Depuis quelques jours, une rumeur virale affole les réseaux sociaux : la pilule contraceptive serait considérée par l’OMS comme aussi cancérogène que le tabac ou l’amiante. Une affirmation anxiogène, relayée massivement sur TikTok et X, qui inquiète des milliers de femmes. Qu’en est-il vraiment ? Nous avons mené l’enquête.
Une classification datant de 2005, et largement sortie de son contexte ? Contrairement à ce que laissent entendre certaines publications virales, il ne s’agit pas d’une décision récente. En réalité, c’est en 2005 que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l’OMS, a classé les pilules contraceptives combinées celles qui associent un œstrogène et un progestatif dans la catégorie des cancérogènes de groupe 1. Cette classification signifie qu’« il existe des preuves suffisantes chez l’humain que la substance cause le cancer ». Mais cela ne signifie pas que tous les agents du groupe 1 sont également dangereux.
« Il faut rappeler que cette classification repose uniquement sur l’existence d’un lien établi, pas sur l’intensité du risque. Le tabac est 100 fois plus dangereux que la pilule sur le plan cancérologique », explique le Dr Michaël Grynberg, chef de service gynécologie-obstétrique à l’hôpital Antoine-Béclère (AP-HP).
La principale préoccupation des internautes concerne le cancer du sein. En effet, plusieurs études, dont une publiée en 2023 dans PLOS Medicine, ont confirmé une augmentation relative du risque de 20 à 30 % chez les femmes utilisatrices de contraceptifs hormonaux, combinés ou non. Mais là encore, le chiffre peut tromper.
« En chiffres absolus, cela revient à passer d’un risque de 11 % à 14 % », nuance la Pr Gillian Reeves, co-autrice de l’étude britannique.
Autre point important : le risque diminue rapidement après l’arrêt de la pilule. L’Inserm confirme qu’il s’agit d’une augmentation modérée et temporaire. En outre, ce risque concerne surtout les femmes de plus de 40 ans, chez qui la pilule combinée est peu ou plus du tout prescrite.
« Pas de panique », réagit le Dr Odile Bagot
Contactée par nos soins, la Dr Odile Bagot, gynécologue et auteure du blog Mam Gynéco, tient à rassurer :
« La balance bénéfices/risques reste largement favorable, surtout chez les femmes jeunes. Le sur-risque de cancer du sein est modeste et transitoire. Il ne doit pas être surestimé ou utilisé pour diaboliser la contraception hormonale. »
Elle souligne aussi que les femmes ayant des antécédents personnels ou familiaux de cancer ne se voient jamais prescrire ce type de contraception sans évaluation préalable. Les réseaux sociaux oublient souvent de mentionner un autre aspect bien documenté : la pilule protège contre plusieurs autres types de cancers.
Selon le CNGOF (Collège national des gynécologues et obstétriciens français) et l’Inserm, les contraceptifs oraux réduisent jusqu’à 50 % les risques de cancer de l’endomètre et de l’ovaire, ainsi que ceux du côlon et du rectum.
« Le bénéfice protécteur sur ces cancers dure jusqu’à 30 ans après l’arrêt de la contraception », précise le Pr Samir Hamamah, biologiste de la reproduction au CHU de Montpellier.
Les dangers de la pilule : un débat régulièrement instrumentalisé
Cette rumeur n’est pas la première. Déjà en 2019, plusieurs influenceuses avaient partagé des contenus similaires sur YouTube ou Instagram. Le problème n’est pas de poser la question des effets secondaires de la pilule — qui existent et sont connus — mais de déformer les faits scientifiques et de nourrir une méfiance générale vis-à-vis de la médecine basée sur les preuves.
« Il ne faut ni diaboliser ni banaliser. La contraception hormonale n’est pas anodine, mais c’est un choix médical à faire au cas par cas, avec un professionnel », conclut le Dr Grynberg.
