Les chauffeurs de taxis, les citoyens et les voitures appartenant au gouvernement, tous avec l’emblème national Le Soudan s’est algérianisé. Avant de venir au Soudan, des échos récoltés ça et là dans la presse égyptienne nous informaient que les habitants de Khartoum, pour ne pas dire tout le Soudan, avaient choisi le camp égyptien aux dépens des Verts, pour la rencontre de ce soir qualificative pour le Mondial 2010. Mais quelques pas seulement dans l’autre pays traversé par le grand fleuve du Nil nous ont prouvés tout à fait le contraire.
En effet, grande fut notre surprise quand on a foulé hier à l’aube la terre de ce pays frère, les Soudanais, comme un seul homme, paraissaient avoir choisi leur camp, c’était celui d’en face, c’est-à-dire, l’Algérie, non pas comme ont voulu nous le faire croire les Pharaons. Des centaines de drapeaux floqués du croissant et de l’étoile ont décoré la capitale soudanaise, les taxis, les bus, mais aussi les mobylettes très fréquentes dans ce bled ont prouvé qu’ils sont là prêts à venir soutenir l’Algérie le jour du match.
Ils ont envahi l’ambassade pour demander des drapeaux
Pour prouver ce que les Egyptiens ont tenté de faire croire au monde était contradictoire avec la réalité, des milliers de soudanais ont envahi la veille Arriadh, le quartier de Khartoum, qui abrite le siège de l’ambassade d’Algérie au Soudan, pour demander des drapeaux aux responsables. Leur vœu a vite été rendu possible quand des fonctionnaires de l’ambassade ont procédé lundi soir à distribuer des drapeaux algériens, il y en avait beaucoup mais pas assez, nous ont dit des Soudanais, férus de la balle ronde algérienne.
Ils nous supplieront d’ailleurs pour leur procurer un peu plus de drapeaux, même un policier nous suppliera de lui accorder cette faveur, lui qui apparemment avait déjà rejoint le camp anti-égyptien depuis qu’il a eu vent des agressions dont a été victime la délégation algérienne au Caire.
Tous à Arriadh Depuis les premières heures de la matinée du mardi, les Soudanais ont commencé à affluer sur Arriadh. Ils entretenaient l’espoir d’avoir plus de drapeaux, dans le cas inverse, ils attendaient qu’on leur délivre, tout comme nos compatriotes, des billets pour voir le match. Mais finalement, ils se sont reconvertis en guides pour les supporters algériens qui arrivaient par groupe sur place.
L’un veut échanger l’euro en livres, l’autre veut trouver de quoi remplir ce creux dans le ventre, car au Soudan, et contrairement à l’Egypte, la Tunisie ou le Maroc, rares sont les restos qui offrent ce qu’un Algérien veut se mettre sous la dent. Nos frères soudanais l’ont compris et se sont mis à aider, rien qu’aider sans rien attendre au retour. Certains algériens seront même surpris de cela, le tout dans une ambiance fraternelle sans antécédent.
Abdelmoneim, un chauffeur de taxi qui aime l’Algérie à la folie
Les activités de la sélection et les préparatifs des supporters pour le match de ce soir étaient tellement fréquents qu’on a décidé de les couvrir dans leur intégralité pour vous servir. Pour s’y faire, il nous fallait prendre à chaque fois un taxi pour vous rapporter les détails du séjour des fans et du team algérien à Khartoum. En même temps, on a été à chaque fois accueillis par des Soudanais qui rêvent autant que nous d’une qualif’ algérienne au Mondial.
Abdelmonaem, un quinquagénaire, chauffeur de taxi de son état, nous a rendu d’énormes services. Il a décidé de faire des remises considérables, rien que parce qu’on est Algériens, lui qui a été scandalisé par ce qu’il a vu à la télé, du traquenard orchestré au Caire contre notre sélection. «L’Egypte ne mérite pas notre soutien, un vrai Soudanais ne peut en aucun cas être derrière l’Egypte, ce sont des lâches. J’ai vu les images de ce qu’ils ont fait à votre EN, et il y a aucun doute, je serai pour l’Algérie qui ira au Mondial», nous dira-t-il. Il sera plus scandalisé quand il apprendra que des morts ont été enregistrés après la fin de cette simple partie de football.
Un Soudanais s’en prend à un fan égyptien
On se dirigeait avec Abdelmonaim vers la Fédération locale de foot pour assister à la traditionnelle réunion technique entre les deux camps, quand tout à coup, un véhicule immatriculé au Soudan apparaît avec un mini-drapeau égyptien dessus. Abdelmonaim, alors, ne s’est pas empêché de cacher sa colère. D’après lui, ce fan ne représente que lui-même. C’est un traître qu’il faut punir, d’autant qu’à ce moment-là de la journée, il était quasiment le seul à le faire.
Il roule avec sa camionnette dans le même sens que nous, c’est là qu’on aperçoit un jeune Soudanais en train de jubiler avec deux drapeaux algériens à la main. Il paraissait tellement content qu’on l’aurait facilement pris pour un Algérien, n’était sa couleur de peau. Il a subitement arrêté de courir pour montrer sa joie quand il a aperçu ce drapeau que tout le monde à décidé de détester. Il s’énerve et montre d’un geste du pouce (il le dirige vers le bas) que l’Egypte perdra la rencontre, sans plus, car, faut-il le signaler une énième fois, le peuple soudanais est connu pour sa sportivité, mais surtout pour son éducation.
Les rues de Khartoum sont sécurisées et il est presque impossible d’y entendre parler de crimes ou même de vols. Et le comportement de ce jeune supporter de l’Algérie, pas comme les autres, résume parfaitement la réaction de la rue soudanaise vis-à-vis du match de ce soir.
Les véhicules du gouvernement soudanais atteints par «la fièvre»
L’autre fait marquant durant notre premier jour à Khartoum, ce sont les véhicules du gouvernement soudanais qui, eux aussi, ont opté pour les Verts, en témoigne la présence du drapeau national sur la tôle des voitures. La communication qui a eu lieu entre le président de la République algérienne, Abdelaziz Bouteflika, et son homologue soudanais, Omar Al-Bachir, y est sans doute pour quelque chose.
D’autant que même la population locale en est consciente. Elle sait que les deux pays entretiennent de fortes relations et que cette union entre les deux peuples à l’occasion du déroulement de ce match de football important bâtira un pont d’amitié entre ces deux pays frères et musulmans.
S. M. A.