La violence prend des formes et des apparences de plus en plus complexes dans la société algérienne. Violence envers les autres, violence verbale, dans les gestes, puis dans les actions, violence envers soi-même, enfin. La société entière perd ses repères, ne retrouve pas ses marques, son style, encore moins sa moralité. Les premiers indices ne trompent pas : les magasins ferment dès le crépuscule, les femmes s’enferment chez elles, mariés ou célibataires, les hommes se hasardent rarement loin du quartier.
Avec la vague de rapts qui a ameuté le pays tout entier, protéger ses enfants, à l’école, dans la rue, sur les paliers mêmes des escaliers est devenu un obligation, car derrière, il y a le risque de perdre en une fraction de seconde, son enfant.
Pourquoi toute violence dans une société née et grandie au sein de l’Islam, une religion tolérante et pacifique ? La religion ne joue-t-elle plus son rôle ? Ou au contraire, subit-elle les effets de la mauvaise éducation, tant politique, civique, dans les familles et dans les écoles ? Les rues sont-elles devenues les véritables pépinières de la violence ?
Un constat angoissant
Si l’on fait un bref parcours du bilan de la Gendarmerie nationale pour l’année 2012, on reste interdit : au cours de l’année 2012, parmi les 77 050 personnes arrêtées, impliquées dans les différents types de criminalité, les unités de la Gendarmerie nationale ont procédé à l’arrestation de 2778 mineurs, soit un taux de 3,61%. La majeure partie des mineurs arrêtés sont impliqués dans les affaires de vol (830 mineurs) avec un taux de 29,88% suivi des affaires de coups et blessures volontaires (674 mineurs) avec un taux de 24,26%.
Les autres formes de criminalité auxquelles les mineurs sont mêlés se présentent comme suit :
-Atteintes à la pudeur : 167 mineurs avec un taux de 6,01%,
-Destruction et dégradation de biens : 128 mineurs avec un taux de 4,61%,
-Usage de stupéfiants : 118 mineurs avec un taux de 4,25%,
-Contrebande : 55 mineurs avec un taux de 1,98%,
-Associations de malfaiteurs: 42 mineurs avec un taux de 1,51%.
Mineurs victimes: durant l’année 2012, 2444 mineurs ont été victimes dans différents types de criminalité.
38 980 victimes avec un taux de 6,27%, soit une baisse de 11,35% par rapport à 2011. Les plus grandes proportions de mineurs sont victimes de coups et blessures volontaires (32,08%) suivis d’attentat à la pudeur (20,70%).
La répartition géographique des mineurs victimes de différentes formes de criminalité demeure hétérogène à travers le territoire national, néanmoins les wilayas ci- après ont affiché les taux les plus élevés à savoir : Oran (132), Alger (123), Sétif (115), Chlef (113) et Mila (108).
Durant les deux premiers mois 2013, parmi les 13 296 personnes arrêtées, impliquées dans les différents types de criminalité, les unités de la Gendarmerie nationale ont procédé à l’arrestation de 410 mineurs, soit un taux de 3,08%. La majeure partie des mineurs arrêtés sont impliqués dans les affaires de vol (132 mineurs) avec un taux de 32,19% , suivis des affaires de coups et blessures volontaires (100 mineurs) avec un taux de 24,39%.
Les autres formes de criminalité auxquelles les mineurs sont mêlés se présentent comme suit :
-Atteinte à la pudeur : 18 mineurs avec un taux de 4,39%,
-Destruction et dégradation de biens : 13 mineurs avec un taux de 3,17%,
-Usage de stupéfiants : 13 mineurs avec un taux de 3,17%,
-Contrebande : 9 mineurs avec un taux de 2,19%,
-Associations de malfaiteurs: 04 mineurs avec un taux de 0,98%.
Mineurs victimes: durant les 2 premiers mois 2013, 355 mineurs ont été victimes dans différents types de criminalité (5800 victimes) avec un taux de 6,12%, soit une baisse de 1,93% par rapport à la même période de 2012. Les plus grandes proportions de mineurs sont victimes de coups et blessures volontaires (27,89%) suivis d’attentat à la pudeur (17,75%).
La capitale est devenue une ville criminogène : 4 405 affaires traitées et 4 842 personnes arrêtées en 2012
Jadis, capitale cosmopolite, tournée vers le monde occidental, respectueuse des valeurs civilisationnelles de sa religion, Alger est devenue inquiétante. Le jour, houleuse, la nuit, un coupe-gorge ! Observez bien le taux des affaires criminelles qu’elle a connu l’année dernière avec une hausse de plus de 7% en 2012 par rapport à 2011, au même titre que le nombre des personnes appréhendées en progression de 15% a indiqué le colonel.
