Parallèlement à l’établissement d’une liste de pays à surveiller étroitement, les Américains veulent élaborer «un plan d’engagement pour l’avenir» sur la base «d’une vision stratégique » en s’assurant, en premier, qu’ils sont sur «la même longueur d’onde» avec ce qu’ils considèrent comme leurs partenaires dans la lutte antiterroriste.
C’est en substance le message délivré durant ces trois derniers jours par le général major R. Ronald «Ron» Ladnier, le 17e commandant des forces aériennes et des forces aériennes américaines en Afrique «Ramstein AB» Allemagne, qui a clos sa visite à Alger par une conférence de presse qu’il a animée mardi en début de soirée, au siège de l’ambassade des Etats-Unis.
Une précision de taille dans sa fiche biographique, l’hôte de l’Algérie «dirige le commandement de l’Africom, est responsable de toutes les activités des forces aériennes américaines en Afrique et couvre 53 pays, 11 millions de milles carrés et plus de 900 millions de personnes. »
Des détails importants quand ce sont les Américains qui les donnent. La vice-secrétaire d’Etat adjoint pour le Golfe et le Maghreb au sein du bureau des affaires du Proche-Orient, Janet A. Sanderson, a prévenu de la grande série de visites de responsables américains qui va s’exécuter en Algérie les jours à venir.
Les Américains ne font jamais rien sans rien. Si Janet Sanderson était venue avant le général major Ronald Ladnier, c’était probablement pour suggérer aux autorités algériennes d’être patients et de ne pas trop s’agiter et tenter de forcer la main à Washington pour l’amener à enlever l’Algérie de la liste noire établie par les services américains après la tentative ratée d’un acte terroriste contre un avion de leurs lignes. Il lui a été demandé de les rassurer par un «la liste n’est pas définitive, elle est appelée à être revue…»
Du moins, pas avant que des marchés ne soient conclus, semblent dire ses responsables. Le général major est venu juste après elle pour présenter la feuille de route ou précisément le cahier des charges que l’Algérie doit signer avant toute chose.
Il se pourrait que sa suppression de cette liste humiliante et honteuse que les Américains ont établie pour faire déshabiller par leurs services, les ressortissants de pays dont ils doutent de leur capacité à bien surveiller les espaces et les hommes, doit être conditionnée par son abnégation à ce que ses territoires soient contrôlés sans mot dire.
Il faudrait probablement qu’elle choisisse entre ses citoyens et ses espaces, lesquels des deux doivent être fouillés. L’Algérie n’est pas la seule concernée par ce genre de «partenariat». Les pays inscrits sur la liste le sont eux aussi.
LES SOUS-ENTENDUS DES AMÉRICAINS
tant que composante de la force aérienne, notre travail tend à nous rapprocher de ces pays partenaires qui ont également des forces aériennes. Il est logique que nos aviateurs/pilotes se concertent et travaillent en concert avec vos aviateurs/ pilotes dans le but de réaliser les objectifs communs».
A l’actif du général, «une préparation logistique et une gestion du programme sur la gestion du personnel, une acquisition managériale du personnel de commandement de mobilité aérienne et la planification inter-organisationnelle au département d’Etat.»
Il a aussi servi comme commandant du commandement de Sa dernière expérience de déploiement est celle de directeur central du déploiement et de la distribution d’opérations au commandement central américain.
Il sait donc ce qu’il veut quand il parle de «vision stratégique.» Le pouls de ces pays semble avoir été pris avant que cette liste ne soit établie. Le général major a rappelé que «mon chef, le général Ward, est venu en Algérie en novembre dernier et a parlé avec bon nombre d’entre vous (ndrl les militaires algériens) sur le renforcement de notre relation bilatérale, je suis ici pour ce point précis, c’est-à-dire pour écouter les dirigeants des forces aériennes».
Le général Ladnier a rencontré durant ces trois derniers jours le général major Abdelkader Lounès, commandant des forces aériennes algériennes et le général Noureddine Makri, responsable de la direction des relations extérieures. «Je vois déjà que nous pouvons apprendre les uns des autres», a-t-il déclaré.
«VOUS ME REVERREZ SOUVENT»
Et «la manière efficace» pour y parvenir, c’est, a-t-il affirmé, de «commencer par mettre en place une vision stratégique.
Je veux avoir des discussions avec les dirigeants des forces aériennes de votre pays ainsi qu’avec notre ambassadeur et son équipe afin de s’assurer que nous sommes tous sur la même longueur d’onde au moment où nous construisons un plan d’engagement d’avenir.»
Le général dira encore que «je voudrais entendre leurs idées et leurs réflexions sur l’avenir des forces aériennes algériennes et comment les forces aériennes américaines en Afrique peuvent intervenir dans ce sens.»
Partenariat, coopération, objectifs ou intérêts communs, tout est valable pour expliquer que les Etats-Unis veulent avoir une mainmise sur le continent avec le consentement de l’ensemble de ses pays qu’ils veulent arracher sous forme de ce qu’ils appellent «un plan d’engagement pour l’avenir».
Le général Ladnier affirme que «toutes les informations réunies lors de ma visite seront rassemblées, discutées et partagées avec mon équipe en Allemagne où nous travaillerons à développer des programmes et des événements qui répondront au mieux à ces objectifs communs.»
Il ne se privera pas, comme tous les responsables américains qui ont visité l’Algérie, de préciser que «ça ne nous ne dérange pas du tout que le siège de l’Africom, même s’il est provisoire, soit à Stuttgart.
Il n’est pas nécessaire pour nous de disposer d’un siège en Afrique, nous avions reçu des offres de certains pays mais nous les avions refusées». Les empreintes militaires américaines sur l’armée algérienne pourraient être relevées, en premier, sur la formation, le partage des données et des techniques sur des appareils d’intervention, des avis sur la gestion des catastrophes et les secours.
Les militaires algériens, dont les équipes volent en Hercule C130 H, veulent s’essayer au Hercule C130 J dont le prototype leur a été présenté par le général Ladnier. Les Américains avouent avoir copié sur les terroristes, cette idée de la concertation et des pourparlers. «Les terroristes discutent entre eux et partagent ceux qu’ils ont appris, ça doit se faire en Afrique, les pays doivent discuter entre eux», a confié le général.
«Vous me reverrez souvent », a-t-il ainsi promis aux responsables algériens. Il ne quittera pas Alger sans gratifier militaires et journalistes d’un «one, two, three, viva l’Algérie ! Bonne chance pour l’équipe algérienne, jeudi !»
Ghania Oukazi