Les députés attendent toujours la mise en place de l’organe de prévention et de lutte contre la corruption, prévu dans le décret de 2006, car les projets du métro d’Alger et l’autoroute Est-Ouest sont aussi liés à ce fléau.
Sur la problématique de la corruption, Ali Brahimi, député dissident du RCD, lie ce fléau à la question des marchés publics. Il explique que «la problématique des marchés publics est liée à celle de la gestion des deniers publics.
Le problème qui se posait est celui de la prédominance du gré à gré dans des cas non justifiés ». Pour ce député, c’est suite aux scandales ayant éclaté ça et là et la réaction des parlementaires qui ont demandé une commission d’enquête sur la corruption, ont eu une part essentielle dans l’élaboration des ordonnances sur la Cour des comptes, sur les marchés publics.. etc. Il dira : «Le gouvernement a alourdi les conditions du gré à gré, c’est une bonne chose cela freinera les dépassements qui y a eu mais cela ne suffit pas. La lutte contre la corruption est une culture à partir de l’école, dans l’entreprise, qui exige une formation des ressources humaines : les opérateurs économiques et les personnels judiciaires, les parlementaires».
L’Algérie s’est engagée dans le cadre de la convention de l’ONU, en 2003, a mettre en place des codes de conduite qui tardent à voir le jour ainsi que la mise en place d’un organe de lutte et de prévention qui n’est pas encore là alors que la loi date de 2006, a-t-il souligné.
Et d’ajouter, «au lieu de cela, on assiste à une sorte de fuite en avant en créant une nouvelle police en l’Office central de répression de la corruption. L’ONU, l’Union européenne et les Etats Unis soulèvent la même préoccupation ». M. Brahimi s’interroge : «Est-ce que cela veut dire que le DRS et sa brigade économique, celles de la gendarmerie et de la sûreté nationale, l’IGF, la Cour des comptes ne suffisent pas ? On se contente de dire que c’est un « office ». Pour conclure que «la création de cet office est destinée à faire patienter l’opinion nationale et les partenaires étrangers».
RCD : « Pas de lutte contre la corruption »
Le député RCD, Hakim Saheb, estime qu’« il n’y a pas de lutte contre la corruption sur le terrain puisqu’en 2007 on a dénoncé le phénomène. La corruption est un sport national qui ruine l’économie nationale et nuit à l’image et la crédibilité de nos institutions. Toute la Nation s’en est sorti affaiblie avec une image ternie». Pour ce député du parti de Saïd Saïdi, «les retards de réalisation des projets tels que le métro, l’autoroute Est-Ouest sont des preuves de la corruption ». Il se demande : «Comment un ministre ne démissionne pas après tous les scandales autour de l’autoroute Est-Ouest ? Un tronçon d’autoroute de 400 km où on n’a prévu aucune aire de repos et aucune station de service».
«Il n’y a pas volonté politique pour lutter contre la corruption pour preuve un indice : l’Algérie a ratifié la convention internationale relative à la lutte contre la corruption, en 2003, le parlement a adopté une loi sur la prévention et la lutte contre ce fléau, en 2006 qui prévoient la mise en place d’un organe national de lutte contre la corruption. Jusqu’ici, il n’a pas été encore mis en place», a-t-il rappelé. Puisque M. Ouyahia dit que la lutte est des actes donc le minimum à faire est d’appliquer la loi.
Le fait de ne pas appliquer la loi est une faute grave, un crime, un délit car un exécutif est tenu d’appliquer la loi ou à la limite il l’amende. Moi-même j’ai posé la question au ministre de la justice qui m’a répondu qu’on n’arrive pas à trouver six hommes compétents car les compétences on les chasse, on les marginalise, on les pousse à l’exile à défaut de les assassiner. Autre indice, la Cour des comptes qu’il faudra réactiver.
L’exécutif ne lui a pas permis d’exercer en toute indépendance ses pouvoirs et ses prérogatives. De plus, elle est tenue d’élaborer un rapport annuel sur la gestion publique. Depuis son existence, elle a publié deux rapports alors que la loi portant organisation et fonctionnement de la cour des comptes prévoit la publication de ces rapports dans le journal officiel. Idem pour l’IGF, il ne suffit pas d’élargir ses prérogatives mais lui donner les moyens d’exercer ses missions en toutes indépendance»
Le métro d’Alger, une affaire de gouvernance et de corruption
Datant de l’époque de Chadli Benjedid, le métro d’Alger est une affaire très intéressante, estime le député Brahimi, qui s’est étonné d’entendre le ministre des Transports ramener son âge à 2006 devant la commission des finances. A ce sujet, l’argument de M. Ouyahia «consiste en un incendie qui a eu lieu dans le tunnel du Mont Blanc (France) en 2005, a eu des répercussions sur l’Algérie de 2005 à 2010 alors que la normalisation européenne date de bien avant». En fait, «la question des coûts devrait être posée dans ses vrais termes car on a l’impression que l’Algérie a énormément d’argent et qu’elle croule sous les pétrodollars, le gouvernement et les collègues députés de la coalition (alliance) estiment que cette question est superflue », insiste-t-il en concluant qu’ «on refuse de discuter sur les coûts ».
