Louisa Hanoune «Le bouillonnement social a besoin d’un débouché politique

Louisa Hanoune  «Le bouillonnement social a besoin d’un débouché politique

A 56 ans, Louisa Hanoune est toujours aussi d’attaque, aussi déterminée comme il y a 20 ans au sortir de la clandestinité de l’OST (Organisation socialiste des travailleurs, d’obédience trotskyste) malgré quelques ennuis de santé avec l’hypertension.

Même si elle a la dent dure à l’endroit de ceux qui pourraient être ses alliés naturels du camp démocratique, la présidente du Parti des travailleurs (PT) revendique «une autre Algérie que préfigurent les grands mouvements sociaux actuels, signe d’une révolution sociale tranquille et intelligente».

Pondération, lucidité, responsabilité semblent aujourd’hui les arguments dont elle drape sa démarche politique comparée à celle d’avant. Son parcours et la présence du PT dans les institutions ont-ils fini par faire muer la militante en femme politique ? Plus compréhensive à l’endroit de l’exécutif, voire proche du président Bouteflika qu’elle défend et soutient dans ses décisions politiques, lui a valu d’être taxée de nouvelle alliée du pouvoir. Ce pouvoir que veut abattre la tendance active de l’opposition menée par le RCD du Dr Saïd Sadi pour en finir avec le système. Rencontrer la secrétaire générale du PT pour un entretien de presse, ouvert a fortiori sur tous les questionnements entourant sa démarche, n’est pas de tout repos. 20 ans à la tête du parti, fondé le 29 juin 1990, lui ont-ils forgé un nouveau profil ? Louisa Hanoune s’est au bout du compte prêtée au jeu des questions-réponses, le sourire en coin certes, mais sans pour autant se départir de la fougue habituelle qu’elle met dans ses meetings.

Le Soir d’Algérie : Bonjour Louisa Hanoune, comment allez-vous ? Je vous pose cette question car j’aimerais savoir si vous vous sentez interpellée par la montée meurtrière de trois fléaux, essentiellement le cancer, l’hypertension, le diabète…

Louisa Hanoune : Moi même je suis une hypertendue depuis l’agression israélienne contre Ghaza. Je ne supportais pas les images, ma tête explosait. Le stress peut avoir de graves conséquences sur les personnes, la décennie noire a généré 30 000 enfants diabétiques. La communauté universitaire souffre énormément du stress, observez le nombre d’attaques cardiaques et de cancers dans ce milieu. Neuf millions d’hypertendus et plus de deux millions de diabétiques, c’est énorme. Et cela nécessite une prise en charge sérieuse sur le plan médical, mais aussi s’attaquer à la source de ces maux.

Depuis les émeutes de janvier dernier, les grèves récurrentes se généralisent. Vous parlez de révolution sociale tandis que d’autres analystes disent qu’il s’agit d’une lutte contre le système, le pouvoir en place ?

Avant même l’éclatement de la révolution en Tunisie et ce qui se passe dans d’autres pays arabes, nous nous attendions à cette mobilisation, qui est sans précédent même après Octobre 1988. Pourquoi ? Parce que la tragédie nationale avait tu toutes les revendications. La principale aspiration était l’arrêt de l’effusion de sang, la paix. L’ordre de priorité a changé avec la restauration de la paix. Mais la dynamique sociale était déjà en marche depuis plusieurs années déjà. Les émeutes de janvier étaient une provocation qui a pris sur une situation sociale fragile, précaire. Savez-vous que depuis 2008 nous sommes le seul pays à avoir arraché autant de victoires sur les régimes indemnitaires et les salaires, le SNMG même si cela reste insuffisant compte tenu de l’érosion du pouvoir d’achat, de la spéculation. Depuis les émeutes de janvier, le processus s’est élargi ouvrant une nouvelle ère. Evidemment, il y a l’influence de la révolution tunisienne. Tout peuple s’appuie sur ce qui se passe autour de lui pour remonter le plafond de ses revendications comme c’était le cas pour l’Amérique latine quand il y a eu la révolution au Venezuela, en Europe après la révolution portugaise de 1974.

