«L’ordre et le désordre de la guerre»

«L’ordre et le désordre de la guerre»
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«Tout homme dévoué à son pays doit payer à sa patrie son tribut de patriotisme ; en lui disant tout ce qu’il croit, en sa conscience, être la vérité.»

(Sully)

Debut de l’année 1961, à l’aube de ma jeunesse, j’allais sur mes 17 ans, j’ai eu à transiter par la base ALN de l’Est (El Kef), ou j’ai rencontré le colonel Houari Boumediene, avec lequel je suis resté assez longtemps pour me permettre de lui poser les questions que me dictaient mes 17 ans. Il se devait de m’instruire et aider à ma formation de combattant, c’est pourquoi j’ai eu toutes les réponses à mes questions. Par ailleurs, lui aussi ignorait beaucoup de choses… et à travers toutes les questions qu’il m’a posées, il s’est instruit de mes réponses, et ainsi il eut une idée de ce qu’était Alger, qu’il ne connaissait pas, et du caractère trompé de ces futurs Algériens qu’étaient les jeunes patriotes Algérois de l’époque.

Le but aujourd’hui n’étant pas de raconter cette relation dans sa globalité, mais simplement de narrer un petit échange de questions-réponses pour démontrer à partir de quoi et comment, j’ai commencé à analyser et à comprendre la révolution algérienne dans laquelle j’étais entré pour continuer le combat de mon père, mon frère et mon oncle chouhadas.

LG Algérie

À L’intérieur de cette caserne qui servait de base à l’état-major général de l’ALN, moi et mon compagnon M’Hamed, nous circulions librement. Tout à notre aise, nous ne faisions rien d’autre que d’admirer tout le matériel dont disposait notre ALN. Ayant vu de nombreux camions, portant le sigle de l’ALN, entrer et sortir, j’ai observé que les numéros de matricule, dépassaient la centaine de mille. J’ai posé la question à Boumediene de savoir si nous avions autant de camions que le laissaient voir les numéros dépassant les 100.000… Est-ce que l’ALN aurait plus de 100.000 camions ? Alors avec un sourire, le Colonel Boumediene me répondit : «Si nous mettons des matricules en fonction du nombre réel de ce que nous possédons, l’ennemi, qui nous espionne sans cesse, saura combien nous avons de camions, et à partir de là, il comprendra beaucoup de choses sur nos capacités».

Je m’en suis allé dans un coin avec mon ami M’hamed et nous avons décortiqué l’information. En conclusion, il fallait cacher la vérité et mentir pour tromper l’ennemi ! Donc ce n’est pas seulement une puissance divine qui protège les Moudjahidine, (car c’est ce que nous croyons à l’époque). «C’est la malice, l’intelligence, le «mensonge et la ruse» qui sont les armes du combat ! Et ainsi de suite, tout le long de notre parcours du combattant, nous allions apprendre encore et encore beaucoup d’autres choses, qui allaient nous permettre de comprendre la stratégie d’un combat et la tactique de la guérilla.

Dans la lutte révolutionnaire (guérilla), le politique entre puissamment en ligne de compte et l’action politique est un acte de commandement. A ce titre, elle relève directement du chef de wilaya.

Dans la guerre classique, le chef prend sa décision après examen de facteurs logistiques et tactiques. La guerre par définition, regroupe des militaires. De même que l’armée est l’instrument de la conduite de la guerre. Alors qu’un parti politique est celui de la conduite de la politique, et par définition, regroupe des militants (combattants volontaires n’appartenant pas à une armée régulière).

C’est par cet ensemble de connaissance, que plus tard encore, nous avons compris le raisonnement des dirigeants de notre mouvement de libération national. Et c’est ce qui me permet aujourd’hui de dire que si notre lutte armée « avait été » déclenchée par un Parti politique organisé, ayant des structures dans chaque village, les responsables du soulèvement auraient été les cadres de ce Parti et chaque chose se serait faite en fonction du choix et de la sélection, d’après les règles du militantisme. Et la plus part des responsables sortis de la même école ayant eu relativement la même formation politique, aboutirait aux mêmes règles de conduite et à la même logique de fonctionnement. Et tous les responsables donc du FLN/ALN seraient sortis sur le terrain avec la même feuille de route. Mais ce ne fut pas le cas, puisque les créateurs du CRUA, ont quitté leur Parti (PPA/MTLD) et ont créé une autre organisation (FLN/ALN) qui va entrer en action après la réunion historique des 22, qui s’est tenu au Clos Salembier (El Madania), menant ainsi au déclenchement du 1er novembre 1954. Dans cette même réunion historique, il y avait déjà des réticences et des mécontentements sur la participation de certains responsables, alors que des militants de valeur n’ont pas été conviés à cette réunion historique…

1re partie