« Il est urgent de revoir la prise en charge de ces femmes démunies », selon une étude sur les droits sociaux des femmes, réalisée par Me Nadia Aït-Zai, chargée de cours à la Faculté de droit d’Alger. Selon les chiffres du ministère de la Justice, le nombre de divorces est passé de 35.000 en 2007 à 56.000 en 2011.
La création d’un fonds destiné aux femmes divorcées ayant la garde des enfants, sur instruction du président de la République, sera d’un grand apport à cette catégorie de femmes qui souffrent en silence. Malgré les amendements apportés au code de la famille, la femme divorcée se retrouve, souvent, dans une situation précaire. Et pour cause, il lui est difficile de recouvrer la pension alimentaire, alors que celle-ci s’avère insuffisante pour faire vivre ses enfants. En outre, le faible montant octroyé pour le loyer ne permet pas la location d’un logement décent.
Et pour ne rien arranger, les centres d’accueil sont peu nombreux pour accueillir ces femmes. « Il est urgent de revoir la prise en charge de ces femmes démunies », conclut une étude sur les droits sociaux des femmes, réalisée par Me Nadia Aït-Zai, chargée de cours à la Faculté de droit d’Alger. Selon les chiffres du ministère de la Justice, le nombre de divorces est passé de 35.000 en 2007 à 56.000 en 2011. L’étude affirme que les causes du divorce sont multiples.
Il s’agit généralement de mésentente entre les époux, mais également avec les beaux-parents pour la femme, d’alcoolisme, de violence à l’égard de l’épouse et de défaut d’entretien. Outre les cas de divorce déjà prévus par l’article 53 du code, de nouveaux ont été introduits selon cette étude : il s’agit de tout désaccord persistant entre les époux et de la violation des clauses portées dans le contrat de mariage, notamment celles portant sur le droit au travail et à la polygamie. Il faut souligner, dans ce sens, qu’il n’est pas possible de faire appel de la décision de divorce.
L’étude revient sur les dix cas dans lesquels la demande de divorce est accordée à l’épouse, fixés par l’article 53 du code de la famille. Cette forme de divorce est appelée en arabe « tatlik ». Selon la même enquête, il est difficile aux femmes d’atteindre leur but car il faut qu’elles apportent la preuve du cas invoqué. Elles n’ont été que 8% à avoir obtenu le divorce dans l’un des cas prévus par l’article 53. En effet, en cinq ans, elles sont seulement 16.991 femmes à avoir obtenu le divorce.
Le « khôl’a » connaît une forte progression
D’autre part, le divorce par volonté unilatérale est le plus répandu. Selon l’enquête basée sur les chiffres fournis par la justice, la répudiation enregistre une hausse inquiétante, passant de près de 18.000 cas en 2007 à 26.000 cas en 2011, suivie du divorce à l’amiable avec 17.000 cas en une année. « Cette forme connaît également une nette progression », souligne l’étude. Le khôl’a, divorce moyennant compensation financière, vient en troisième position avec 7.559 cas en 2011. Les jugements rendus en matière de divorce par répudiation à la demande de l’épouse ou par le biais du « khôl’a » ne sont pas susceptibles d’appel. Ils ne le sont que dans deux cas. Dans leur aspect matériel ou en matière de droit de garde.
Pension alimentaire
Le montant moyen accordé par les juges est de 5.000 DA par enfant. Si certaines femmes perçoivent facilement la pension allouée, d’autres ont du mal à la recouvrer. Beaucoup de pères en situation d’insolvabilité ont été condamnés pour non-versement de la pension alimentaire. Celle-ci devient une dette civile à réclamer devant les juridictions civiles. S’ensuivra alors une longue procédure judiciaire difficile pour les mères sans ressources.
Impossible de louer un logement à 10.000 DA ?
Certes les amendements apportés au code de la famille obligent l’époux à assurer à la bénéficiaire du droit de garde, un logement décent ou à défaut un loyer. Le montant minimum accordé par les juges varie entre 3.000 et 12.000 DA. L’intéressé doit verser 10.000 DA par mois à la mère à partir de la prononciation du jugement. Mais il est pratiquement impossible de trouver une location à ce prix. Qu’advienne-t-il des femmes qui ne travaillent pas si un logement décent ne leur est pas assuré sachant que la somme allouée n’est pas suffisante ?
« C’est soit la rue qui les attend, soit un centre qui les accueillera, selon la disponibilité des places. Repartir chez les parents reste une solution contraignante en raison de l’exiguïté du logement, enfants mariés vivant avec eux et des bouches en plus à nourrir », déplore l’enquête qui a constaté le non-respect de la procédure qui donne à la femme ayant la garde des enfants le droit d’occuper le domicile conjugal jusqu’à l’exécution par le père de la décision judiciaire relative au logement. La mère et les enfants quittent le domicile conjugal avant que la procédure de divorce ne soit entamée. Conséquence : l’absence d’un logement et le chômage ne favorisent pas l’épanouissement des enfants.
La tutelle « sur demande »
La tutelle n’est pas attribuée de plein droit à la mère. Elle doit en faire la demande en même temps que la garde. Si la demande de tutelle des enfants n’a pas été formulée lors de la procédure de divorce, il est possible de revenir une seconde fois devant le tribunal, section des affaires familiales, pour la demander. La pension d’abandon n’est due à la femme qu’à compter de l’introduction de l’instance, et ce, jusqu’au prononcé du jugement.
Elle représentera le temps de la séparation des époux en attente de la prononciation du divorce. Même si la demande de divorce est introduite après trente ans de vie conjugale, le montant de la pension alimentaire se calculera uniquement sur la base d’une année de vie, c’est-à-dire celle qui précède la séparation du couple sur présentation de preuves. La pension alimentaire est évaluée entre 3.500 et 5. 000 DA par mois, alors que la « idda » (période durant laquelle la femme divorcée n’a pas le droit de se remarier) est évaluée entre 30.000 et 60.000 DA, selon les tribunaux et cours d’appel.
Neïla B.