Nous appelons le mouvement en cours dans notre pays, révolution sociale, tranquille et intelligente parce que les Algériens ont intégré le facteur de la tragédie nationale, plus jamais de sang, de dérive meurtrière. Cette révolution se propage comme une traînée de poudre dans la Fonction publique, le secteur productif, public et privé parmi les jeunes et les larges couches. La jeunesse et les travailleurs sont l’avant-garde. Une vraie révolution doit être encadrée par les syndicats, et c’est le cas chez nous.1 200 000 étudiants sont encadrés par leurs comités, et c’est très important. La satisfaction des revendications que nous enregistrons ne se produit que dans les situations révolutionnaires. Une révolution, c’est quand ceux d’en bas veulent changer leur sort et quand ceux d’en haut n’arrivent pas à suivre, signe d’une crise politique. Le président de la République le reconnaît d’une certaine façon à travers l’annonce de réformes politiques. En janvier, nous étions dans une situation, aujourd’hui nous sommes dans une autre. La situation n’est pas statique, elle change, elle est dynamique, l’état d’esprit aussi. Il y a une impatience dans les revendications ce qui est le propre d’une situation révolutionnaire.

C’est la volonté de transformer les choses. Nous parlons de révolution sociale de par l’ampleur du mouvement et son contenu. De plus, la jonction entre le social et le politique commence à s’opérer. N’en déplaise aux tenants du statu quo, des ruptures s’opèrent dans notre pays. Au PT, nous n’avons pas attendu les événements de Tunisie pour ouvrir une perspective. Nous avons commencé en 2009 et anticipé donc sur les événements, en appelant le président de la République à décréter des réformes politiques pour approfondir les réformes économiques et sociales. Pour cela, nous sommes le seul parti à avoir recueilli environ 1 200 000 signatures, c’est-àdire, le seul parti sur le terrain, en campagne. Aujourd’hui encore, nous nous adressons au président de la République pour faire avancer nos propositions car personne ne sait comment les choses vont évoluer dans le pays, et autour de nous. Il s’agit d’ouvrir une issue positive, algérienne à cette ébullition sociopolitique.

Deux courants dans l’opposition. L’un appelle aux changements du système de l’intérieur et l’autre de l’extérieur. Par ailleurs, toutes les augmentations de salaires ne sont-elles pas des concessions visant plutôt à faire perdurer le système ?

Il n’y a pas que deux courants d’opposition mais différentes approches. Ceux qui revendiquent le «changement», dans les tentatives de marche les samedis, sont ultraminoritaires. C’est un constat. Ils ne mobilisent pas. Ce qui exprime de la méfiance, voire du rejet de la part des citoyens. En effet, on ne sait pas ce que signifie leur changement.

Dans le même moment, par dizaines de milliers, les travailleurs, étudiants et jeunes se rassemblent, manifestent pour des revendications sociales et ou pédagogiques pour les étudiants. En réalité, la seule organisation capable de paralyser le pays, de fédérer toutes les énergies, c’est l’UGTA parce que c’est la principale organisation dans le pays. C’est un fait, il n’y a pas d’adhésion populaire aux marches pour le changement. Les étudiants disent : nos revendications sont pédagogiques, les travailleurs nos revendications sont d’ordre social. Les jeunes disent nous voulons de l’emploi, nous sommes contre la précarité. Les citoyens sortent dans la rue pour le logement social pour les conditions de vie, etc. D’autres courants extérieurs au régime posent la nécessité de réformes politiques et opérer une rupture avec le système en place en s’adressant aux autorités, notamment le président de la République. C’est ce que nous faisons parce que nous savons que la situation chez nous diffère de celle de la Tunisie, de l’Égypte. La nature du régime est différente, les politiques sociale, économique et étrangère diffèrent quand bien même il y a des similitudes sur certains aspects. Evidemment, nous respectons tous les points de vue dès lors qu’ils s’inscrivent dans le cadre de la nation et non pas des ingérences étrangères.

