C’est probablement l’un des projets de texte de loi les plus attendus autant par les professionnels des médias, les partis politiques que par les acteurs de la société civile : le projet de loi sur l’audiovisuel qui doit réguler la création et le fonctionnement des médias audiovisuels privés.
Ce projet de loi, attendu depuis bientôt une année, soit depuis l’adoption de la loi sur l’information, sera débattue mardi prochain à l’assemblée populaire nationale. Mais d’ores et déjà, au regard de certaines dispositions, ce projet risque de faire office de véritable douche écossaise sur nombre de chaines déjà opérationnelles et celles à venir.
En effet, en plus du fait que les candidats éligibles à la création de médias audiovisuels, doivent être de nationalité algérienne, mais aussi justifier d’un capital social «exclusivement national », le texte de loi n’autorise pas la création de chaines généralistes, comme cela se fait sous d’autres latitudes.
La mouture du gouvernement stipule clairement que «les prestations de l’audiovisuel autorisées sont représentées par des chaînes thématiques ». «Il autorise ces chaînes à intégrer des émissions et programmes d’information en fonction d’un volume horaire clairement défini dans l’autorisation d’exploitation », selon l’une des dispositions. Une autre disposition insiste sur la «nécessité de s’assurer du respect des quotas de programmes fixés en veillant à ce que 60% des programmes diffusés soient des programmes nationaux produits en Algérie dont plus de 20% consacrés annuellement à la diffusion d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques». Vu sous cet angle, nombre de chaînes, actuellement opérationnelles, risquent de fermer alors que les porteurs de projets de création de média audiovisuels risquent d’en être dissuadés.
En balisant ainsi le terrain, les pouvoirs publics qui ont concédé à cette ouverture dans la foulée du « printemps arabe » confirment leur volonté de ne pas céder facilement cet instrument redoutable, faiseur d’opinion, et décisif dans les rendez-vous électoraux, qu’est le « média lourd », entre les mains d’imprévisibles adversaires. Ils sont probablement encore échaudés par l’expérience de Khalifa-TV.
A quelques mois de l’élection présidentielle, les autorités ne sont visiblement pas disposées à aller à une ouverture susceptible de changer les rapports de force au pouvoir. Signe de cette frilosité, la pression exercée par le ministère de tutelle sur la commission de l’information et de la Culture pour la contraindre à retirer un amendement autorisant la création de chaines généralistes et la prérogative accordée au président de la république pour désigner la moitié des membres de l’instance de régulation.
Mais si en interne, l’enjeu de pouvoir pourrait justifier pour un temps cette attitude, en externe, et à terme, le problème demeure entier car l’Algérie, arrosée quotidiennement par des chaines dont les intentions de déstabilisation sont avérées, est appelée à disposer d’un champ audiovisuel fort, réellement libre, régulé par les professionnels des médias, où seule la compétence doit primer.
Sofiane Tiksilt