L’iran commémore le quarantième anniversaire de la révolution : Le glaive et la balance

L’iran commémore le quarantième anniversaire de la révolution : Le glaive et la balance

La question reste de savoir si le feu couve encore sous la cendre ou si la colère de la foule est définitivement éteinte, face à la détermination d’un pouvoir religieux profondément soudé, par-delà les signes de divergences improbables.

L’ Iran commémore aujourd’hui le quarantième anniversaire du déclenchement de la révolution qui a balayé le régime du shah, après une année de manifestations de grande ampleur et des milliers de morts. cet anniversaire intervient une semaine après des turbulences sociales, selon les médias occidentaux, et instrumentalisées par les ennemis du régime, selon Téhéran. Là, le calme est revenu dans tout le pays, avec des marches imposantes pour dénoncer les ««fauteurs de troubles». La montée au créneau du président américain Donald Trump, empêtré dans des dossiers gluants et confronté à la parution d’un brûlot qui resserre davantage l’étau autour du clan familial ultrasioniste, a fait couac au Conseil de sécurité de l’ONU. Comme à son habitude, la représentante de l’administration Trump, Nikki Haley, a déployé des trésors de menaces à l’encontre de l’Iran pour arracher au Conseil de sécurité une première condamnation, mais c’était compter sans un nouveau clash avec la Russie. Pour elle, «le régime iranien bafoue les droits de son peuple» sous les «regards» du monde entier. Mais «c’est à l’Iran de régler ses propres problèmes», lui a rétorqué l’ambassadeur russe, Vassily Nebenzia.C’était une chose prévisible, la Russie et les Etats-Unis ne peuvent avoir une convergence de vues sur la situation iranienne. Nikki Haley a beau surenchérir. «En 2018 nous ne resterons pas silencieux», a-t-elle martelé tandis que Vassily Nebenzia a averti qu’il ne saurait être question pour le Conseil de «gaspiller son temps» avec des «prétextes fantaisistes» que Washington brandirait chaque fois que des manifestations auraient lieu, ici plutôt que là. Faisant sa propre lecture des récents troubles qui ont fait 21 morts, Mme Haley, appuyée par le nouveau membre non permanent du Conseil que sont les Pays-Bas, en déduit que les Iraniens exigent «la fin du soutien au terrorisme». Aux côtés de la Russie et de la Chine, il y avait la Bolivie, l’Ethiopie et la Guinée équatoriale, l’ambassadeur chinois Wu Haiteo déniant tout rôle au Conseil dans les affaires internes d’un pays et soulignant que «la situation iranienne ne menace pas la stabilité régionale». L’Iran avait pour sa part anticipé les risques en dénonçant, dans une lettre au secrétaire général de l’ONU, les ingérences des Etats-Unis dont les discours belliqueux à son encontre, calqués à dessein par Israël et l’Arabie saoudite, s’intensifient depuis une année.

La stratégie de l’administration Trump, et des forces occultes qui la gèrent, est cependant lancée puisque de nouvelles sanctions ont d’ores et déjà été prises contre des groupes industriels iraniens au motif qu’ils pourraient contribuer au programme des missiles balistiques. Reste la salade interne qui voient les modérés du président Hassan Rohani mettre en cause certains groupes conservateurs dans le déclenchement des manifestations à Machhaad, seconde ville iranienne, pour mettre en difficulté le gouvernement. Ce sont là les premiers balbutiements d’une actualité marquée par les stigmates d’une semaine d’agitations violentes dont il est difficile de tirer les leçons. La question reste de savoir si le feu couve encore sous la cendre ou si la colère de la foule est définitivement éteinte, face à la détermination d’un pouvoir religieux profondément soudé, par-delà les signes de divergences improbables. Certains croient voir pointer une réelle sédition dans une base populaire «exclue et défavorisée» qui peine à entrevoir un avenir meilleur. De là à accuser les dirigeants iraniens de n’avoir plus la moindre attache avec cette population qui a porté l’imam Khomeiny au pouvoir voici quarante ans, il n’y a qu’un pas allègrement franchi par les analystes friands de leurs propres certitudes. La réalité semble beaucoup plus complexe. Sans doute y a-t-il un mal-être socio-économique dans un pays confronté, depuis des décennies, à un embargo généralisé, aggravé de surcroît par la chute des cours du pétrole. Comme la plupart des pays producteurs, l’Iran a un manque à gagner crucial et les retombées financières de l’Accord sur le nucléaire ne sont pas encore advenues. Une situation que les ennemis de l’Iran ont sans doute jugée propice à leurs calculs. Durant l’année 2017, avec l’arrivée d’un Donald Trump dont les attaches sionistes sont outrageusement affichées, on a vu un changement de donne en Arabie saoudite où le nouveau prince héritier multiplie les foyers de tension, hier au Yémen, après l’Irak et la Syrie, puis au Liban où il a ciblé le Hezbollah. En clair, tout se passe comme si le plan concocté avant l’entrée de Trump à la Maison-Blanche avec la bénédiction de Benjamin Netanyahu, est désormais enclenché dans le but de mettre à genoux le grand rival de l’Arabie saoudite et surtout l’ennemi numéro un d’Israël. Reste qu’en jouant ainsi avec le feu, on peut facilement se brûler. Car les peuples des pays coalisés contre le régime iranien suivent, eux aussi, l’évolution du bras de fer. Et rien ne dit qu’ils ne nourrissent pas des frustrations identiques. Les régimes y ont les mêmes pratiques de clientélisme, de passe-droits, de corruption et de gaspillage des ressources. En novembre dernier, 200 membres de la famille royale saoudienne ainsi que des ministres et des hommes d’affaires ont été arrêtés, dans le cadre d’une «opération anti-corruption menée par le prince héritier Mohamed ben Salman» qui les a contraints à restituer plus de

100 milliards de dollars. Une révolution tranquille? Pas sûr, car l’Arabie saoudite est engluée au Yémen devenu son bourbier houthi, elle peine à contraindre le Qatar malgré une mobilisation de tous les moyens coercitifs, elle a tiré à blanc au Liban où la tension recherchée contre le Hezbollah a fait plouf, tandis qu’en Irak et en Syrie, elle découvre la montée en puissance du rival iranien que ses difficultés économiques n’ont pas freiné. Quant à l’Egypte, le feu couve de plus en plus sous la marmite.

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