Vous n’avez pas participé aux marches mais en même temps vous demandez aux autorités de lever leur interdiction.

C’est, pour nous, une position principielle indépendamment des opinions qui s’expriment. Rien ne justifie le maintien de l’interdiction… il est inconcevable d’exclure la capitale du cadre national. Il s’agit de lever les obstacles devant l’exercice des libertés. En fait, la majorité des marches empêchées ont un contenu social. Ceci dit, nous ne pouvons pas marcher pour un vague «changement» et encore moins avec des personnes qui ont fait la tournée des ambassades des Etats-Unis, de France, de l’Union européenne pour se plaindre et demander des pressions sur l’Etat algérien. Pour nous, toute solution doit être l’émanation des Algériens exclusivement. Nous n’acceptons ni les pressions extérieures ni les révolutions importées à la géorgienne ou à l’ukrainienne. Nous ne croyons pas aux révolutions à la Facebook ou à la Twitter qui mènent à la dislocation et à l’ingérence étrangère et qui sont pilotées par des organisations liées à la CIA dont le NED et NDI. Une révolution authentique comme en Tunisie n’est pas quelque chose qu’on décrète. C’est un processus qui démarre et qui se transforme à un moment donné, à partir d’un événement qui constitue l’étincelle, en révolution.

Des perspectives pour un pôle démocratique d’opposition, pour une démarche unitaire sachant l’opposition affaiblie, divisée, dominée par les subjectivismes ?

Pour nous, la ligne de démarcation c’est la souveraineté nationale et l’intégrité du pays. Ce n’est pas la gauche et la droite, les démocrates et les non-démocrates. L’unité d’action oui avec les partis qui pèsent pas avec les groupuscules non représentatifs ou avec ceux dont les positions sur la souveraineté nationale ne sont pas nettes, pas avec ceux qui disent, c’est moi le chef, suivez-moi ! Nous sommes favorables à une unité d’action dans le respect mutuel avec même un parti au gouvernement, avec le président de la République, dans les décisions qui défendent les intérêts de la nation, la souveraineté nationale. Nous sommes prêts à mobiliser pour cela. Nous sommes un pays opprimé, ciblé. L’Etat algérien n’est ni un Etat colonial ni impérialiste.

L’ Etat algérien est lui-même opprimé et nous le défendons inconditionnellement. Sur la loi de finances complémentaire 2009 et 2010, par exemple, il y a un parti au gouvernement dont la position était plus intéressante que celles des partis de l’opposition. Nous avons signé un accord avec lui à l’occasion des sénatoriales. Il nous est arrivé de réaliser l’unité avec d’autres partis sur certaines questions importantes dont la restauration de la paix, contre la fraude électorale, en soutien au peuple palestinien, etc. En ce moment, de toutes les initiatives rendues publiques, les lettres de Abdelhamid Mehri et de Hocine Aït Ahmed sont intéressantes de notre point de vue, car elles vont dans le sens de l’Assemblée constituante pour laquelle nous militons. En réalité, il s’agit de sortir du système du parti unique et de la tragédie nationale.

Le président de la République affirme que les réformes qu’il propose seront profondes. C’est donc une refondation de la république qui est à l’ordre du jour. Pour nous, il s’agit de corriger le faux départ de 1963, le moment est donc approprié pour une Assemblée constituante composée de vrais députés, qui débattent de lois audacieuses qui constituent le socle de la démocratie.

Levée de l’état d’urgence, dépénalisation du délit de presse. Vous applaudissez ces décisions tandis que d’autres partis de l’opposition disent que c’est de la poudre aux yeux.

La dépénalisation du délit de presse fait partie de notre combat. Nous avons même participé à des sit-in des journalistes devant l’APN. C’est donc une victoire dans la voie de la liberté de la presse, un composant essentiel de la démocratie. Toute conquête est pour nous la bienvenue. C’est ce qui nous différencie de ceux qui crient à la supercherie et qui cherchent à démoraliser. La levée de l’état d’urgence fait aussi partie de nos revendications. Elle reste incomplète, le président doit aussi lever l’interdiction des marches à Alger.

