Lors d’un colloque sur les essais nucléaires français en Algérie, Me Benbraham exige « la réparation de toutes les séquelles »

Lors d’un colloque sur les essais nucléaires français en Algérie, Me Benbraham exige « la réparation de toutes les séquelles »

Me Benbraham exige

La juriste a en outre recommandé d’indemniser les victimes algériennes à l’instar des modèles USA-II Marshall, Royaume-Uni-Australie, France-Polynésie.

La juriste algérienne, Me Fatima Benbraham, a déclaré lundi dernier, à Paris qu’il est demandé à la France «la réparation de toutes les séquelles» causées par les explosions et expérimentations nucléaires françaises au Sahara algérien (sanitaires et environnementales)». «Les expériences et explosions nucléaires demeurent un parfait crime contre l’humanité et de ce fait restera imprescriptible, donc voué à contraindre leurs auteurs à reconnaître d’abord puis à réparer les dommages constatés (…)», a-t-elle dit dans son intervention portant sur le cas de l’Algérie, au colloque ayant pour thème «L’impact humanitaire des armes nucléaires» organisé au siège du Sénat français, dans la capitale française. Formulant plusieurs recommandations dans ce sens, elle a ainsi appelé à la levée du sceau du «secret défense» sur toutes les archives se rapportant aux explosions et expérimentations nucléaires françaises au Sahara algérien «afin qu’elles servent de documents de référence» aux chercheurs et experts.

Ces archives, a ajouté la juriste doivent également servir à connaître le nombre d’Algériens de PLO ou Plbt (Populations locales des oasis ou du bas Touat), impliqués dans le programme nucléaire français, recrutés pour faire le nettoyage des sites atomiques sans protection adaptée. Elles permettront aussi, a-t-elle ajouté, de faire connaître la population sédentaire et nomade concernée par les conséquences sanitaires des explosions nucléaires françaises et, aussi, localiser le matériel contaminé et l’indication exacte des endroits d’entreposage des déchets radioactifs enfouis ou laissés sur place après le départ des Français en 1967.

Me Benbraham a également insisté sur la nécessité d’assurer le suivi médical des différentes victimes des rayonnements ionisants par la construction par la France de structures sanitaires spécialisées pouvant prendre en charge les pathologies radio-induites des victimes des essais nucléaires français et leur descendants, depuis le stade du diagnostic jusqu’à la prise en charge adéquate tel qu’il a été préconisé dans des cas similaires (Polynésie, Japon, Etats-Unis, Australie).

La juriste, a en outre recommandé d’indemniser les victimes algériennes à l’instar des modèles USA-II Marshall, Royaume-Uni- Australie, France-Polynésie, «selon le principe du parallélisme des formes» et contribuer par ailleurs à la mise en place d’un système de surveillance des sites des essais, à l’instar de ce qui a été réalisé en Polynésie française et dans d’autres régions du monde. Elle n’a pas non plus manqué de mettre l’accent sur la contribution à la formation de spécialistes algériens en décontamination et au nettoyage et réhabilitation des sites d’essais de Reggane (Hammoudia et Reggane-plateau et In Ecker (Taouriret Tan Afella et Tan Attaram).

Dans son exposé, Me Benbraham a rappelé à l’assistance, composée de parlementaires et experts français et étrangers, que la France coloniale a réalisé ses premières explosions nucléaires au Sahara algérien entre 1960 et 1966.

Elle a cité ainsi quatre explosions atmosphériques à Hamouda «très polluantes pour toute forme de vie et pour l’environnement et ceci pour au moins pour 244 000 ans», et treize explosions en galerie, «supposées sans danger» pour l’environnement dont 12 ont échoué parmi lesquelles l’accident de l’essai du nom de code «Béryl», le 1er mai 1962 «dont la gravité équivaut à celui de Tchernobyl le 26 avril 1986 et celle de Fukushima le 11 mars 2011».

«A ce jour, aucune des victimes de ces explosions n’a été reconnue comme telle», a-t-elle martelé, soulignant que «54 ans après les essais atmosphériques à Reggane, 52 ans après l’accident de Béryl à In Ecker, et 52 ans après l’indépendance de l’Algérie, aucune reconnaissance de la part de la France coloniale, ni pour les victimes nucléaires, ni pour l’environnement». Me Benbraham a dans ce contexte relevé le caractère «sélectif et limitatif» de la loi Morin relative à la reconnaissance et l’indemnisation des victimes des essais nucléaires, «dans la mesure où il est fait abstraction des victimes algériennes et des dégâts environnementaux causés au Sahara». Elle a ajouté aussi que les 32 dossiers de reconnaissance et d’indemnisation déposés par les victimes algériennes «ont tous été rejetés» en décembre 2012 par la commission ad-hoc mise sur pied à la faveur de la loi Morin, car jugés «incompatibles» avec cette dernière. «Ils ont été refusés au motif que les pathologies déclarées ne rentrent pas dans le cadre de cette loi», a-t-elle dit. Voulant rafraîchir les mémoires, Me Benbraham a rappelé que pourtant, lors de la visite d’Etat qu’il a effectuée en décembre 2012 en Algérie, le président François Hollande avait déclaré que la loi Morin sur les indemnisations des victimes devrait être appliquée «pleinement».

Me Fatima Benbraham, avocate à la Cour d’Alger, agréée à la Cour suprême et au Conseil d’Etat est l’auteure de nombreuses contributions dans différents séminaires et forums internationaux sur les aspects juridiques relatifs aux conséquences des explosions nucléaires françaises au Sahara algérien.

Le colloque sur «L’impact humanitaire des armes nucléaires est organisé à l’initiative de sénateurs français et des parlementaires pour la non-prolifération nucléaire et le désarmement (Pnnd-France) en collaboration avec l’Observatoire des armements.