Ils sont 3500 hémophiles recensés en Algérie. Mais en réalité, leur nombre est plus important car des centaines de cas ne sont pas déclarés. Dans certaines familles qui comptent plusieurs malades, un seul est déclaré.
Les autres personnes atteintes des maladies de la coagulation comme la maladie de Willebrand, très proche de l’hémophilie, ne sont pas encore recensées, selon des associations. Elles réclament la mise à jour du registre national des hémophiles, l’engagement d’un programme national et la création de centres pluridisciplinaires régionaux pour prendre en charge correctement les malades.
La Journée mondiale de l’hémophilie est célébrée chaque 17 avril. Une occasion pour les associations de sensibiliser les pouvoirs publics et les populations pour répondre aux besoins de ces malades. Dite «maladie orpheline», l’hémophilie affecte la coagulation du sang. Ce trouble touche les hommes et rarement les femmes. Ses signes sont les saignements abondants externes ou internes.
Cette maladie se caractérise par de nombreuses affections, parfois impressionnantes. Il s’agit notamment des hémorragies au niveau des muscles et des articulations, particulièrement le genou, la cheville et le coude. Elle touche environ 3500 personnes en Algérie.
Un chiffre aléatoire car certains cas ne sont pas encore recensés, selon des associations qui relèvent qu’aucune étude sur l’impact social et psychologique de la maladie n’a été faite chez nous. Comme c’est une maladie rare et ne présentant pas de danger de santé publique, les personnes atteintes sont doublement pénalisées : par le manque d’une prise en charge convenable et par une ignorance totale des pouvoirs publics concernés.
Les hémophiles ne bénéficient, en effet, d’aucune aide financière, ni d’un traitement particulier par les autorités locales. Livrés à eux-mêmes, ils ne trouvent que le soutien de leurs familles, proches, amis et bénévoles au sein des associations locales.
Lors des hémorragies sévères, ils se déplacent vers les hôpitaux avec leurs propres moyens. Malheureusement, certains n’y arriveront jamais… ils ont tardé en route. Pour leur éviter ces drames, certains spécialistes préconisent l’auto-prise en charge à domicile.
Il suffit de mettre à leur disposition le traitement. Au niveau des hôpitaux, ce n’est pas toujours le soulagement, car en cas de manque du médicament de coagulation, on leur administre du plasma congelé frais, ce qui les expose parfois à une contamination par l’hépatite.
Dans les wilayas de l’intérieur ou du Sud, les hémophiles sont contraints de traverser des centaines de kilomètres pour rejoindre l’hôpital. Les choses sont plus compliquées la nuit, puisqu’une fois à l’hôpital, les malades doivent patienter longuement avant l’arrivée du médecin.
«Je suis arrivé aux urgences à 2h et je n’ai eu mon médicament qu’à 14h», témoigne un malade. Les malades et leurs parents plaident pour plus d’attention de la part du corps médical, notamment les non initiés à cette maladie qui doivent écouter les parents pour éviter une perte de temps dans la prise en charge.
Les parents des hémophiles vivent dans un état psychologique déplorable, en raison des pénuries récurrentes de médicaments, de l’absence de médecins spécialisés dans beaucoup de régions du pays surtout les wilayas du Sud.
Le non-accès aux soins et l’absence de médicament causent aux hémophiles des handicaps. L’absence d’un traitement préventif (la prophylaxie) entraîne aux enfants des impotences fonctionnelles causées par la destruction irrémédiable des articulations. Des parents venant de Tizi Ouzou et d’El Oued affirment que leurs enfants sont bien pris en charge, alors que d’autres venant de Mascara notamment se plaignent du mauvais suivi au niveau des hôpitaux.
En dépit de la prise en charge totale du traitement médical par l’Etat, ainsi que les progrès enregistrés ces dernières années, force est de reconnaître que les hémophiles continuent de faire face à des difficultés, notamment les enfants. L’avènement de la maladie dans la vie familiale entraîne son lot de difficultés dont la dislocation du couple.
L’hémophilie a été à l’origine des divorces, a regretté Karima Chennoukh, docteur en biologie au CHU de Beni Messous. Comme la maladie se transmet de la mère à l’enfant, des époux les accusent d’être responsables. Ces mamans, qui ressentent déjà une forte culpabilité, sont simplement rejetées ainsi que leurs enfants malades. A l’école, certains enfants trouvent des difficultés pour suivre normalement leur scolarité.
Le fait d’être obligé de se rendre, en moyenne deux fois par semaine, à l’hôpital, plusieurs enfants hémophiles ratent leur scolarité. Doubler l’année scolaire n’est pas une surprise pour la grande majorité d’entre eux. «J’ai refait une fois, car j’étais hospitalisé pendant plus d’un mois», raconte Karim, élève de 2e année moyenne à Oran.
A l’école, les enfants hémophiles ne peuvent pas jouer comme les autres car ils craignent de tomber, de se blesser ou de recevoir un ballon sur la tête. «Si je tombe, je peux avoir une grosse hémarthrose», raconte Hakim Z., élève en 4e année moyenne.
Ce garçon venant d’El Oued affirme avoir appris à bien gérer sa maladie. Ses enseignants sont, selon lui, «compréhensifs et sont toujours disponibles pour lui donner les cours ratés». Lorsque de simples gestes comme monter des escaliers deviennent difficiles, il n’est plus aisé de gérer sa vie quotidienne.
par Karima Sebaï