Durant l’exercice 2012, les unités du Groupement de la Gendarmerie nationale d’Alger ont traité 4 405 affaires liées au droit commun et procédé à l’arrestation de 4 842 personnes impliquées, dont 1 697 ont été placées sous mandat de dépôt. Par rapport à la même période de l’année 2011, pas moins de 4 107 affaires ont été constatées et 4 130 personnes arrêtées, dont 1 374 écrouées. À la même période, le taux des affaires criminelles a connu une hausse de plus de 7% l’année dernière par rapport à 2011, au même titre que le nombre des personnes appréhendées, en progression de 15%.
En outre, les unités de la police judiciaire de la Gendarmerie nationale ont enregistré 1 792 affaires d’atteinte contre les personnes, ce qui représente 45% du nombre global des affaires enregistrées par les gendarmes, parmi lesquels 485 cas de coups et blessures volontaires. L’examen des données statistiques a fait ressortir que les coups et blessures volontaires (CBV) prennent la première place dans la catégorie des atteintes contre les personnes. 1 551 affaires d’atteinte aux biens ont été constatées (40% du nombre des affaires traitées), dont 406 affaires représentant les cas de vols simples. Dans le cadre de la lutte contre la criminalité, les auxiliaires de la justice ont démantelé pas moins de 91 bandes criminelles, dont 47 spécialisées dans les casses et cambriolages de maisons, 33 dans les agressions suivies de vol et 11 autres dans la commercialisation illicite et le trafic de drogue. Durant la période considérée, les représentants de la loi ont constaté pas moins de 194 affaires d’atteinte à la famille et aux bonnes mœurs ayant conduit à l’arrestation de 79 femmes.
Criminelles et victimes : les femmes se mettent de la partie
Le temps où les femmes étaient le symbole de la tendresse, de l’affection, de l’amour, enfin, de l’apaisement et de la non-violence, semble révolu ! Tous les bilans publiés depuis 2008 tendent à le confirmer. L’année 2012 le confirme encore plus, puisque six mille quatre-vingt-douze (6 092) femmes sont victimes de différentes formes de criminalité pendant que 2 572 y sont pleinement impliquées selon un bilan de la Gendarmerie nationale pour l’année 2012. Le rapport révèle aussi qu’Alger et Oran (les villes les plus peuplées) sont les plus concernées par la criminalité féminine. 80% des femmes impliquées dans la criminalité sont célibataires et sans profession. En 2012, 2 572 femmes, auteures de plusieurs délits et crimes, ont été interpellées par les gendarmes, à travers le pays, dont 806 ont été appréhendées dans seulement six wilayas à savoir Alger (109 arrestations), Oran (105), El Tarf (111), Aïn Témouchent (141), Annaba (227) et enfin Tlemcen (117). Parmi ces femmes, le rapport de la Gendarmerie nationale indique que 203 sont étudiantes, 245 fonctionnaires, 119 en activité libérale, 223 sont employées dans des sociétés privées et publiques, 1 772 sans profession, 986 mariées, 1 090 célibataires, 341 divorcées et enfin 155 sont veuves. On remarque très vite que la plupart des femmes criminelles, plus de 50%, sont sans travail.
Des questions se posent d’elles mêmes pour définir cette situation : s’agit-il d’une situation conflictuelle, pénible, vécue par ces femmes, qui les aurait orientées vers la criminalité pour renflouer une situation financière alarmante où s’agit-il d’un nouveau fait de société en Algérie? Les femmes commettent désormais toutes sortes de crimes et délits, tout comme les hommes : arrêtées durant l’année 2012 pour vols par effraction, cambriolage, prostitution, trafic de drogue, de véhicules, faux et usage de faux, escroquerie, appartenance à une bande de malfaiteurs, agressions contre les usagers de la route et agressions contre les étrangers installés en Algérie. Beaucoup d’exemples et plusieurs affaires de ce genre ont été traités par les unités de la Gendarmerie nationale.
L’autre phénomène en train de gagner du terrain en Algérie est celui de l’implication des étudiantes dans la criminalité. En 2012, faut-il le rappeler, 203 étudiantes ont été interpellées pour crime ou délit.
Mais la femme reste aussi la première victime de la criminalité et de la violence en Algérie, beaucoup plus que les enfants. Si en 2012 les gendarmes ont procédé à l’interpellation de 2 500 femmes, auteures de différentes formes de criminalité, 6 092 autres ont été victimes, durant la même période, précise le rapport des gendarmes. La ville d’Alger est classée première en matière de criminalité avec 499 affaires traitées, suivie d’Oran avec 462 affaires. Les coups et violences volontaires engendrant la mort de certaines femmes, agressions, assassinats et enlèvements, telles sont, grosso modo, les crimes commis envers les 6 092 femmes en 2012. Il y a aussi l’incitation à la débauche et prostitution par la force.
