Main tendue à l’Iran : la politique instaurée par le président américain, Barack Obama, dès le début de sa présidence, notamment par un discours en mars où il se disait prêt à un « respect mutuel » et à un « dialogue direct » avec la « République islamique », entre dans une phase délicate.
L’Iran, non sans dextérité, multiplie les initiatives et les signaux difficiles à interpréter.
Téhéran a commencé cet été à déployer une stratégie active, apparemment destinée à neutraliser certaines critiques visant son programme nucléaire, mais sans pour autant répondre de façon nette aux demandes qui lui ont été faites depuis 2006 par le Conseil de sécurité des Nations unies.
L’Iran semble surtout avoir pour objectif, selon des diplomates, de gagner du temps et de jouer sur les divisions entre les grandes puissances, au moment où celles-ci cherchent à élaborer la suite de leur politique sur le dossier de la prolifération.
Alors que les six puissances traitant le dossier nucléaire iranien (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Russie, Chine) devaient se réunir, mercredi 2 septembre, près de Francfort, pour tenter de s’accorder sur un scénario diplomatique impliquant d’éventuelles nouvelles sanctions, l’Iran a semblé vouloir créer la surprise en annonçant, la veille, par la voix de son négociateur, Saïd Jalili, qu’il allait remettre de nouvelles propositions à la communauté internationale.
« Le plan de la République islamique a été préparé », a déclaré cet officiel lors d’une conférence de presse à Téhéran, « il sera remis » au groupe des six pays.
« Nous espérons un nouveau round de négociations pour réaliser la justice, le progrès et la paix au plan international », a ajouté M. Jalili.
Cette façon de formuler les choses semble mettre l’accent sur le poids régional de l’Iran, pays situé au coeur d’une vaste zone névralgique où les problèmes se sont récemment accumulés pour l’administration américaine : nouvelles tensions en Irak au moment où s’ébauche un désengagement américain, et difficultés de la coalition en Afghanistan, guerre érigée en priorité par Washington.
L’Iran veut rappeler, avec plus ou moins de subtilité, qu’il détient des leviers.
« Avec force, en utilisant ses capacités nationales et régionales », a ainsi dit M. Jalili, « la République islamique est prête à coopérer pour lever les inquiétudes communes internationales ».
Il n’a pas fait explicitement référence au dossier nucléaire.
Les Etats-Unis ont réagi avec prudence à cette annonce. « Nous avons vu les informations, mais nous n’avons rien entendu de définitif de la part des Iraniens », a déclaré le porte-parole de la Maison Blanche, Robert Gibbs.
« Nous sommes prêts à étudier toute proposition qui nous serait remise sérieusement et, dans cette période de respect mutuel, à accueillir une réponse iranienne constructive « , a-t-il ajouté.
Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis la dernière rencontre entre le groupe des Six et un représentant iranien (c’était en juillet 2008, à Genève), mais le commentaire de la Maison blanche, mardi, semblait faire référence à l’épisode désagréable qu’avait constitué à cette occasion la réponse apportée par Téhéran à ses interlocuteurs.
Le texte iranien était à ce point alambiqué et éloigné du sujet nucléaire que même le représentant russe s’était esclaffé.
« INSTAURER LA CONFIANCE »
L’administration Obama risque d’être placée devant un choix difficile.
L’offre de coopération faite par les Six à l’Iran est conditionnée à un « gel » des activités d’enrichissement d’uranium.
Mais la définition exacte de ce gel est sujette à interprétation. Dans son dernier rapport, remis le 28 août, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a critiqué fortement l’Iran, mais constaté aussi un recul ponctuel dans l’alimentation des centrifugeuses (appareils permettant l’enrichissement).
Ce détail, dont personne ne semble pouvoir déterminer la portée exacte pourrait-il être invoqué pour considérer que l’Iran a de facto procédé à un gel, même s’il ne le proclame pas ?
Les Etats-Unis semblent entretenir une ambiguïté, à la recherche d’un arrangement diplomatique.
Mardi, la Maison Blanche a parlé de la nécessité d’ »instaurer la confiance dans la nature exclusivement pacifique » des activités nucléaires de l’Iran. Sans parler de gel.
La Russie a mis en garde contre l’ »isolement » de l’Iran. Fin septembre, le délai donné à Téhéran par M. Obama expire.
En brandissant de nouvelles « propositions », les Iraniens, que l’on disait paralysés par leur crise politique, ont avancé un premier pion dans la partie d’échecs avec l’équipe Obama.