Vous applaudissez sans complexe des décisions du gouvernement ?

Quand les mesures sont conformes à nos revendications et confortent nos luttes, bien sûr. Quand elles visent à renforcer la souveraineté et l’économie nationales. Pourquoi ne serions-nous pas d’accord quand le gouvernement satisfait aux revendications sociales ou politiques ? Ceux qui font de l’opposition pour de l’opposition ne sont jamais satisfaits même quand les décisions correspondent à leurs positions. Pour nous, si nos revendications sont satisfaites à 50%, nous enregistrons et nous revendiquons le reste. C’est notre conception de la politique. Car nous n’avons pas d’intérêts distincts de ceux de la majorité du peuple.

Qu’attendez-vous des consultations que M. Abdelkader Bensalah, président du Sénat, est chargé par le président Bouteflika de mener ?

Il y a trois mois, les partis de la coalition niaient l’existence d’une crise politique. Le président vient de lever l’état d’urgence et décide d’ouvrir un peu la télévision, annonce des réformes politiques. Il reconnaît ainsi qu’il y a crise politique. C’est un aveu que nos institutions sont obsolètes et que nous devons aller vers le renouveau, c’est-à-dire la recomposition politique. Le président a fixé un échéancier qui doit être prêt en septembre. Nous ne sommes pas contre l’idée d’aller vers de larges consultations pour un maximum de passerelles, pour un libre débat. En mandatant M. Bensalah, le président désavoue l’Assemblée nationale qu’il confine dans le rôle de simple chambre d’enregistrement.

Car c’est l’APN qui aura à voter les projets de lois qui sortiront des consultations après avis du président de la République. Cela étant, les consultations ne résoudront pas le problème du déficit en légitimité dont souffre l’APN. De ce fait, peut-on confier à une APN infestée par le milieu des affaires le projet de loi définissant les incompatibilités ? Peut-on lui confier le projet de loi électorale censée garantir des élections libres alors qu’elle-même est le produit de la fraude ?

Vous réclamez des élections législatives anticipées pour cette année 2011 pour une constituante. FLN, RND, Hamas et d’autres formations politiques s’y opposent…

Ce sont les partisans du statu quo. Or, même le président parle de renouveau. Nous disons qu’il est urgent de doter le pays d’institutions crédibles issues d’élections transparentes pour construire la démocratie, l’Etat de droit. C’est une question de moralisation de la pratique politique, et parce que nous devons tenir compte des transformations en cours dans le monde et chez nous. Maintenant, nous ne sommes pas ultimatistes. Que cette assemblée s’appelle constituante, ou assemblée nationale, ou assemblée de la république, l’important est d’opérer la rupture avec l’héritage du système de parti unique.

L’argent interpelle sur le problème de la corruption dont tout le monde parle…

Pour nous, il est fondamental de séparer l’argent de la politique. C’est pourquoi nous avons proposé la modification de la loi électorale. Il faut aussi interdire le lobbying dans les assemblées élues sous peine de perte de mandat. La corruption est le produit du système de parti unique, de la tragédie nationale et du PAS. Il faut donc s’attaquer aux racines du fléau. Cela nous renvoie à la nature des institutions. Ainsi, une vraie assemblée avec de vrais députés dont le mandat est contrôlable et révocable par les citoyens, une justice indépendante qui exerce l’auto-saisine, sont des conditions pour lutter contre la corruption.

Le président a annoncé la relance des tribunaux administratifs pour que les citoyens puissent se défendre contre la hogra de l’administration, cela est positif mais il faut aussi réaliser la séparation des pouvoirs pour que cette décision ne reste pas lettre morte. Il faut également protéger les fonctionnaires des tentations de la corruption. Pourquoi un maire n’a pas les mêmes indemnités qu’un député d’autant qu’il est plus exposé aux doléances quotidiennes des citoyens ? 15 000 DA par mois comme indemnité, c’est une aberration. Améliorer la situation des juges et de tous les corps constitués concernés par la lutte contre la corruption constitue une partie du remède.