Là aussi, on remarque que les femmes sans profession et célibataires sont les plus ciblées. En chiffres, 3 762 femmes sans profession et 2 507 célibataires ont été victimes de différentes formes de criminalité durant l’année 2012, explique le rapport de la Gendarmerie nationale. En ce qui concerne les femmes mariées, 2 681 cas ont été recensés durant l’année 2012. Les femmes mariées sont surtout victimes de violence conjugale. Des femmes battues, parfois, perdent la vie. 837 étudiantes, signale le même rapport, ont fait l’objet de kidnapping suivi de viol commis par des bandes.
Les femmes, employées dans des sociétés privées et publiques, au nombre de 430, sont surtout victimes ou auteures d’escroqueries, de faux ou de violence sexuelle. La Journée mondiale de la femme, qui coïncide avec le 8 mars de chaque année, constitue une occasion pour la société civile de condamner vivement les actes de violence contre les femmes algériennes
1000 rapts d’enfants depuis 2002 : regardez derrière le drame, vous découvrirez des conflits de famille et des dérives sexuelles !
1000 rapts, «réussis» ou avortés, en dix ans ! Il faut le faire…Dans une société bercée par les valeurs musulmanes, voilà qui tiendra lieu de statistiques du pire ! Souvent derrière cette tragédie à huis clos, il y a dans la société algérienne une perte de repères, un démembrement des valeurs sociales et culturelles et un «atterrissage» forcé dans un univers dont elle n’a qu’une conscience dérisoire.
Toutefois, il faut se rendre à l’évidence : plus que le goût pour l’argent des rapts, il y a de sérieux problèmes qui se profilent et qui se terminent souvent en drames : il s’agit des querelles conjugales, qui se terminent dans le sang. Il y aussi des motifs liés à la sorcellerie, mais ils sont rares, comme celui, dernièrement, de la petite Soundous. D’après la Gendarmerie nationale, la petite Soundous G., âgée de six ans, a été retrouvée assassinée au domicile de l’épouse de son oncle au quartier dit Boudjemaâ Temil à Draria, au sud d’Alger. Elle a été retrouvée assassinée et son corps mis dans un sac en plastique déposé dans l’armoire du domicile de son oncle, avons-nous appris de source proche de l’enquête menée par la Gendarmerie nationale. L’épouse de l’oncle de la victime, sujette à des crises de personnalité, a été immédiatement soupçonnée, avant de passer aux aveux. Selon les premières indications, elle serait intéressée par les rites sataniques et de sorcellerie.
On n’a pas encore les chiffres définitifs des affaires liées aux rapts d’enfants de l’année 2012, mais on estime déjà à plus d’une trentaine de cas avérés. Depuis 2002, 1000 enfants ont été l’objet de rapts. En 2006, le pic avait été atteint avec 86 enfants tués. Selon une récente étude, «les responsabilités sont complexes, car les enlèvements se passent, dans les deux tiers des cas, dans les nouvelles agglomérations construites dans l’obscurité sans éclairage extérieur».
Selon l’officier de police, Kheïra Messaoudene, chef du bureau de Protection de l’enfance à l’Administration de la police, «les cas de disparition d’enfants ne sont pas toujours imputables aux kidnappings. Ainsi, des enfants peuvent désirer quitter leurs familles pour des raisons sociales». Elle ajoute que dans la plupart des cas, «les enfants sont enlevés pour régler des comptes avec la famille et que le kidnappeur se révèle souvent en être un membre». Hayat, mère d’une petite fille de 9 ans, a dit qu’elle ne laissait plus son enfant se rendre seule à l’école. Elle l’y emmène dorénavant tous les jours. Mouloud, habitant d’Alger, dit que l’affaire de la disparition de Yacine l’a convaincu de ne plus laisser sa fille unique jouer dans la cour de son immeuble. Dans des déclarations diffusées sur la radio locale concernant le déclin de la sécurité publique ces dernières années, l’ancien Premier ministre, Ahmed Ouyahia, avait appelé à une sévérité exemplaire dans le châtiment des kidnappeurs, allant jusqu’à évoquer la peine de mort. L’Algérie réserve historiquement la peine capitale à la trahison ou autre atteinte de la sécurité de l’Etat.
C’est en 2007, avec le rapt du jeune Yacine que la gendarmerie et la police avaient décidé de mettre des services spécialisés sur le sujet. La rue s’était alors alarmée par le nombre d’enfants enlevés, et le kidnapping de Yacine Bouchelouh a attiré l’attention des parents à travers tout le pays. Les statistiques officielles faisaient alors état de la disparition de 841 enfants depuis 2001, âgés de 4 à 16 ans. Yacine Bouchelouh avait été kidnappé devant sa propre maison dans le quartier de Bordj El Kiffan, à l’est d’Alger. La police n’a pu résoudre le mystère de cette disparition, malgré des recherches intenses et les enquêtes menées. L’histoire de Yacine est devenue un enjeu national après que ses parents, dans leur recherche, aient adressé des appels aux citoyens et même aux kidnappeurs.
