L’opposition sous le 4e mandat, Les politiques explorent les alliances

L’opposition sous le 4e mandat, Les politiques explorent les alliances

L’élection présidentielle a bouleversé la physionomie de la scène politique algérienne. Le passage en force de Abdelaziz Bouteflika a mis un terme au clivage islamistes/ démocrates et conduit à la constitution de pôles politiques.

Un mois a passé depuis la réélection de Abdelaziz Bouteflika. En ce début de quatrième mandat, le Président a reconduit Abdelmalek Sellal aux fonctions de Premier ministre, nommé un nouveau gouvernement et lancé un processus de concertation pour l’amendement de la Constitution. Des actions de portée minime.

Car sur la scène politique, de véritables bouleversements ont eu lieu ces derniers mois. Le lancement du Front du boycott par le Rassemblement pour la culture et la démocratie, Jil Jadid, le Mouvement de la société pour la paix, Ennahda, le Front pour la justice et le développement et Ahmed Benbitour est une démarche inédite.

Ce pôle politique, qui a pris la dénomination de Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique au lendemain du scrutin, est la preuve d’un net changement dans la relation entre les acteurs. C’est en effet la première action concertée initiée par des partis démocrates et islamistes pour contrer le régime en place. Une telle initiative était impossible à mener par le passé.

Lors du premier mandat de Abdelaziz Bouteflika, certains membres de cette coordination avaient soutenu le Président. C’est le cas notamment de Ahmed Benbitour qui a été son premier chef du gouvernement, du Rassemblement pour la culture et de la démocratie qui siégeait au sein de l’Exécutif et du Mouvement de la société pour la paix qui est resté au gouvernement et dans l’Alliance présidentielle jusqu’en 2012. A leurs côtés, nous retrouvons le Front pour la justice et le développement, la troisième formation créée par Abdallah Djaballah, et Jil Jadid de Soufiane Djilali. Deux opposants au pouvoir qui défendent des idéologies opposées.

L’ensemble de ces acteurs se sont donc alliés afin de barrer la route à Abdelaziz Bouteflika. Ils ont opté pour le boycott pour décrédibiliser la présidentielle du 17 avril. D’autres ont choisi la confrontation directe. C’est le cas de Ali Benflis et du pôle politique qui s’est formé autour de lui. Benflis a, lui aussi, été impliqué dans la gestion du pays lors du premier mandat de Bouteflika. Il s’est retiré de la scène politique après sa défaite à la présidentielle de 2004.

L’ancien secrétaire général du Front de libération nationale a longuement préparé son retour, la décision de participer à l’élection du 17 avril ayant été prise près de deux années auparavant. Durant la campagne électorale, il est soutenu par plusieurs partis politiques, notamment El Islah de Mohamed Djahid Younsi et l’Union des forces démocratiques de Nourredine Bahbouh. Nous assistons, là encore, à un partenariat islamiste/démocrate. Cette fois-ci, c’est sous l’égide d’une personnalité de tendance nationaliste, Ali Benflis en l’occurrence. Ce dernier envisage d’ailleurs de créer son parti politique. Formation qui jouera le rôle de chef de file du Pôle des forces du changement.

Dans un contexte marqué par la confrontation, des formations ont développé une attitude passive tout en restant dans l’opposition. Le Parti des travailleurs, le Front des forces socialistes ou encore le Front El Moustakbel de Abdelaziz Belaïd. Classé troisième à la présidentielle du 17 avril, Belaïd représente la nouvelle génération de l’élite politique algérienne.

Parmi les personnalités qui comptent, nous pouvons également citer Mouloud Hamrouche et Sid Ahmed Ghozali. Sans réelles attaches partisanes, les deux anciens chefs du gouvernement ont la capacité de peser sur la scène dès que les conditions s’y prêteront. Dans le camp du pouvoir, on retrouve le TAJ de Amar Ghoul et le Mouvement populaire algérien.

Les deux hommes sont les seuls représentants de leurs partis au sein de l’Exécutif. De petites formations qui sont devenues partenaires, de fait, du Front de libération nationale et du Rassemblement national démocratique. Mais voilà, les deux poids lourds ne sont toujours pas sortis de la zone de turbulence dans laquelle ils ont été précipités au début de l’année 2013. Amar Saâdani reste très contesté au sein des instances dirigeantes du FLN et il risque de perdre à tout moment son poste de secrétaire général. Nommé ministre d’Etat à la veille de la présidentielle, Abdelaziz Belkhadem, son prédécesseur, attend la première occasion pour l’éjecter et prendre sa place.

