Louisa Hanoune «Il faut en finir avec les équilibres précaires»

Louisa Hanoune «Il faut en finir avec les équilibres précaires»
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Dans une conférence de presse consacrée exclusivement à la position du Parti des travailleurs sur le discours du chef de l’Etat, animée hier au siège du parti, Louisa Hanoune a interpellé à plusieurs reprises le président de la république. Avant cela, elle est revenue sur la situation du pays et la dynamique des mouvements sociaux et estudiantins.

Elle dénoncera la répression dont sont victimes ces derniers et estime que celle-ci leur est opposée parce que le premier responsable du secteur n’est pas capable de satisfaire leurs revendications. «Je conseille aux tenants du statu quo de s’attarder un peu sur ce qui se passe en Egypte, en Tunisie et en Syrie, même si nous ne sommes pas dans le même cas», dira-t-elle. Elle a précisé que les mouvements en Algérie sont le résultat des accumulations. Dès lors, «notre pays s’est transformé en une cocotte-minute». Prenant exemple de son dernier déplacement à Sour



El Ghozlane, elle affirmera que les disparités sont criantes, voire dangereuses, et ce, dans une même wilaya. «Cela veut dire que le plan de relance n’est pas généralisé ; il y a des gens qui n’ont pas de quoi manger. C’est une véritable bombe politique», a encore affirmé Mme Hanoune. Et d’ajouter : «C’est une crise politique à contenu social. Elle exprime la faillite des institutions. Sinon, comment expliquer que la présidence soit submergée de requêtes et que les mouvements se dirigent vers elle ?» Louisa Hanoune met en garde contre la répression des étudiants.

«Cela peut être l’étincelle», dira-t-elle en rappelant que Mai 1968 a commencé à partir de l’université de la Sorbonne. «Si, aujourd’hui, la revendication est pédagogique, elle peut se transformer demain en une revendication politique», avertit encore la secrétaire générale du PT. Pour la conférencière, ce qui se passe en Algérie est 500 fois supérieur, en termes de mobilisation, à ce qui s’est passé en Tunisie. «Nous sommes dans une situation prérévolutionnaire», alerte-t-elle. «Le mouvement cherche un débouché et une solution politique», a affirmé l’oratrice pour qui, justement, le discours de M. Bouteflika n’a pas répondu à toutes les attentes et les décisions prises ne sont pas vraiment à la hauteur des défis. Cela même si le Parti des travailleurs a enregistré avec satisfaction l’annonce de certaines mesures. Dont celle de la réaffirmation de l’Algérie de sa position de refus de toute ingérence étrangère, qui revêt, selon la porte-parole du PT, une importance capitale. La poursuite des investissements publics est une décision à laquelle a applaudi le parti, mais il faut qu’elle soit «accompagnée par l’effacement total des dettes de toutes les entreprises publiques». Pour l’intervenante, en annonçant des réformes politiques, le Président a reconnu indirectement qu’il y avait crise. Tout comme il a reconnu, selon elle, que «les précédents scrutins étaient entachés de fraude», d’où son annonce de la révision de la loi électorale. La décision d’élaborer une loi organique sur l’incompatibilité avec le mandat parlementaire a plus que réjoui le Parti des travailleurs, dès lors qu’il en a fait son cheval de bataille en dénonçant l’entrée du monde des affaires dans le politique. Toutefois, elle a estimé que ce n’est pas à l’Assemblée actuelle de légiférer sur la question, puisqu’elle «est pourrie» et comprend en son sein des hommes d’affaires et des barons. Quant à la dépénalisation du délit de presse, elle a indiqué que le chef de l’Etat avait les moyens de prendre immédiatement la décision d’abroger l’article 144 bis du code pénal. «Pourquoi attendre ?» s’est-elle interrogée. Mme Hanoune se dit étonnée que le président de la République n’ait, à aucun moment de son discours, abordé les grèves et les mouvements sociaux, alors que «c’est à lui qu’ils s’adressent», tout comme elle a relevé l’absence d’échéances précises pour les réformes et la démarche qu’il compte adopter pour les mener. La conférencière a rejeté la commission qui sera chargée de réviser la Constitution. «C’est un coup d’Etat contre le peuple. La commission ne peut pas se transformer en Parlement», indiquera-t-elle, tout en réitérant la revendication de son parti pour une assemblée constituante ou, à défaut, «une véritable assemblée avec un véritable mandat». Elle estime que la révision de la Constitution doit passer par cette assemblée. «Sinon, ce serait de la vente concomitante.»

Mme Hanoune a interpellé le président de la République en l’invitant à mettre fin «aux équilibres précaires». Précisant que, dans le gouvernement, il y avait des ministres incapables de gérer, et donc «il faut qu’ils partent, d’autres font les morts, tandis que certains adoptent la politique de l’autruche». «L’Algérie est assise sur un volcan en activité», a-t-elle indiqué non sans appeler à un débat général et ouvert sur la Constitution.

F. A.