Onze enfants enlevés et assassinés entre 2003 et 2013
Onze enfants ont été enlevés et assassinés après avoir subi des abus sexuels entre 2003 et 2013 en Algérie, avait affirmé récemment le directeur de la police judiciaire auprès de la Direction générale de la Sûreté nationale (Dgsn), le contrôleur de police, Abdelkader Kara Bouhadba. «Onze cas d’enlèvement d’enfants, suivis d’abus sexuels et d’assassinats, ont été enregistrés à travers le territoire national entre 2003 et 2013», a déclaré le contrôleur de police Kara Bouhadba, lors d’une conférence de presse consacrée aux efforts de la police dans la lutte contre la criminalité sous toutes ses formes.
Il a ajouté que dans «presque toutes ces affaires, le criminel ou l’agresseur étaient toujours proches de l’enfant», niant que ces crimes soient l’œuvre de bandes criminelles «comme avancé par certaines parties qui ont essayé de faire l’amalgame». «Une bande criminelle a ses réseaux et ses spécificités. Elle est dotée d’un chef qui a un plan d’action et qui cherche à atteindre des objectifs, ce qui ne s’applique pas à ces cas», a-t-il expliqué.
Pour lui «il ne faut ni s’alarmer, ni diminuer l’ampleur de certains phénomènes criminels», estimant que plusieurs facteurs peuvent expliquer les phénomènes liés à la criminalité.
«Nous sommes un pays en plein développement dans tous les domaines. Nous sommes un pays ouvert au monde, qui subit les influences les plus diverses, notamment sur les plans sociologique, culturel et économique. Tous ces facteurs ont une incidence sur la criminalité», a-t-il soutenu.
«C’est une question importante qui mérite une approche sérieuse et rigoureuse, nécessitant le concours de spécialistes et d’universitaires pour engager une réflexion», a-t-il poursuivi.
Le contrôleur de police, Bouhadba, a indiqué, par ailleurs, que durant l’année 2011, un total de 3 587 enfants ont été victimes de coups et blessures volontaires (CBV), alors qu’en 2012 ce chiffre a légèrement baissé, totalisant 3.463 cas. Pour les abus sexuels et les mauvais traitements, ils étaient respectivement de 1 728 et 628 cas, en 2011, alors qu’en 2012, ils étaient de 1 737 et 470 cas.
La pédophilie progresse dans une Algérie en pleine déliquescence…
En 2010, 2 507 cas de mineurs victimes de pédophilie ont été recensés ; en 2011 ils étaient 3 988 et pour les seuls quatre premiers mois de cette année, 847 cas ont été enregistrés. Autre révélation: l’âge des victimes est compris entre deux et dix-huit ans, la moyenne est de 8 ans et les filles sont généralement plus confrontées aux viols que les garçons. Si l’augmentation est si nette entre 2010 et 2011 – elle a presque doublé -, c’est peut-être aussi parce que de plus en plus de cas sont portés devant le tribunal.
Mais selon des rapports de la gendarmerie, ces chiffres ne représentent qu’une infime partie de la réalité. La plupart de ces crimes sont commis au sein même de la cellule familiale, briser le silence et dénoncer ses proches reste quasi impossible.
Interrogé, Abdelkader Araar, président du réseau Nada, une association qui défend les droits de l’enfant et reçoit chaque jour de nouvelles plaintes, confirme: «Nous constatons, à travers les plaintes que nous recevons, que les victimes de violences sexuelles sont de plus en plus parmi les plus proches des enfants. Les filles sont les premières à se plaindre du comportement de leur père, frère, cousin ou autres membres de la famille. Cela va de l’attouchement jusqu’au viol. Les conséquences sont désastreuses. La fille fugue du domicile familial et se retrouve dans la rue, notamment lorsqu’elle est enceinte», explique-t-il.
Pis encore, la commissaire de police en charge de la délinquance juvénile et de la violence contre les femmes, Kheïra Messaoudène, explique qu’un nouveau phénomène se développe: «Les violences sexuelles commises par les enfants contre d’autres enfants sont en train de connaître une hausse importante. Les raisons sont multiples et souvent, ce sont la télévision et Internet qui sont à l’origine de ces actes.» Elle ajoute que la recrudescence des cas d’abus sexuels contre les enfants est la conséquence directe d’une crise morale de la société algérienne.
Adjou Amel