La pilule contraceptive est bien classée comme cancérogène de groupe 1 par le CIRC depuis 2005. Mais cette catégorie désigne des agents pour lesquels un lien avec le cancer a été établi, sans hiérarchie de dangerosité. Le risque lié à la pilule reste modéré, temporaire, et compensé par des effets protecteurs contre d’autres cancers. Il ne s’agit donc ni d’une « bombe médicale » ni d’une « théorie du complot ». Juste d’une réalité médicale plus complexe que les réseaux sociaux ne le laissent penser.
Quels sont les dangers de la pilule contraceptive ?
La pilule contraceptive fait régulièrement l’objet de controverses. Si elle reste une méthode de contraception largement prescrite, de nombreuses interrogations persistent sur ses effets secondaires et ses risques à long terme. Alors, quels sont les dangers réels de la pilule ?
La plupart des femmes sous pilule rapportent, surtout en début de traitement, des effets secondaires tels que :
- des nausées,
- des sautes d’humeur,
- une prise de poids modérée,
- une baisse de la libido,
- des douleurs mammaires.
Selon le Vidal, ces effets sont fréquents mais transitoires pour la majorité des utilisatrices.
La pilule contraceptive : des risques plus rares mais bien réels
Plus rares mais plus graves, certains dangers justifient une surveillance médicale stricte :
Tout d’abord, il y a un risque de thromboembolique (phlébite, embolie pulmonaire). En effet, les pilules combinées (oestroprogestatives) augmentent le risque de formation de caillots sanguins. Ce risque est multiplié par 2 à 4 par rapport aux femmes ne prenant pas de contraceptif hormonal, selon une méta-analyse publiée dans le BMJ.
« Le risque reste très faible chez les jeunes femmes non fumeuses et sans antécédents, mais il existe bel et bien. D’où l’importance d’un bilan avant prescription », rappelle le Dr Martin Winckler, médecin généraliste et auteur de plusieurs ouvrages sur la contraception.
Ensuite, la prise de pilule présente aussi des risques de cancer : l’utilisation de la pilule combinée est associée à une légère augmentation du risque de cancer du sein (20-30 %), selon une étude parue dans PLOS Medicine (2023). Ce sur-risque disparaît progressivement après l’arrêt de la contraception. Il peut aussi y avoir des risques de cancers de l’ovaire, de l’endomètre et du côlon. En revanche, la pilule « protège » contre certains cancers :
- -30 à -50 % pour l’ovaire et l’endomètre
- -20 % pour le cancer colorectal (selon Inserm, CNGOF)
Enfin, celle-ci peut aussi avoir des risques cardiovasculaires : chez les femmes de plus de 35 ans, fumeuses ou hypertendues, la pilule peut augmenter le risque d’AVC et d’infarctus. Ce risque est également majoré chez les femmes migraineuses avec aura.
Certaines femmes rapportent des symptômes anxiodépressifs ou une baisse marquée de la qualité de vie sous pilule. Une étude danoise parue dans JAMA Psychiatry (2016) avait montré un lien statistique entre contraception hormonale et prescriptions d’antidépresseurs, notamment chez les adolescentes. Mais le lien de cause à effet reste controversé.
« Certaines patientes se sentent mieux sans pilule, d’autres la tolèrent très bien psychologiquement. Il n’y a pas de règle absolue », souligne la Dr Odile Bagot, gynécologue.
Moins connues, les pilules à base de progestatif seul (type Cerazette) présentent un profil de risque plus favorable : Aucun risque thromboembolique avéré et pas d’effet connu sur le risque de cancer du sein. Elles sont privilégiées chez les femmes allaitantes, ou ayant des contre-indications aux estrogènes.
La pilule contraceptive reste un outil efficace et sûr pour la majorité des femmes. Mais elle n’est pas anodine. Ses effets secondaires doivent être clairement exposés, et sa prescription évaluée au cas par cas, en fonction des antécédents, du style de vie, et des besoins de chaque femme.
« Le vrai danger, c’est le manque d’information », conclut le Pr Michaël Grynberg. « Une femme bien informée est capable de faire un choix libre et éclairé. »