« L’habitude du désespoir est pire que le désespoir lui-même. » Albert Camus
Aït Ahmed Hocine
A tous les niveaux et statuts sociaux définis dans le pays, les Algériens ont décortiqué pratiquement tout ce qui ne peut plus durer dans leur existence, individuellement et communautairement. Aucun détail n’a été épargné pour expliquer, en démontrant les pratiques, l’inconséquence du régime en place. Les gouvernances qui se sont succédé ont provoqué ceci d’extravagant qu’elles embrouillent toutes les pistes de la commune mesure susceptibles de déterminer, dans un langage cohérent, des solutions précises de viabilisation et de solvabilité. De sorte que les partis qui naissent ne possèdent aucune substance s’ils veulent guerroyer contre l’Administration.
Les citoyens qui se démarquent de la pensée de la rente, quoiqu’ils n’ignorent pas que c’est exclusivement par la rente qu’ils peuvent exister en tant qu’Algériens, ne font en vérité que dénoncer l’Etat et l’ensemble de ses institutions par la preuve que le pays régresse au lieu d’évoluer comme tous les Etats qui prétendent aux libertés des idées et de l’entreprise. A la maison, dans la rue, dans le transport, au travail, à l’école, à l’hôpital, au tribunal, dans les lieux de distraction, au marché, dans la relation entre les sexes et les âges, les ressortissant de ce pays, à une heure de l’Europe, acceptent des conditions de vie, sans faire dans la parabole, qui n’envient rien aux modèles d’existence subis par les pays les plus arriérés de la planète.
Une opposition rhétorique
Un suicide collectif du Gouvernement et du Parlement en même temps, sur le plan évènementiel, est ridicule devant les gisements sahariens diminuant comme par malédiction de moitié du jour au lendemain. Autrement dit une situation socioéconomique, déjà, où le pays ne pourrait pas subvenir à ses besoins alimentaires et sanitaires. Nulle politique n’est prévue pour le cas de l’espèce car le système en Algérie depuis quarante ans, à partir de la prise en souveraineté nationale des ressources, n’est pas conçu dans l’idée de l’action industrieuse et de l’entreprise créatrice de richesses.
Tous les partis existants, regroupant le plus grand nombre d’adhérents, pour l’heure ceux qui possèdent la majorité dans le Parlement, forment une espèce d’organe commun qui ne joue aucun rôle politique, dans le sens de la démocratie rationnelle qui projette la société qui la mandate, si ce n’est de remplir à travers les outils administratifs les fonctions approximatives d’un consensus national de consumation.
Tandis que l’opposition telle que la pensent les cités et les campagnes elle n’existe dans le concert officiel que sous la forme inféconde de la contestation rhétorique ou démissionnaire. L’on se rappelle les députés du RCD et du FNA qui se sont retirés du Parlement en mars 2011 juste après les émeutes donnant écho au soulèvement tunisien et à la fuite de leur chef d’Etat. Qui n’a provoqué aucune réaction sur l’opinion publique sinon que de traduire le gel des activité parlementaires des 33 députés (19 pour le RCD et 14 pur le FNA) sur 389 comme une opération de casting stérile destinée a faire gigoter les médias. A la manière du retrait aujourd’hui de Saïd Sadi des commandes de son parti, à ne pas essayer d’examiner au-delà d’un acte de pure psychologie destinée à attirer une petite attention sur une formation moribonde qui vient de démontrer qu’elle ne pèse pas lourd en Kabylie par l’épreuve sur les quelques jours de virulent enneigement.
Les illusions des uns et des autres
Mais ce n’est pas parce que Hocine Aït Ahmed qui demeure le dernier historique en action dans les affaires politiques et qui décide que sa formation rompant sa tradition de boycottage s’engage dans la bataille législative du printemps prochain qu’il faut se laisser accroire à un évènement retentissant qui ira créer de l’angoisse parmi les sangsues dans la majorité. Nombre d’analystes ne donnent aucun espoir au FFS, dans sa valeur politique comptable, même s’il s’adjoint les forces du RCD dans une sorte d’absorption fusion réconciliatrice, de parvenir à un rassemblement national nécessaire et suffisant pour peser d’un poids prépondérant dans le changement des pratiques de gouvernance à travers une Assemblée votant patriotiquement des lois capables de laisser espérer une sérieuse prise en main de la meilleure destinée nationale.
Pour dire honnêtement la problématique, ce sont les cadres militants du FFS qui tiennent beaucoup plus à l’aura du révolutionnaire qu’à l’intérêt rassembleur du parti, qui torpillent le fondement démocratique capable de grandes réalisations nationales. Ses cadres ne veulent pas de renouvellement dans leur parti, ils acceptent le statu quo cultivé par leur leader. Toutefois, beaucoup de patriotes neutres ont de la sympathie pour cette formation politique qui regorge de ressources intellectuelles mais ils la considèrent avec le recul par rapport aux principes de liberté comme une secte obéissant à son gourou. Cette histoire d’adresser automatiquement une lettre sacrée aux militants avant chaque réunion importante dans le troisième millénaire tient plutôt à l’allégorie de l’ancêtre épique qui apparaît dans le rêve, avertissant de présage.
L’incrustation ou la mort
Léon Blum, ensuite François Mitterrand, taxés fondamentalement terroir, par exemple de Corse ou d’Alsace-Lorraine, la gauche française n’aurait jamais atteint les proportions de la majorité parlementaire et la magistrature suprême. Sans contestation aucune l’Algérie étant d’écrasante majorité d’obédience ethnique amazighe, il se trouve dans le pays, partout dans les agglomérations urbaines et rurales, des groupes de citoyens fort intéressés par la vision prospective contenue dans les textes officiels du FFS qui stimulent les aspirations nationales consistant à vouloir sortir de l’idéologie de la rente et de son contrôle univoque. Toutefois le cachet kabyle – qui est bien plus qu’un filigrane puisque il est carrément un emblème – empoisonne quoi que l’on face ou l’on dise la substance universelle du parti crée au lendemain de la recolonisation de l’Algérie par les armées des frontières. Et le pouvoir s’en est accommodé pour le dépouiller de sa verve risquant de « contaminer » dans les quatre coins du pays.
Hocine Aït Ahmed n’a jamais été dupe de cette situation qui le pénalise plus que tout autre considération de politique intrinsèque. Il a toujours su qu’il lui faille des alliances ou des relations de symbiose pour sortir du piège. Ses ennemis l’on de tout temps compris aussi. Mais opter alors pour quelle approche dans un pays à la pensée politique exsangue où les débats se résument à accepter ou non la situation référendaire par rapport au modèle religieux ?
En tout cas la récupération de la rue par la mouvance islamiste au lendemain des évènements du Cinq octobre a réussi au FFS qui se fut installé en position de dauphin réduisant le Fln du parti unique à la caducité d’un désarroi tant souhaité par l’ensemble des citoyens. Ce schéma a tendance à vouloir se répéter aujourd’hui à l’image des dernières consultations chez nos voisins du Maghreb. Et c’est en bon élève d’Histoire que Hocine Aït Ahmed insinue à ses élites de retenir la leçon, en attendant les jours meilleurs.
Nadir Bacha