Face à l’impasse politique, le président sortant, Giorgio Napolitano, 87 ans, se dévoue et se présente pour un second mandat
Les parlementaires et délégués régionaux ont commencé peu après 08h00 GMT ce scrutin qui sera une nouvelle fois inutile, les principaux partis ayant décidé de voter blanc ou de s’abstenir.
Cinquième épisode du psychodrame politique en Italie: les grands électeurs se sont retrouvés hier pour élire un président de la République au lendemain de l’échec de Romano Prodi qui a entraîné un véritable séisme au sein de la gauche. Troisième économie de la zone euro, l’Italie continue de s’enfoncer dans la crise politique depuis les élections législatives de fin février qui n’ont dégagé aucune majorité claire.
«La République est suspendue au dessus du vide», titre le Corriere della Sera, premier quotidien de la péninsule. Les parlementaires et délégués régionaux ont commencé peu après 08H00 GMT (hier) ce scrutin qui sera une nouvelle fois inutile, les principaux partis ayant décidé de voter blanc ou de s’abstenir. Le Peuple de la liberté (PDL) de Silvio Berlusconi a décidé de ne pas participer au scrutin, son allié de la Ligue du Nord participera mais votera bulletin blanc, de même que les centristes du chef du gouvernement sortant, Mario Monti. Le Parti démocrate (PD) de Pier Luigi Bersani a décidé vendredi soir, après l’échec de son candidat, M.Prodi, de voter blanc lui aussi lors de ce cinquième scrutin. M.Prodi, 73 ans, deux fois chef du gouvernement italien et ancien président de la Commission européenne, n’a recueilli que 395 voix lors du quatrième scrutin présidentiel vendredi soir, soit une centaine de moins que le nombre total des grands électeurs du PD qui avait avancé sa candidature.
Les têtes ont commencé à rouler immédiatement dans la soirée: M.Bersani a annoncé sa démission qui sera effective dès qu’un chef de l’Etat sera élu, la présidente du PD, Rosy Bindi a démissionné elle aussi et M.Prodi a retiré sa candidature face à la trahison des membres de son propre parti. «Le seul conseil que nous pouvons donner au PD (…) est d’éviter à tout prix de nouvelles élections (…) car ce serait un jeu d’enfants» pour ses adversaires «de se partager les restes d’un parti orienté avec ténacité vers un suicide politique collectif», écrit hier le directeur du journal Il Fatto Quotidiano Antonio Padellaro. Après l’échec jeudi de Franco Marini, premier candidat officiel au poste de président, soutenu par le PD et la droite de Silvio Berlusconi, M.Bersani avait décidé de présenter vendredi matin la candidature prestigieuse de Romano Prodi.
Selon un communiqué du PD, cette candidature a été accueillie par une «ovation debout», mais dans le secret des urnes plus de 100 grands électeurs du PD ont voté contre M.Prodi, provoquant un séisme dans ce parti qui, il y a cinq mois seulement caracolait en tête des sondages de popularité et se trouve maintenant au bord de la dissolution. «Hier, le cannibalisme aveugle des parlementaires a brûlé même Romano Prodi (…) le seul dirigeant de la gauche à avoir une stature européenne.
Les explications sont toutes bonnes et stupéfiantes, sauf une: la médiocrité d’un groupe dirigeant et d’une classe parlementaire qui ne répond plus à rien, même pas à l’instinct de survie», écrit La Repubblica, le grand quotidien de gauche. Le Mouvement cinq étoiles (M5S) qui a cristallisé le vote contestataire continue de voter pour son candidat, Stefano Rodotà, un expert de droit constitutionnel, auquel s’est rallié également le parti de gauche SEL, ex-allié du PD. Pour l’analyste du quotidien La Stampa, l’issue de la crise pour les partis, dont aucun n’a la force d’imposer un candidat, est «une solution institutionnelle» en la personne d’Anna Maria Cancellieri, la ministre de l’Intérieur du gouvernement sortant de Mario Monti. Mme Cancellieri, une personnalité respectée dont la candidature a été avancée par M.Monti, a obtenu lors du dernier vote vendredi soir 78 voix, soit une dizaine de plus que le nombre des grands électeurs centristes qui font référence au chef du gouvernement sortant.
Les élections législatives de fin février ont débouché sur une équation insoluble avec la gauche qui a la majorité absolue à la Chambre des députés mais pas au Sénat, divisé en trois blocs de forces qui se neutralisent mutuellement: la gauche, la droite berlusconienne et le M5S. Cette situation contraint le pays à aller de l’avant avec un gouvernement démissionnaire depuis quatre mois et sans perspective claire dans un proche avenir.