Les prix de la location des logements et des locaux commerciaux ont atteint le zénith ces dernières années. Beaucoup de facteurs ont favorisé cette tendance haussière dont la forte demande, le diktat des intermédiaires, l’investissement de beaucoup de riches dans la pierre… Ces prix sont toutefois fluctuants, ils varient d’un endroit à l’autre selon que le bien immobilier soit bien entretenu, se trouve dans un quartier huppé ou encore à proximité des principaux axes routiers.
Le hic dans cette anarchie qui caractérise le marché de l’immobilier, c’est que les locataires doivent payer, outre la caution, une année ou deux années à l’avance la totalité des numéraires de la location. Une procédure qui ne répond pas à la réglementation.
Fuir les problèmes de promiscuité, vivre en « paix » avec femme et enfants pousse un grand nombre de pères de famille ou de simples personnes à louer chez des particuliers. Mais ce moyen, temporaire, qui semble salutaire de prime abord n’est pas dénué de vicissitudes et de tracas, loin s’en faut. Les aléas sont vécus comme une deuxième nature en attendant un hypothétique toit (à soi) définitivement. Entre-temps, il faut ravaler sa colère notamment quand les enfants en âge d’être scolarisés doivent finir dans de bonnes conditions leur cursus scolaire et bénéficier d’une des formules du ministère de l’Habitat, à savoir le type LSL (logement social locatif), LSP (logement social participatif), l’AADL (Agence nationale de l’amélioration et du développement du Logement) ou la nouvelle formule LPP (logement public promotionnel). Saâdia, mariée depuis dix-neuf ans, en sait quelque chose.
Depuis son mariage, ses baluchons ne sont jamais défaits. Et pour cause, à chaque fois qu’elle trouve un appartement à louer, répondant à ses besoins, que ce soit sur Internet ou par le biais des petites annonces dans les journaux, elle croit naïvement que c’est la fin de son cauchemar. Sur le terrain, c’est une autre paire de manches. La surface indiquée est loin de refléter la réalité, selon elle.
Dans beaucoup de cas, il n’y a pas de salle de bain ou d’endroit pour étendre le linge. Parfois, les toilettes sont collectives. Dans d’autres situations, les persiennes sont inexistantes ou bien une partie est arrachée et il est impossible de se prémunir contre le vent et la pluie. Passons sur l’hygiène qui laisse à désirer et qui rebute plus d’un lors de la première visite des lieux. Tous ces problèmes, Saâdia les a vécus jusqu’à l’heure actuelle. Bien que loin des tourments de la promiscuité chez sa belle-famille, Saâdia et son époux font face à la scolarisation de leur unique enfant âgé de 14 ans.
Quand arrive la date de l’échéance de la location, le couple est obligé de chercher un autre toit et, par conséquent, une autre école. Etant petit, l’enfant a été confié à une quinzaine de nourrices ; grand, il change d’école selon l’endroit de la location. Perturbé à cause des déménagements répétitifs, l’enfant bien que suivi par les parents est désorienté. Heureusement que l’espoir fait vivre. Saâdia attend patiemment une convocation de l’AADL pour payer la première tranche. Saïd, 50 ans, père de 4 enfants tous scolarisés, a connu d’autres problèmes de location. Bien qu’il paye rubis sur l’ongle les douze mois à l’avance, à deux reprises il a été sommé de quitter les lieux au bout de six mois.
Actuellement, il vit avec sa femme et ses enfants dans un F3 à raison de 35.000 dinars par mois, où aucune porte n’existe, pas de chauffage, pas de chauffe-bain, le plan de travail de la cuisine est fendu en deux, la dalle de sol est glissante, la faïence est cassée dans beaucoup d’endroits. Mais Saïd se résigne à cause des écoles que ses enfants fréquentent et qui sont à deux pas du domicile. Sa hantise est que le propriétaire qui habite à l’étranger vient à l’improviste et lui demande de quitter les lieux sans préavis. Djouher, qui a effectué, quant à elle, neuf déménagements entre 1994 et 2000 se remémore toujours le traumatisme des locations très chères et ne répondant pas au b.a.-ba de l’hygiène et du quartier désiré.
Elle est allée jusqu’à Hassi Messaoud pensant régler définitivement le problème de logement. Une fois sur place, elle a vite déchanté. La chaleur, les vents de sable, l’hygiène et l’éloignement lui ont fait changer d’avis. N’ayant pu avoir de logement ou un terrain à bâtir, elle a émigré au Canada où son époux a pu avoir un poste de travail bien rémunéré. Le cas de Dahbia est édifiant. Habitant à Aïn Defla et ayant obtenu le bac avec mention « très bien » dans les années 1980, sa famille l’a encouragée à venir s’inscrire à la faculté d’Alger. Reste le problème d’hébergement qu’il fallait régler tout de suite. Ne répondant pas aux critères pour avoir une chambre universitaire, elle a fini par trouver une chambre chez un particulier dans un F5 à la rue Didouche-Mourad. Avec 1000 dinars par mois, n’utilisant ni la salle de bain, ni la cuisine, ni le téléphone, c’était à prendre ou à laisser.
En plus, elle doit ramener les draps et les couvertures et doit manger dehors, y compris le petit déjeuner. Cette situation a duré quatre années, le temps que Dahbia termine ses études avec brio. La récompense fut un poste de responsabilité dans une société nationale et un époux possédant un logement. Ce ne sont que quelques échantillons de personnes ayant rencontré moult problèmes de location ou bien qui vivent dans la peur de se retrouver à la rue en l’absence de lois et de réglementation régissant cette transaction.
Rabéa F.