Allez-vous faire partie du gouvernement à court ou moyen terme ?

Dans le cadre de la cohabitation, cela serait tout à fait contraire à notre conception de la démocratie. Pour nous, doit gouverner celui qui obtient la majorité des suffrages et nous le ferons certainement lorsque cela sera le cas pour nous. Nous ne sommes pas pour le partage du pouvoir qui nie les programmes politiques. Vous pensez vraiment gagner les élections prochainement ? Nous avons l’ambition de représenter la majorité et nous y travaillons.

Malgré la fraude massive, notre progression en matière de sièges à l’APN est un processus très significatif depuis 1997. Vous savez, lors des précédentes élections, nous avons obtenu 77 sièges dont 17 à Alger, mais on nous a volé 51 sièges. Le président affirme que les prochains scrutins seront vraiment transparents et démocratiques. Et nous avons beaucoup de propositions à faire concernant le projet de révision de la loi électorale pour combattre la fraude.

Quel regard portez-vous sur l’état actuel du pays ?

L’Algérie est en train de changer. Les citoyens modifient, par la mobilisation, leur sort quotidien. C’est le processus de révolution sociale qui intègre l’écrasante majorité de la population. A un moment donné, la quantité se transforme en qualité. Un tournant s’opère dans notre pays, la majorité est passée à l’offensive. Elle s’impose. La minorité composée de nouveaux riches à la faveur du PAS et la tragédie nationale devrait s’inquiéter. Car, comme c’est le cas dans toute révolution, se posera inéluctablement la question «d’où tiens-tu cela ?» et donc l’expropriation des fortunes mal acquises. Que ces gens méditent ce qui se passe en Égypte et en Tunisie. D’ailleurs, selon la presse…certains hommes d’affaires et responsables algériens seraient en train d’expatrier leurs fortunes. Cela étant dit, beaucoup de contradictions demeurent dans l’orientation économique ainsi que des disparités sociales dangereuses.

Il est inconcevable que 20% de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté alors que des exonérations de taxes et de charges sociales sont généreusement consenties au privé. Il est inacceptable que 60% des pensions de retraite soient eu dessous du Smig. En fait, cohabitent toujours des restes du PAS avec des réformes hardies d’où la confusion. De même que le bouillonnement social extraordinaire et plein de vitalité en cours a besoin d’un débouché politique en urgence, on ne peut pas attendre 2012. La clarification politique immédiate est une condition pour ouvrir de réelles perspectives afin que le peuple puisse participer pleinement à la reconstruction nationale.

Les répercussions de la crise en Libye ?

Le pire est à craindre pour le Maghreb, l’Afrique sub-saharienne et pour notre pays quand l’Otan bombarde à 50 km de nos frontières. Des terroristes essaient de s’infiltrer et faire passer des armes par nos frontières. Il y a des pressions extérieures sur notre pays dont la position dans la région est unique concernant la Libye, ce dont nous sommes fiers : pas d’ingérence étrangère, une solution politique libyenne, si nécessaire avec une aide africaine. Mais au fond, les enjeux de l’intervention militaire étrangère ce sont les 200 milliards de dollars dans le fonds souverain libyen, le pétrole, l’or et l’uranium dans la région du Sahel, convoités par les grandes puissances et ce sont l’Africom et le GMO pour imposer une présence militaire étrangère dans notre région et disloquer les nations. L’Algérie est ciblée parce que sa politique économique sociale et étrangère dérange. Nous appelons le président à ordonner la satisfaction des revendications sociales, autoriser les marches et prendre des mesures politiques avec effet immédiat vers une ouverture effective, pour pouvoir faire face aux pressions extérieures, en s’appuyant sur la mobilisation populaire, seule capable de défendre la souveraineté nationale.

