Question complexe, autour de laquelle les spécialistes et experts des questions économiques et financières sont partagés.
Les institutions financières nationales et notamment la Banque d’Algérie, de même que les décideurs politiques, marquent leur réticence et sont fortement opposés à cette option. Pourtant, Abdelatif Benachenhou, ancien ministre des Finances et proche du président de la République, était un fervent défenseur de l’option de création de fonds souverains. Car, estimait-il que “20% de nos réserves de change suffisaient pour lancer un fonds d’investissement souverain”. Mais il faut recontectualiser sa pensée. Nous n’étions pas dans une situation de chute des cours des hydrocarbures. En revanche, son successeur et actuel conseiller à la Présidence, en l’occurrence Abdelkrim Djoudi, pense qu’“une telle option est une décision économique et une question de prise de risque, et qu’il serait plus judicieux de consacrer ce pactole au financement des grands projets”. Quant au gouverneur de la Banque d’Algérie, M. Mohamed Laksaci, il avait estimé que le placement des réserves de change en bons du Trésor américain constituait un placement sûr et sans risque. Au demeurant, dans sa démarche de gestion prudente des réserves de change, selon le professeur Mebtoul “la Banque centrale utilise deux manières prudentes pour placer les réserves de change de l’Algérie. En précisant que la Banque d’Algérie peut à tout moment récupérer ces fonds. Elle place 70% de cet argent en titre souverain, c’est-à-dire en bons de Trésor américain, japonais, britanniques et européens qui sont pour la plupart cotés AAA (placements très sûrs) avec des durées qui sont plus ou moins longues. Le second placement s’effectue via les dépôts de la Banque centrale sur le marché bancaire et interbancaire. L’argent est déposé par la Banque centrale auprès de banques internationales qui disposent de références très élevées. Ce matelas de devises serait composé à 45% en dollars américains, à 45% en euros, à 10% en yens et 10% en livres sterling”. In fine, à travers les déclarations des différents responsables institutionnels, appuyées ou confortées par certains experts, il apparaît clairement que les autorités algériennes ont opté pour une gestion prudente des réserves de change en minimisant les risques. Et face à une éventuelle dépréciation de la valeur du dollar, les dépôts effectués par la Banque d’Algérie ont été diversifiés à travers plusieurs devises fortes. Même s’il faut reprocher aux autorités monétaires nationales une prudence excessive dans la gestion de nos réserves de change, force est de constater que l’évolution de l’économie mondiale, dont la crise structurelle s’inscrit dans la durabilité, conjuguée à la chute des cours du pétrole, leur donne raison. Au demeurant, beaucoup de pays émergents, tirant profit de la crise financière internationale dès 2008, qui ont investi, via la création de fonds souverains dans la sphère boursière internationale ainsi que l’acquisition d’actifs des entreprises en difficulté, ont subi de plein fouet un retournement de situation leur causant d’importantes pertes… Les conditions économiques et financières d’aujourd’hui incitent, certes, à la prudence mais non au statu quo. Il faut également tenir compte du fait que la création, la gestion et le développement et la rentabilité des fonds souverains, requièrent deux critères essentiels. En premier lieu, une ressource humaine qualifiée et de haut niveau, et en second lieu, une modernisation de notre système financier et bancaire par une généralisation des technologies de l’information et de la communication, ce qui est très loin d’être le cas aujourd’hui. Notre système bancaire est totalement déconnecté du système financier international. Par ailleurs, notre mode de gouvernance, caractérisé par une opacité que tout le monde décrie, aggravé par une corruption endémique de la gestion des deniers publics, ainsi que la paralysie des institutions de contrôle, ne plaide pas en faveur d’une prise de risques qui peut se transformer en une fuite de capitaux avec une couverture légale. Alors, pour le moment, préservons notre capacité de trois années d’importations en attendant la fin de la tornade, même si la Banque d’Algérie a ouvert la fenêtre pour l’investissement des entreprises à l’étranger sous certaines conditions..