Pour lui, «il faudra relativiser les chantiers nombreux engagés car l’Algérie n’arrive pas à absorber toutes ces dépenses publiques par rapport à leurs coûts ». A titre indicatif, « l’autoroute Est-Ouest est passée de 4 milliards de DA au départ à plus de 11 milliards de DA, cite-t-il. Cela renseigne sur les études mal faites, sur l’incapacité de réalisation y compris celle des étrangers et enfin sur l’ampleur de la corruption».
Pour le RCD, «la gestion du métro renseigne bien sur la gouvernance algérienne. Des pays voisins avec moins d’atouts économiques que l’Algérie ont réalisé des rames en un temps record comme le cas de l’Egypte. Il y a trois ans déjà, on nous a promis que le métro sera fonctionnel et opérationnel en 2008, puis 2009 et là nous sommes à la fin 2010, toujours rien. Attendons pour voir».
L’Affaire Djezzy : « On n’a pas dit toute la vérité aux algériens »
« On n’a pas dit toute la vérité aux algériens sur l’affaire Djezzy. Ce que Ouyahia ne veut surtout pas dire : qui a ramené Djezzy (Orascom) et quel est le coût économique que l’Algérie à payer ? », indique Maître Hakim Saheb, député RCD. «L’affaire Djezzy est un bon échantillon puisqu’on a été jusqu’à violer le code des marchés publics pour son installation en Algérie. Au RCD on pose les questions : Qui a ramené Djezzy ? Quel est le coûté économique et commercial, les retombées économiques et les bénéfices réalisés? », insiste-t-il.
Pour ce député de l’opposition, « la gestion de M. Ouyahia a fait qu’il y a eu ces transferts illégaux de fonds, les tentatives de corruption et tout ce qui est induit. Ce que Ouyahia ne veut pas comprendre est que sa gestion et celle de tous les gouvernements qui se sont succédés qui sont à l’origine de ce fléau et ce délit ».
De son côté Ali Brahimi, député, se demande : « Est-ce que le groupement russe a acheté effectivement Djezzy donc l’Algérie négociera avec le propriétaire. Avec qui le gouvernement va négocier avec Djezzy propriété des Sawaris ou celle des russes. Sur un plan juridique, le gouvernement algérien négocie avec OTA détenteur de la licence mais Ouyahia ne dit pas avec qui va-t-on négocier ? ».
Il indique que «la première préoccupation tourne autour du prix très bas de la cession de la licence, soit autour de 300 millions de dollars alors que le Maroc cède à un prix multiplié par 4 pour ce genre de licence ». Il signale qu’ « on passe d’une extrémité à une autre pour passer à une autre extrémité pour un match de football pour une nationalisation qui ne dit pas son nom ». Et souligne enfin que « Djezzy emploie 5 000 travailleurs ce qui donne minimum 20 000 autres postes directs et indirects. Orascom était censée se soumettre à la règlementation sur les transferts. L’Algérie a accordé des largesses à Orascom et il doit y avoir d’autres cas similaires à celui-ci. Il y a du clientélisme».
Pour le député du Parti des Travailleurs, Ramdane Taazibt, le cas Djezzy est une arnaque après cinq années d’exonérations et de facilités. Cet investisseur étranger se permet le luxe de frauder, de fuir l’administration fiscale et de sortir la devise de manière frauduleuse. Djezzy ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Il en est de même pour ArcelorMittal, le Premier ministre lui-même dit : «au moment où il (ArcelorMittal) exporte car cela l’arrange et génère des profits, l’Algérie importe de l’acier». Quand les repreneurs étrangers ou nationaux ne respectent pas les cahiers de charge, l’Etat devra avoir le courage politique de reprendre ces entreprises. Dans le cas échéant, comme les deux cas Djezzy et ArcelorMittal, nous revendiquons que l’Etat reprenne dans les plus brefs délais ces entreprises sans indemnités ni même rachat.