«Il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, et il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre», a déclaré Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs, depuis Tizi Ouzou, où elle a animé jeudi un meeting populaire.
En usant de cette expression, la première dame du PT arrivera à dire qu’«il y a bel et bien une crise politique en Algérie, et il est inutile de le cacher». Elle expliquera d’ailleurs que la levée récente de l’état d’urgence ainsi que l’ouverture du débat qui se concrétise au sein des médias lourds de l’Etat ne sont que des réformes politiques.
Non sans rappeler au président de la République qu’il a lui-même déclaré en 2009 que les réformes économiques et sociales, engagées par l’Etat, ne peuvent être réussies que par un accompagnement en réformes politiques de fond, elle estime que «le moment est plus que jamais propice pour une assemblée constituante, selon elle, seule voie pour une véritable sortie de crise».
«C’est cela la réforme politique de fond», explique Mme Hanoune. Et à ceux qui prétendent que la constituante ne fera que faire retourner le pays 50 ans en arrière, (allusion faite au RND), elle dira que «ceux qui n’ont pas peur de la démocratie ne devraient pas avoir peur de la constituante !». Mme Hanoune s’attaquera presque à tous les dirigeants politiques.
S’adressant au SG du FLN, Abdelaziz Belkhadem, qui déclarait mercredi, sur le plateau de l’ENTV, que «si réformes de la loi fondamentale il y a, elles doivent se faire dans le cadre des institutions de la République», elle dira que «cela est synonyme d’une négation pure et simple de la souveraineté populaire». Le peuple doit être consulté, a-t-elle soutenue.
C’est pourquoi Mme Hanoune exhortera M. Bouteflika à dissoudre le parlement et convoquer des élections législatives anticipées. Celles-ci sont aux yeux du PT capables de fournir des réponses à la «dynamique sociale» que traverse le pays.
En effet, les mouvements de contestation déclenchés par différentes franges de la société constituent, selon elle, une révolution pour un changement, mais qui se fait dans le calme. «C’est une révolution sociale intelligente»,
dira Mme Hanoune, tout en réfutant la moindre similitude avec ce qui s’est passé en Tunisie et encore moins en Egypte. La formule dite de «printemps arabe» n’a pas lieu d’exister, précise-t-elle, car «il n’y a pas de nation arabe».
«Des institutions incapables de répondre aux aspirations du peuple»
«Pourquoi la présidence est devenue la Mecque et la destination des protestataires ?», s’est demandée l’hôte de la ville des Genêts.
Avant de dire que «les citoyens ne veulent plus s’adresser à leurs institutions représentatives, qu’il s’agisse de ministères ou d’institutions élues, qui sont devenues inutiles et incapables de répondre aux aspirations et revendications légitimes du peuple». «Elles n’ont même pas de pouvoirs leur permettant de décider quoi que ce soit, donc elles ne servent à rien», justifie la représentante du PT.
En outre, elle avertit les ministres qui qualifient d’«illégales» les grèves ou manifestations citoyennes, en leur disant que «la période des menaces est révolue». «Il s’agit là d’un droit constitutionnel et institutionnel», rappelle l’oratrice. Dans le même sillage, c’est avec joie que Mme Hanoune constatera que l’université, reléguée dans le débat à cause de la politique du parti unique, s’est rapproprié le rôle qui lui sied, celui d’être à l’avant-garde du changement pacifique.
Elle a déclaré que les étudiants qui ont marché le 12 avril à Alger, par dizaines de milliers, «ont brisé l’interdit et ont donné une véritable leçon de démocratie». «La capitale n’est pas un ghetto. Il est inconcevable que 47 wilayas aient un statut différent de celui d’Alger», estime-t-elle.
Pour un secrétariat d’Etat de promotion de tamazight
Abordant la question de tamazight, la première responsable du PT rappellera que sa constitutionnalisation en 2002 était une «victoire résultante des luttes menées par des hommes et des femmes forts de leurs convictions, et qui n’étaient pas des séparatistes»,
pour s’attaquer au mouvement de Ferhat M’henni, le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK). «Mais cela est induisant», a soutenu Mme Hanoune, qui plaidera pour «l’officialisation et la généralisation de son enseignement sur tout le territoire national».
Et comme le HCA n’est plus en mesure de répondre aux défis qui attendent le développement de cette langue, elle proposera «la création d’un secrétariat d’Etat pour la promotion de la langue amazighe», car «c’est une langue qui peut être développée et utilisée dans les institutions de l’Etat, notamment la justice et l’état civil», argue-t-elle.
Par ailleurs, l’ex-candidate à l’élection présidentielle s’est exprimé sur des questions internationales. Au sujet de la guerre en Libye, elle dira d’emblée que «l’intervention militaire de l’Otan est un danger pour
toute la région, car les frappes ne sont qu’à 50 km de la frontière algérienne». «Il y a péril en la demeure», avertira-t-elle, sans pour autant manquer de dénoncer les membres alliés de l’organisation atlantique qui «ne se soucient que du pétrole».
Aïssa Moussi