un capital national privé.
Pour une meilleure ouverture, il préconise également la réforme du système de financement, à savoir les règles et les modalités de répartition des subventions d’Etat, du FAS, le Fonds d’aide spécial à la production et du gisement publicitaire institutionnel. Mais aussi la mise en service de la TNT, la télévision numérique terrestre, capable de transporter simultanément, vers le plus grand nombre de villes possible, le signal d’au moins dix chaînes différentes.
Sans ces deux conditions, l’ouverture sera limitée, voire exposée à d’importantes difficultés, ajoute notre interlocuteur.
L’autre condition sine qua non pour la réussite d’une ouverture audiovisuelle propre, est la création d’une autorité de régulation indépendante, avec la condition que l’ensemble de ses membres, y compris son président, provienne du secteur de l’audiovisuel, capitalisant une grande expérience, nationale et internationale, accumulée sur le terrain et dans les organisations professionnelles telles que l’UER, l’Asbu, l’UAR, l’Urti, la Copeam où ils ont pour certains, fait entendre la voix de l’Algérie dans leurs forums, pendant plus de trente ans.
Enfin, l’ancien directeur de l’audiovisuel au ministère de la Communication et de la Culture et ancien directeur général de l’APS, a conclu en insistant sur la question de la liberté d’expression des médias et de leur ligne éditoriale ainsi que de l’indépendance de la Haute autorité, véritable garde-fou afin que l’expérience algérienne ne bascule pas dans le désordre des concurrences malsaines et du lobbying des puissances de l’argent.