Les autorités pakistanaises tentaient, hier, par tous les moyens de neutraliser la «longue marche» des avocats et de l’opposition qui doit rallier Islamabad lundi, sous l’oeil inquiet de leurs alliés occidentaux qui redoutent une explosion de violence. Mais ni les centaines d’arrestations des derniers jours, ni l’interdiction de rassemblement étendue à une grande partie du pays ne semblaient dissuader les manifestants.
Ceux-ci réclament le retour en fonction de juges destitués en 2007 par le régime militaire de Pervez Musharraf, dont l’ancien président de la Cour suprême Muhammad Iftikhar Chaudhry, devenus le symbole d’une démocratie que le gouvernement civil, en place depuis un an, peine à mettre en oeuvre. «Stop aux arrestations», «La longue marche à tout prix», criaient 150 avocats qui ont défilé à Peshawar, la grande ville du nord-ouest, bravant l’interdiction de manifester désormais en vigueur dans trois des quatre provinces du Pakistan, ainsi qu’à Islamabad. Un premier convoi avait été arrêté par des barrages de police, jeudi à la sortie de Karachi, point de départ dans le sud du pays de la «longue marche».
Un autre a été bloqué plus tard sur une route venant du sud-ouest. «Les mesures prises par le gouvernement démontrent à la population du Pakistan et au monde entier que les avocats ne peuvent se déplacer librement dans leur propre pays», a lancé Ali Ahmed Kurd, le président des avocats de la Cour suprême, arrêté à ce barrage.
«Nous allons essayer de gagner Islamabad par d’autres chemins et appeler tous les Pakistanais à faire de même», a-t-il expliqué. Les avocats ont été rejoints dans leur mouvement par l’opposition politique, menée par l’ancien Premier ministre Nawaz Sharif, furieux d’un verdict de la Cour suprême qui l’a exclu le 25 février de la vie publique. Ses appels au soulèvement populaire lui ont valu des menaces de poursuites pour «sédition», comme à son frère Shahbaz, frappé par le même verdict alors qu’il était chef du gouvernement du Pendjab, la province la plus peuplée du pays.
Ce mouvement de contestation a plongé le Pakistan dans sa plus grave crise depuis la chute du régime Musharraf, suscitant avertissements et critiques chez ses alliés occidentaux. Ceux-ci redoutent les conséquences potentiellement désastreuses d’une déstabilisation du Pakistan, un pays de 168 millions d’habitants, puissance nucléaire, en butte à une vague de violences islamistes meurtrières. La diplomatie américaine a ainsi exhorté Islamabad à éviter tout débordement. La Grande-Bretagne, l’ancienne puissance coloniale, avait critiqué ouvertement la veille les arrestations et appelé à la réconciliation à l’heure où le Pakistan est confronté à une «grave menace».
La contestation vise en premier lieu le chef de l’Etat, Asif Ali Zardari, accusé d’utiliser des méthodes dignes d’un régime militaire pour n’avoir pas tenu sa promesse de rétablir les juges dans leurs fonctions. Le président apparaît de jour en jour plus isolé, le Premier ministre Yousouf Raza Gilani ayant lui-même, publiquement, exprimé son désaccord avec la décision de placer la province du Pendjab sous administration fédérale après l’exclusion de Shahbaz Sharif.