La location immobilière fait l’objet de dépassements flagrants. Face au déficit de l’offre, ce marché est dominé par la sous-déclaration fiscale, les abus, les fraudes et les arnaques. Ainsi, des propriétaires louent des biens immobiliers ne répondant nullement aux normes de salubrité et de confort exigées, pourtant, par la loi.
Les prix sont fixés arbitrairement sans barèmes et la facture des travaux est adossée au loyer. Résultats des courses : les candidats à la location sont à la merci du marché informel et des «courtiers».
Pour effectuer cette enquête, nous avons dû nous adresser incognito à tous les acteurs intervenant sur ce marché en répondant à des annonces publiées sur différents supports (journaux et sites spécialisés) et le bouche à oreille. L’annonce figure sur le site Oued Kniss : loue un F1 au 1er étage pour 20.000 DA à Hussein Dey.
Jusque-là rien d’anormal, hormis le prix. Mais cette annonce se trouve également en possession d’un courtier informel. Contacté ce dernier nous a même accompagnés en promettant de négocier le loyer mensuel. Rendez-vous est pris à la sortie de la gare ferroviaire. «Le courtier» annonce que le bien à louer se situe non loin de là. En fait il est à 45 minutes de marche.
Une fois sur place, un homme échange des mots avec le guide puis nous demande de patienter le temps qu’on lui ramène les clés. Entre-temps, une autre personne sort d’une boutique faisant face à l’immeuble où se trouve le studio à louer. Prétendant au départ être le propriétaire du studio, il s’avère qu’il ne possédait même pas les clés pour la visite.
Il fallait attendre qu’une tierce personne les lui ramène discrètement. Il annonce un loyer de 23.000 DA avant de quitter les lieux. Dix minutes plus tard, il revient. Une fois dans le F1, le prix de la location grimpe à 27.000 DA non négociables avec paiement d’une année à l’avance.
L’appartement est composé d’une seule pièce de moins de 20 m², une salle de bain et WC dans un même espace, équipée d’une baignoire et d’un petit lavabo avec juste assez de place pour une seule personne.
Une petite cuisine paraissait improvisée dans ce qui devait être à l’origine un placard. Les deux espaces étant séparées par un semblant de placard pour y ranger vaisselle, literie, linge et chaussures. Le peu d’espace restant devait servir de chambre et salle de séjour à la fois.
Le F1 est dans un état inhabitable, sale et insalubre avec des traces visibles d’humidité tout le long des murs. Le premier accompagnateur promet de rediscuter avec le propriétaire pour faire baisser le prix du loyer. Sans résultat. A Ghermoul, à Alger-Centre, un autre F1 est annoncé à 20.000 DA. Il est composé d’une pièce d’à peine 20 m² équipée d’une grande armoire occupant toute un mur.
L’espace restant pouvait recevoir juste un lit d’une place et une table. Une minuscule cuisine et des sanitaires cumulaient à la fois WC et receveur douche. En travaux de peinture en cours, le studio passe aussitôt à 23.000 DA. L’agent immobilier justifie la hausse par le budget alloué par la propriétaire aux travaux.
Le loyer n’était pas négociable mais elle tentera un effort auprès de la propriétaire en promettant de nous rappeler, sans toutefois dire le nom de son agence. Nous devions nous contenter de son numéro de téléphone pour seules coordonnées. Elle rappellera pour dire qu’une caution de 10 000 DA devait être payée en supplément comme garantie du paiement des charges.
Ce flou dans les prix et les modalités de location, qu’il soit dans les annonces «officielles» ou à travers des courtiers de fortune, est semble-t-il général. Ainsi l’agent immobilier agréé chargé de louer un local commercial à Bachdjerrah, aménagé en studio de 35 m² avait très peu d’informations sur le bien en question. Le propriétaire n’a pas estimé en donner plus de détails.
Une fois sur place, l’agent immobilier était surpris de découvrir l’état du bien, hormis les 25.000 DA exigés pour la location. Finalement, c’est le «courtier» qui était à l’origine de cette visite qui annonce la couleur : «Il faudra avancer l’argent pour finir les travaux engagés». Surpris par cette intrusion, l’agent immobilier quitte les lieux. Même topo dans ce F1 situé au quartier dit «S’hani» proche de la cité des fonctionnaires dans le haut Télémly.
Ici aussi le studio de 10 m2 loué à 20.000 DA est un véritable chantier, ce que l’annonce trouvée dans un hebdomadaire spécialisé dans l’immobilier ne précise pas. Elle ne précise pas non plus qu’il n’y a pas de cuisine. Le propriétaire constatant que son bien suscitait beaucoup d’interrogations, baisse le loyer à 19.000 DA en plus des 2.000 DA destinés à payer la facture d’électricité puisque studio est dépourvu de gaz de ville.
Fella Midjek