Emmenée par Riyad, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a décidé hier, à Vienne, lors d’une conférence ministérielle ordinaire, de maintenir inchangés ses quotas de production à 30 millions de barils par jour.
C’était prévisible. Au cours de cette réunion, le chacun pour soi a fait figure d’évidence, une bonne partie des membres de l’organisation pétrolière ne tenant plus le même langage quant aux prix de l’or noir. Que le ministre saoudien, Ali Nouaimi, dise que la rencontre “était amicale”, cela n’y change rien. Il y a réellement fracture entre des pays maladroitement qualifiés de durs (Venezuela, Iran…) et des pays du Golfe, plus enclins que jamais à en finir avec une remontée des cours qu’ils estiment prétendument profiter aux pays non-Opep.
Dans sa stratégie de ne pas perdre de parts de marchés, le royaume wahhabite s’est, en fait, planté. Il a perdu sur les deux tableaux : il n’a pas réussi à faire sortir le gaz et le pétrole de schiste américain des marchés. Certes, de nombreux puits ont fermé aux États-Unis, du fait de la détérioration des cours du brut, mais la production de shale oil a été encore peu affectée, les plateformes de forage en exploitation ayant de meilleurs rendements. Des indices ? Avec 9,5 millions de barils de brut, dont la moitié d’huiles non conventionnelles, jamais la production américaine n’a été aussi dynamique. Elle progressera jusqu’à près de 11 millions en 2020 avant de se stabiliser, selon des données statistiques fournies par l’Administration américaine. De même, Riyad n’est pas parvenu à contraindre les pays non-Opep à coopérer avec l’Organisation des pays exportateurs de pétrole.
En effet, les pays pétroliers indépendants, comme la Russie, la Norvège ou le Mexique, n’ont pas participé à la conférence ministérielle d’hier. Même pas en observateurs. La coupe est pleine. Et comme si cela ne suffisait pas, il n’y a aucun signe de volonté de la part de l’Arabie saoudite, de l’Iran ou de la Russie, pour ne citer que ces pays-là, de tenter de dégager une solution salvatrice, dans un contexte aussi complexe que difficile dont souffrent énormément les petits producteurs, à l’exemple de l’Algérie ou du Venezuela.
Ces derniers savaient que les jeux étaient faits, bien avant le début de la réunion ministérielle d’hier. Aussi, ils n’ont même pas essayé de peser sur l’évènement. Le pouvaient-ils ? À l’évidence, l’Arabie saoudite et ses partenaires dans le Conseil de coopération du Golfe vivent dans l’opulence, et ce n’est pas une année de baisse des prix, ou même plus, qui va les affecter. Ils peuvent tenir quelques années. Inversement, les petits producteurs se tiennent le ventre face à la déprime des marchés. Se tiennent-ils prêts à toute éventualité ? Le Venezuela a déjà touché le fond. Et il risque de se retrouver dans une situation de cessation de paiement, si la chute des cours du brut s’étire dans le temps.
L’Algérie, elle, est prise de panique, ses revenus pétroliers ayant baissé de 45%. Et il est fort probable que le pays procède à des coupes budgétaires douloureuses, dans le cadre de la loi de finances complémentaire 2015. Un tour de vis dans les finances n’empêcherait, cependant, pas le déficit budgétaire de se creuser, ni la balance commerciale de s’éroder. Et le Fonds de régulation des recettes (FRR) de fondre. La cagnotte est destinée à compenser la baisse des prix du pétrole. Elle s’établissait fin 2014 à
44 milliards de dollars. L’État y a puisé excessivement en 2014, ponctionnant 29 milliards de dollars.
Le pays aura ainsi fort à faire pour reconstituer ses réserves de change et son Fonds de régulation des recettes, dans une conjoncture pétrolière atone. Il fait face non seulement à la dégringolade des prix du pétrole, mais également à la déplétion de sa production d’hydrocarbures.