Après avoir fait reculer le gouvernement, en 2008, sur la loi concernant les hydrocarbures, l’«affaire Ali Haddad» la conforte dans sa bataille contre la connexion qui lie le pouvoir à l’argent.
Bête noire du monde des affaires, Louisa Hanoune dégaine encore une fois. Après avoir fait reculer le gouvernement, en 2008 sur la loi concernant les hydrocarbures, elle applaudit la ferme intention affichée par le Premier ministre Abdelmadjid Tebboune de vouloir séparer le monde des affaires et de l’argent, de la sphère politique.
Comme elle le soutient dans la levée de boucliers dont il a été la cible dans l’«affaire Ali Haddad» qui symbolise le combat que compte mener le successeur de Abdelmalek Sellal. Pour la secrétaire générale du Parti des travailleurs, le patron du FCE est l’incarnation absolue de la connexion entre le pouvoir et l’argent. Et cela ne date pas d’hier.
Sans jamais le nommer elle l’avait qualifié d’«entrepreneur qui possède la plus grande entreprise de travaux routiers du pays et qui tente de faire installer son ami à la tête de Sonatrach, dans le but d’obtenir plus de contrats», en juin 2014 lors du rapport d’ouverture du bureau politique du parti. «Nous ne permettrons pas à ce personnage de réaliser ce qu’il veut. Il faut qu’il sache que nous nous opposerons à lui», avait prévenu la pasionaria du Parti des travailleurs.
La sortie médiatique du patron de l’Exécutif lui donnera l’occasion d’affirmer son aversion envers lui. Le gouvernement fournira un «effort particulier» afin de «moraliser davantage la vie publique en se basant sur de nouvelles règles pour encadrer les cas de trafic d’influence à des fins personnelles, les cas d’incompatibilité au sein des instances élues et d’imbrication entre les domaines politique, économique et associatif», a affirmé le 20 juin Abdelmadjid Tebboune.
Le PT a sauté à pieds joints…«C’est une question de patriotisme. Tout patriote ne peut que soutenir le droit et le devoir de l’État de récupérer les biens de la nation spoliés…» dénoncer la «passation de marchés douteux de gré à gré, la prédation de crédits économiques non remboursés et la fuite de capitaux», avait déclaré Ramdane Taâzibt, député du PT au plus fort de la «passe d’armes» qui a opposé le patron du FCE au Premier ministre.
Louisa Hanoune. se sent-elle pousser des ailes? Cette affaire lui donne en tout cas l’opportunité de livrer une nouvelle bataille engagée depuis belle lurette contre «la caste des prédateurs qui mettent à genoux les institutions de l’Etat». Et mettre «hors jeu» Ali Haddad. Louisa Hanoune est loin de ne représenter qu’une opposante obstinée. Elle tient à dénoncer et à combattre tout ce qui porte atteinte à la souveraineté nationale. Elle est une exception dans le monde politique en Algérie.
Personnalité remarquable, ses interventions ne laissent pas de marbre. Elle n’a pas son pareil dans le monde arabo-musulman. Dans le monde musulman tout court. Sauf au Pakistan avec, la défunte, Benazir Buttho et Megawati Sukarnoputri en Indonésie. Deux femmes qui ont eu à diriger leurs gouvernements.
A l’instar de ces exemples qui ont marqué la scène politique internationale, la pasionaria du Parti des travailleurs se situe dans l’opposition. Elle le souligne. Elle se bat bec et ongles contre tous les projets et les lois pourtant adoptés qu’elle estime porter atteinte à l’économie nationale. Elle a fait de la souveraineté nationale son cheval de bataille.
A l’heure où tout le monde plie l’échine devant une mondialisation rampante et qui, comme un tsunami, risque d’emporter les économies des pays les plus faibles, la porte-parole des travailleurs élève la voix. Elle a dénoncé violemment les conditions imposées à l´Algérie pour qu’elle fasse son entrée à l’OMC (l’Organisation mondiale du commerce), la faim dans le monde, la crise de l’immobilier aux Etats-Unis (subprimes), la privatisation suspendue du CPA… La résignation, la fatalité ne font pas partie de son monde. Elle aurait pu faire sienne la formule «je ne mange pas de ce pain-là». En excellente théoricienne du matérialisme dialectique, elle doit croire en l’union des contraires. Pas celle qui paupérise, mais celle qui permet de redistribuer équitablement les richesses.
Les privatisations qui doivent générer ou provoquer la fermeture des usines et les licenciements, c’est non. Oui à celles qui peuvent créer des emplois. Cela semble en apparence très simple. Orthodoxe. Louisa Hanoune en a fait son terrain favori. Il est en adéquation avec ce que la théorie marxiste a qualifié d’objectif. La relation entre le travailleur et son outil de travail détermine la condition du travailleur.
La patronne du PT a pris position pour défendre l’un et l’autre. Que cette démarche soit consciente ou inconsciente, il n’empêche qu’elle est bien intégrée dans la stratégie de son parti. Une stratégie qui met en lumière les limites atteintes par un capitalisme mondial en proie à ses contradictions. Avec de telles observations, c’est à se demander si la pasionaria du Parti des travailleurs n’a pas pris une longueur d’avance sur ses rivaux.