Mouammar Kadhafi, tué jeudi 20 octobre à Syrte, a-t-il été liquidé avec la complicité des Américains et des Français ? L’hebdomadaire satirique français le Canard Enchainé révèle que le convoi de l’ancien guide de la révolution libyenne a été sciemment bombardé par des avions français et un drone Predator américain pour faire taire définitivement le colonel Kadhafi, au pouvoir pendant 42 ans.
Sous le titre « Kadhafi condamné à mort par Washington et Paris », l’hebdomadaire satirique Le Canard Enchaine (édition du mercredi 26 octobre) laisse clairement entendre que l’ancien guide de la Libye a été liquidé parce qu’il pouvait se révéler un témoin gênant.
« Obama et Sarko ne voulaient pas qu’il s’en sorte vivant. De crainte qu’il ne parle trop lors de son procès devant la Cour pénale internationale », affirme le journal.
Coup de fil d’un colonel du Pentagone
Mercredi 19 octobre, veille de la mort de Kadhafi, écrit le Canard, un « colonel du Pentagone, chargé du dossier « Kadhafi », téléphone à l’un de ses collègues au sein des services français pour lui annoncer que le guide, suivi à la trace par des drones Predador US, est pris au piège dans un quartier de la ville de Syrte et qu’il est désormais impossible de le « manquer ».
L’officier américain ajoute que laisser le colonel en vie le transformerait en « véritable bombe humaine ».
« Son interlocuteur comprend ainsi que la Maison Blanche a rendu son verdict, et qu’il faut éviter de fournir à Kadhafi la tribune internationale que représenterait son éventuel procès », ajoute l’hebdomadaire.
Commandos des forces spéciales
Plusieurs jours avant la liquidation de Kadhafi, une équipe de commandos des forces spéciales américaines et françaises participent aux côtés des combattants rebelles à la traque du guide.
Leur nombre évalué à une cinquantaine de personnes, les commandos français membres du COS engagés à Syrte (Commandement des opérations spéciales) avaient pour mission d’assister les rebelles dans la chasse à Kadhafi et à son dernier carré de fidèles.
La formule utilisée par la DGSE, écrit le Canard, est « livrer le colis à Renard ».
Pour l’hebdomadaire, l’Elysée était au courant depuis la mi-octobre, que Kadhafi et l’un de ses fils, Mouatassim, également tué jeudi 20 octobre, avaient trouvé refuge, avec gardes du corps et mercenaires, à Syrte.
Elimination physique
A la DGSE comme à la DRM (Direction du renseignement militaire), poursuit le Canard, « on ne se gène d’ailleurs pas pour évoquer l’ ‘élimination physique’ du chef libyen, à la différence des formules bien convenables employées à l’Elysée, s’il faut en croire un conseiller du président. »
Selon un diplomate français cité par le journal mais dont l’identité n’a pas été révélée, « la peine de mort n’était pas prévue par les résolutions de l’ONU qui ont permis à l’Otan d’intervenir. Mais il ne faut pas jouer les hypocrites. A plusieurs reprises, des avions français et britanniques avaient déjà tenté de liquider Kadhafi en bombardant certains de ses repaires, à Tripoli, ou en détruisant notamment l’un de ses bureaux. »
Voire plus grave
Pourquoi liquider Kadhafi ? Le diplomate y va de son explication. Lors d’un éventuel procès à la Cour pénale international « ce nouvel ami de l’Occident aurait pu rappeler ses excellentes relations avec la CIA ou les services français, l’aide qu’il apportait aux amis africains de la France, et les contrats qu’il offrait aux uns et aux autres. Voire plus grave, sait-on jamais ? »
La suite ? Elle s’est jouée jeudi 20 octobre dés le début de la matinée, vers 8 h, 8 h30, du matin. Pris au piège, Kadhafi, sur recommandation de son fils Mouatassim, tente de se dégager pour fuir la ville de Syrte.
Predator attaque
Le convoi composé de 75 véhicules – le quotidien américain New York Times évoque plutôt plus de 40 véhicules -, roule à vive allure. Un drone américain Predator lâche des roquettes sur les voitures, « un mirage F1CR français de reconnaissance suit un Mirage 2000-D qui largue deux bombes GBU-12 de 225 kilos guidées par laser. »
Une partie du convoi est décimé. Des voitures sont réduites en cendres, des corps sont calcinés, mais Mouammar Kadhafi parvient à s’échapper. Vivant.
Récit corroboré
Le récit de l’attaque fait par le Canard Enchaîné est corroboré par Jean-Dominique Merchet, journaliste à l’hebdomadaire Marianne et spécialiste des affaires militaires.
A un détail de taille. Selon le journaliste qui a reconstitué le déroulement de l’opération, Français et Américains ignoraient que le colonel Kadhafi faisait partie du convoi ciblé.
La suite ? Le colonel Kadhafi se réfugie dans un tunnel d’égout. Capturé vivant par un groupe de combattants, il sera lynché par la foule avant d’être tué d’une balle dans la tête.
Enquêtes
Aujourd’hui encore, les circonstances de sa mort demeurent troubles. L’ONU a demandé une enquête, la famille du guide annonce le dépôt prochain d’une plainte pour crime de guerre alors que le CNT s’est engagé à constituer une commission d’enquête.
Enterré dans un lieu secret, le colonel Kadhafi ne sera donc plus être ce témoin gênant qui pourrait révéler beaucoup de secrets devant la Cour pénale internationale.