Situation quasi-analogue au RND où un bras de fer oppose, en sourdine, Abdelkader Bensalah à Ahmed Ouyahia. S’il venait à arriver, le choc entre le président du Conseil de la Nation et le ministre d’Etat, directeur de cabinet de la présidence, aurait des effets sur leur parti. Car les acteurs de la scène politique, qu’ils soient dans l’opposition ou dans le camp présidentiel, s’inscrivent dans une stratégie de succession. Tous attendent le moment propice pour aller à l’assaut du Palais d’El-Mouradia.

T. H.

Concertations sur la constitution consensuelle: Vers un «non» des forces du changement

Le pôle des forces du changement constitué par des partis et des personnalités autour de Ali Benflis et qui ont soutenu ce dernier à la dernière présidentielle, devrait vraisemblablement rejoindre le camp des «boudeurs » des concertations autour du projet de Constitution consensuelle proposé par le président de la République.

C’est là, en effet, la décision à laquelle se devaient de résoudre les chefs de parti, personnalités et l’ex-chef de gouvernement qui se sont réunis, hier soir, au niveau de ce qui a servi de siège de la direction de campagne de ce dernier lors du scrutin du 17 avril dernier. Un «verdict» loin de relever d’une surprise tant le «ton» a été donné bien avant ce conclave. Surtout par l’ancien patron du FLN qui exerce un sérieux ascendant sur ses soutiens partisans avec ses 1 288 338 voix récoltées au scrutin présidentiel du 17 avril dernier et qui ambitionne d’ailleurs de se doter d’un parti politique.

En effet, Benflis s’est positionné on ne peut plus clairement à l’égard de cette offre de concertations qui doivent, selon Benflis, «être prises pour ce qu’elles sont : une fuite en avant et une diversion». Et d’exprimer clairement son refus de répondre à l’invitation du ministre d’Etat et directeur de cabinet du président de la République pour prendre part aux concertations que ce dernier pilotera en juin prochain.

«S’inscrire dans la logique de ces dernières et en cautionner la démarche et le contenu reviendrait, au bout du compte, à accepter ou à se résigner au différé du changement auquel l’Algérie (…) aspire légitimement, ce à quoi je ne peux me résoudre ni aujourd’hui, ni demain», écrit Benflis dans son communiqué d’avant-hier dimanche. Pour lui, le but des initiateurs du projet de Constitution consensuelle «n’est pas d’apporter une réponse à la crise politique et à l’impasse institutionnelle, critiques auxquelles le pays est confronté», estimant que les propositions émises dans ce sens «sont manifestement le produit des préoccupations étroites du régime en place et certainement pas celui d’un peuple en attente du changement».

Une analyse de l’offre que Benflis partage avec le gros des troupes du pôle. Dont le mouvement Islah dont le secrétaire général estime que le projet de Constitution consensuelle n’est qu’une manière pour le pouvoir de gagner du temps, le temps justement de «régler ses problèmes induits par la maladie du Président qui a été telle ce grain de sable dans l’engrenage d’un plan d’héritage», affirme Mohamed-Djahid Younsi.

Pour sa part, le secrétaire général de l’UFDS, Noureddine Bahbouh, ce projet de Constitution consensuelle suscite bien de réserves aussi bien dans son contenu que dans son timing. «Pourquoi ce projet et en ce moment précis ? s’interroge, en effet, l’ancien ministre de l’Agriculture et de la Pêche, qui nous avouait hier quelques heures seulement avant ce conclave que le pôle «ne pouvait adopter une position à l’égard de ces consultations autre que le refus».

Reste à savoir l’attitude de certains de ces partis du pôle à la représentativité limitée au vu de leur «jeunesse» puisque faisant partie, pour leur quasi-majorité, de la cuvée 2012 des nouveaux partis nés dans la «dynamique» des réformes politiques du président de la République. A l’image des partis que dirigent Naïma Salhi, Bouacha et Hamidi ou encore Benabdeslam, tentés qu’ils sont par «l’aventure » de ces concertations. Une occasion pour eux de se faire valoir en l’absence des partis de «poids».

M. K.