Eni enlèvera moins de gaz d’Algérie pour la période 2013-2014 sur la base d’une entente avec Sonatrach. Un coup de canif supplémentaire aux contrats à long terme et au principe du «take or pay». Le pessimisme de Zerguine est plus réaliste que l’optimisme de Yousfi.
L’italien Eni et Sonatrach ont conclu un accord prévoyant une réduction des volumes de gaz livrés à l’Italie en 2013 et 2014. Le communiqué de la compagnie italienne ne donne aucune indication sur les quantités de gaz concernées. La compagnie italienne précise que les deux groupes ont convenu, dans le cadre de négociations commerciales au sujet du contrat de fourniture gazier existant, de réviser certaines conditions contractuelles pour les années 2013 et 2014. «Dans ce cadre, Eni et Sonatrach vont réduire certaines quantités des volumes contractuels de gaz destinés à l’Italie», indique Eni qui précise que l’accord entre dans le cadre du «programme de renégociations démarré ces derniers mois et s’inscrit dans les objectifs de rentabilité et de génération de liquidité annoncés». Le laconisme du communiqué de la compagnie italienne n’a pas empêché la Bourse de réagir très positivement à cette annonce.
EFFRITEMENT DES CONTRATS A LONG TERME
Pour Sonatrach, cette renégociation est un signe de plus de l’effritement des contrats gaziers à long terme basés sur le principe du «take or pay» (prendre ou payer) qui ont pour but de garantir aux producteurs de gaz l’amortissement de leurs investissements. Ces contrats de long terme (entre 20 ans et plus) assurent également à l’acheteur une sécurité de l’approvisionnement sur une longue période. La clause «take or pay» implique que l’acheteur est tenu de payer une «quantité minimale» de gaz qu’il l’enlève ou non. Le bilan des exportations de gaz de 2009 montrait déjà que les partenaires de Sonatrach, face à la baisse du prix du gaz sur le marché spot, avaient tendance à se contenter des enlèvements minimaux de gaz prévus dans les contrats et dont le prix moyen était indexé sur celui du pétrole. Les clients de Sonatrach se sont rabattus sur le marché spot pour couvrir le reste de leur besoins. L’accord amiable conclu entre Sonatrach et Eni traduit on ne peut mieux cette notion de «bouleversement» qui pousse les partenaires de l’Algérie à demander de renégocier les contrats et les prix. En d’autres termes, les quantités minimales prévues dans le contrat sur la base du «take ou pay» sont revues.
LA CRISE ET LE GAZ DE SCHISTE
La «clause de bouleversement» évoquée récemment par le PDG de Sonatrach joue en défaveur de l’entreprise avec une conjonction d’excédent de l’offre en gaz et d’une baisse de la demande en gaz en raison de la crise. C’est clairement un coup de canif supplémentaire aux contrats à long terme. Pour les acheteurs, en raison de la dérégulation imposée par l’Europe et une offre excédentaire en gaz, les contrats à long terme ne sont plus prisés. Les contrats à long terme ont déjà raccourci sur une échéance de 10 à 15 ans et, surtout, les prix se détachent de ceux du pétrole pour être indexés sur le marché spot. Entre crise et effet du gaz de schiste, les fournisseurs sont déjà contraints par les acheteurs européens d’accepter qu’une part des quantités prévues dans les contrats à long terme soit indexée sur le marché spot. Des accords conclus par Statoil et Gazprom comportent des parts importantes de quantités indexées sur le marché spot pouvant aller jusqu’à 50%. La nouvelle qui vient d’Italie confirme que le relatif pessimisme du PDG de Sonatrach sur la difficulté de préserver le prix du gaz est bien plus conforme à la réalité du marché que le discours optimiste du ministre de l’Energie Youcef Yousfi affirmant que les choses se passaient «correctement».