L’offensive contre l’organisation terroriste autoproclamée Etat islamique (EI/Daech) en Syrie s’amplifie depuis que des attentats terroristes sanglants ont endeuillé la France, qui coordonne avec la Russie des frappes contre ce groupe radical qui s’est implanté dans de nombreuses zones de conflits.
Plusieurs lignes de front sont persibles avec plus de frappes, plus de cibles et une coalition ouverte aux Russes: l’offensive contre le groupe EI s’accélère depuis les attentats de Paris mais elle ne conduira nulle part sans une solution politique en Syrie, mettent toutefois en garde des experts.
Dans un tournant spectaculaire, la France, hier très méfiante devant l’intervention russe en Syrie, intervenue à la demande de Damas, a proposé à Moscou de s’associer à une grande coalition contre l’EI, quatre jours à peine après le séisme des attentats de Paris qui a fait 129 morts et plus de 300 blessés.
Le Kremlin a aussitôt annoncé une « coordination plus étroite » des militaires et services de renseignement des deux pays.
La Russie, qui jusque-là a frappé les groupes terroristes en Syrie, en appui aux forces syriennes, a déployé les grands moyens mardi contre l’EI, ciblant son fief de Raqa (nord-est de la Syrie) avec « des bombardiers stratégiques et des missiles de croisière ».
« D’une certaine façon Poutine a réussi à réintégrer le concert des nations après en avoir été banni » pour cause d’annexion de la Crimée, souligne Michel Goya, historien militaire et professeur à l’Institut d’Etudes Politiques (IEP) de Paris.
Parallèlement, l’aviation française, engagée depuis septembre en Syrie, a intensifié ses opérations contre l’EI avec « trois raids massifs de Rafale et Mirage sur Raqa en 48 heures ».
L’objectif est « de frapper plus intelligemment tous ensemble sur Daech (acronyme de l’EI en arabe), de faire mal à Daech avec des cibles plus méchantes », relève-t-on de source diplomatique française.
Les avions de la coalition ont commencé à frapper des camions-citernes et sites d’approvisionnement en pétrole, qui fournissent de précieux revenus à l’organisation terroriste, et pourraient cibler des axes routiers majeurs pour l’EI dans l’est de la Syrie, indique-t-on de source gouvernementale française.
« On peut pousser le curseur un peu plus loin sur les cibles », relève un responsable militaire français cité mercredi par l’AFP, tout en mettant en garde contre le risque de dégâts collatéraux. « Un innocent tué, cela crée dix combattants », souligne-t-il.
Mais les moyens de la coalition ne sont d’abord « pas si importants que cela » et la contribution de la France « est une goutte d’eau », avec 7 raids en Syrie depuis deux mois, rappelle Michel Goya. Les Américains ont frappé 2.500 fois en un an en Syrie, souligne-t-il.
Moscou enjoint l’Occident de s’aligner contre Daech
Dans un discours devant le sommet de l’organisation de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (Apec) mercredi à Manille, le chef du gouvernement russe, Dmitri Medvedev, a assuré que son pays était capable de venir à bout du terrorisme seul mais a jugé préférable que Moscou et les pays occidentaux mettent de côté leurs divergences pour lutter de concert contre l’EI.
Il a jugé également « étrange » que des pays occidentaux continuent à boycotter la Russie après les attaques de vendredi en France, ayant fait 129 morts, et le crash le 31 octobre d’un avion de ligne russe au-dessus du Sinaï, plus de 220 morts, qui s’est avéré par la suite être du à un attentat à la bombe, avait été revendiqué par l’EI.
Dans un discours lundi devant le parlement, le président français François Hollande a souhaité « unir » l’action des forces françaises, russes et américaines contre le groupe terroriste.
Le maitre du Kremlin a déjà ordonné à ses navires de « coopéréer avec les alliés » français, dont le porte-avions Charles-de-Guaulle qui appareille jeudi pour la Méditérranée orientale, au plus proche du théâtre syrien.
La France a en outre demandé l’assistance de l’Union européenne, invoquant un article des traités européens-jamais utilisé dans l’histoire de l’UE-, qui prévoit une clause de solidarité en cas d’agression contre un pays de l’Union.
Les Etats membres ont exprimé un soutien unanime à cette demande, qui permettra d’établir rapidement et précisément l’aide que chaque pays est prêt à apporter concrètement.
L’EI liée aux destabilisations en Irak et en Syrie
L’EI est une organisation terroriste, d’obédience salafiste djihadiste, qui a proclamé le 29 juin 2014 l’instauration d’un califat sur les territoires qu’elle contrôle. Son essor est notamment lié aux déstabilisations géopolitiques causées par les guerres en Irak puis en Syrie.
Sa création remonte à 2006 en Irak. En 2012, l’EI commence à s’étendre en Syrie et le 9 avril 2013, il se proclame Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). Le 29 juin 2014, l’EIIL annonce le « rétablissement du califat sous le nom Etat islamique » dans les territoires sous son contrôle. Il entre alors en conflit avec Al-Qaïda et son influence avec l’allégeance de plusieurs groupes terroristes comme Boko Haram au (Nigeria), Ansar Bait al-Maqdis (Sinaï égyptien), le Majilis Choura Chabab al-Islam (Libye) et Ansar Dawlat al-islammiyya (Yémen).
L’EI est classé comme organisation terroriste par de nombreux Etats et est accusé par les Nations unies, la Ligue arabe, les Etats-Unis et l’Union européenne d’être responsable de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de nettoyage ethnique et de génocide. Il pratique également la destruction systématique des vestiges du passé multi-millénaire dans le périmètre fluctuant des régions qu’il contrôle par les armes.
Depuis août 2014, une coalition internationale de vingt-deux pays intervient militairement contre cette organisation, qui mène également des opérations meurtrières à l’extérieur des territoires sous son contrôle.