Pour certains, il faut soutenir le Conseil national de transition libyen (CNT)…

Ils sont tout aussi minoritaires que ceux qui tentent de manifester le samedi pour le «changement». Nous ne pouvons soutenir un mouvement qui appelle à la guerre contre son propre pays, à sa destruction, à sa mise sous domination étrangère. Nous ne soutenons pas Kadhafi non plus. Ce sont des acteurs d’une guerre civile réactionnaire avec pour victime principale le peuple libyen et qui met à l’ordre du jour la partition de ce pays.

Ce qui se passe dans les autres pays arabes ?

C’est différent d’un pays à l’autre. Nous récusons la notion de «révolution arabe». C’est du racisme comme si les Arabes avaient toujours accepté d’être sous la dictature. En Tunisie, c’est une vraie révolution parce que le moteur ce sont les syndicats, des comités se sont constitués en défense de la révolution alors que l’Assemblée constituante est posée comme l’issue. En Égypte, la révolution est contrariée car l’armée a pris le commandement du pays et qu’elle s’est engagée à respecter tous les traités internationaux signés par l’ancien régime. Dans les autres pays, c’est le plan de GMO (Grand-Moyen-Orient) devant faire exploser les nations du Pakistan à la Mauritanie, sur des bases communautaires et ethniques qui est mis en œuvre pour détourner et confisquer les aspirations légitimes des peuples à la démocratie.

Bientôt 20 ans à la tête du Parti des travailleurs, Mme Louisa Hanoune…

En fait, j’ai été porte-parole du Parti des travailleurs, Mustapha Benmohamed était secrétaire général du parti, de 1990 à 2003, lorsque conformément à la discussion dans le congrès, j’ai été élue secrétaire générale du parti par la direction. Nous sommes pour la démocratie du mandat contrôlable et révocable. Si au prochain congrès, les militants considèrent que j’ai failli à mon mandat ils ont le droit de m’évincer. Il ne s’agit pas d’alternance ou de limitation de mandats mais de respect du mandat. L’alternance est un nouveau concept qui vide la démocratie de son contenu. Et nous sommes opposés à toute immixtion dans les affaires internes des partis.

Est-ce que ça vous irrite que l’on dise du PT que c’est un parti trotskyste ?

Non. C’est tant d’ignorance politique qui m’exaspère car nous avons clarifié cette question des dizaines de fois et ceux qui reviennent là dessus sont en réalité incapables de faire la différence entre les programmes. Un parti trotskyste est un parti qui prône la révolution. L’OST qui activait dans la clandestinité était une organisation trotskyste. J’en faisais partie et j’en suis fière. Le PT est fondamentalement un parti ouvrier indépendant qui lutte pour la démocratie et le socialisme. C’est donc un parti large dans lequel cohabitent plusieurs sensibilités issues du mouvement ouvrier et nationaliste. Il est membre de l’Entente internationale des travailleurs et des peuples. Nous ne nous réclamons pas de l’extrême gauche. Nous inscrivons notre action dans la continuité du combat et des traditions du PPA et de l’Etoile nord-africaine.

Louisa Hanoune, en tant que femme, présidente de la République ?

Je n’ai pas d’ambition personnelle mais si le parti décide de présenter ma candidature et que le peuple me donne mandat, j’assumerai. J’ai participé à deux présidentielles. Contrairement à ce que prétendent certains, le peuple algérien est très éclairé et c’est le produit de la révolution algérienne. Pour les Algériens, la question ne se pose pas en termes de sexe mais de positions. Aux dernières élections présidentielles, par delà le tripotage des résultats, nous avons enregistré une progression notable. Les Algériens sont prêts sur cette question mais du travail reste à faire pour que puisse s’exercer le libre arbitre et que l’émancipation des femmes algériennes soit effective.

Pour ou contre un quatrième mandat pour le président Bouteflika ?

Nous jugeons sur les programmes et les bilans pas sur le nombre de mandats et comme nous ne sommes même pas à mimandat, il est prématuré de porter un jugement. Pour nous, le concept de limitation des mandats est une aberration car il confisque la souveraineté du peuple et la liberté de candidature. En démocratie, le peuple doit pouvoir choisir librement et démettre ses représentants à tout moment.

B. T.