L’inflation en AlgĂ©rie et dans le monde : faits et perspectives

L’inflation en AlgĂ©rie et dans le monde : faits et perspectives

L’inflation mondiale reprend : est-elle conjoncturelle ou structurelle ? Après trois décennies de maitrise de l’inflation (1990-2019) qui avait atteint des niveaux élevés dans les années 1970s, l’économie mondiale renoue de nouveau avec l’inflation en raison de la pandémie de mars 2020 (qui est un double choc sur la demande et l’offre), notamment au niveau des produits alimentaires. Si les hausses de prix de ces derniers ont récemment connu une certaine modération, les pressions inflationnistes ont de nouveau repris en 2021, sous l’effet de trois facteurs majeurs, à savoir :

(1) la réouverture progressive de l’économie mondiale facilitée par de bonnes campagnes de vaccination ;

(2) une forte demande globale en termes de services de la part des consommateurs, demande rendue possible par les épargnes accumulées pendant le confinement et les dispositifs importants d’appui budgétaire, monétaire et social mis en place pour se prémunir contre les effets négatifs de la pandémie. A titre de rappel, les pays avancés ont dépensé 17 % du PIB sous forme d’appuis budgétaires et 15 % du PIB pour ce qui est des appuis monétaires. Les autres pays ont, pour leur part, fourni des appuis budgétaires et monétaires équivalant 7 % du PIB et 3% du PIB, respectivement ; et

(3) une offre globale limitée par une série de contraintes, y compris des tensions sur le marché du travail, des dysfonctionnements continus au niveau des chaines de valeur mondiales et des transports maritimes, la remontée des prix des produits de base et une pénurie de microprocesseurs qui limitent la production de véhicules et d’autres produits blancs.

En termes de perspectives, à court terme, la remontée des prix va se poursuivre, notamment pour ce qui est des services et des loyers, favorisée par un écart persistant entre une forte demande et une offre qui peine à retrouver son niveau prépandémie. De plus, du fait de la reprise à deux vitesses qui se profile dans le monde (reflétant des campagnes de vaccination à deux vitesses), les pressions inflationnistes seront d’intensité différente entre les pays.

En raison de divers facteurs, il est probable que l’inflation pèsera davantage sur les consommateurs des marchĂ©s Ă©mergents et des Ă©conomies en dĂ©veloppement aux prises avec les effets de la pandĂ©mie.

En effet, les pays émergents et à faible revenu sont plus vulnérables aux chocs des prix alimentaires. A moyen terme, la question se pose sur la nature de l’inflation ; est-elle conjoncturelle ou bien des facteurs structurels maintiendront ces pressions inflationnistes, ce qui pose déjà le problème du maintien ou éventuellement du démantèlement progressif du dispositif monétaire et budgétaire en place pour soutenir l’économie depuis des années.

Pour ce qui est de l’Algérie, deux points importants sont à souligner :

  • (1) vu les aspects structurels, monĂ©taires et rĂ©els qui sous-tendent l’évolution des prix en AlgĂ©rie, et compte tenu des injections massives de liquiditĂ© de la BA pour financer les dĂ©penses publiques au moment oĂą la production de toutes sortes de biens s’effondre, l’inflation a repris en 2020 et devrait rester Ă©levĂ©e au cours de prochaines annĂ©es ; et
  • (2) des faiblesses significatives sont Ă  noter en ce qui concerne la mesure de cette inflation, son outil de contrĂ´le (la politique monĂ©taire), les dispositifs de protection des populations (absence totale de mĂ©canismes idoines) et la transparence sur les objectifs de la politique monĂ©taire.

Cet article comporte deux parties, Une première partie qui va traiter de l’inflation mondiale et va apporter des éléments de réponse à trois grandes questions :

  • (1) après plus de trois dĂ©cennies de maitrise de l’inflation, pourquoi a-t-elle resurgi en 2020 et 2021 ?
  • (2) est ce que ces pressions inflationnistes sont conjoncturelles ou bien vont-elles durer au-delĂ  de 2021 en raison de la mise en place des programmes massifs de relance amĂ©ricain et europĂ©en et du fait de facteurs structurels nouveaux ? et
  • (3) est ce que les pays avancĂ©s vont dĂ©manteler leurs dispositifs monĂ©taires en place et abandonner progressivement leurs politiques monĂ©taires ultra libĂ©rales, avec toutes les implications sur les pays Ă©mergents et en voie de dĂ©veloppement.

En effet, le maintien de ces dernières est un facteur qui peut davantage attiser l’inflation alors que leur retrait prématuré pourrait casser la reprise, Une seconde partie va traiter de l’inflation en Algérie qui a commencé un trend haussier, avec une focalisation sur les facteurs qui causent l’inflation, la question de sa mesure et des leviers de gestion macroéconomique pour la maitriser. Cette partie sera complétée par des propositions dans ce sens.

PARTIE I : L’INFLATION DANS LE MONDE

L’inflation était relativement élevée au niveau des pays avancés durant la période 1962-1985.  Les six points ci-dessous vont apporter un éclairage sur cette tranche particulière de l’histoire de l’inflation.

Point 1 : un contexte économique et monétaire en pleine effervescence, marqué par l’abandon du système monétaire international adopté à Bretton Woods (rupture du lien entre le dollar et l’or) qui avait permis une reprise spectaculaire de l’économie mondiale dans la période d’après-guerre, quatre recessions, deux chocs pétroliers et des recours à des contrôles des salaires et des prix.

Point 2 : une doctrine économique au niveau des pays à économie de marché dominée par la recherche du plein emploi (par le biais de politiques keynésiennes sur le plan budgétaire) en contrepartie d’une certaine inflation (arbitrage emploi-inflation connu sous le nom de courbe de Phillips) perçue comme une simple nuisance dont il fallait s’accommoder. Dans ce contexte, la politique monétaire était passive.

Point 3 : Cet arbitrage croissance-inflation atteindra ses limites au niveau des économies avancées à la fin des années 1970s avec la montée non seulement de l’inflation mais également du chômage (période connue comme celle de la stagflation). Ainsi, les taux d’inflation avaient atteint 11 % aux Etats-Unis, plus de 8 % au Japon et 25 % au Royaume Uni.

Point 4 : Face à la stagflation, les pouvoirs publics butaient sur un grand dilemme : poursuivre le plein emploi au risque de pousser l’inflation encore plus haut ou maitriser cette dernière au détriment de la croissance et de l’emploi.

Point 5 : au vu des niveaux Ă©levĂ©s des prix Ă  la consommation qui posaient des problèmes politiques et sociaux, la prioritĂ© est finalement accordĂ©e Ă  la lutte contre l’inflation. De ce fait, la politique monĂ©taire se voit accorder un rĂ´le actif et a pour sous-bassement thĂ©orique les travaux de l’Ă©conomiste Milton Friedman. Pour ce dernier, la banque centrale peut contrĂ´ler l’inflation si la masse monĂ©taire en circulation augmente Ă  un taux constant. Selon cette approche, un taux d’inflation souhaitĂ© plus Ă©levĂ© serait associĂ© Ă  un taux de croissance monĂ©taire constant plus Ă©levĂ©.

En consĂ©quence, de nombreuses banques centrales ont adoptĂ© des objectifs de croissance monĂ©taire au cours des annĂ©es 1970 et 1980 pour lutter contre les taux d’inflation relativement Ă©levĂ©s de cette Ă©poque. Cette approche a permis Ă  la banque centrale amĂ©ricaine de rĂ©duire les taux d’inflation Ă©levĂ©s de 11 % au cours des annĂ©es 1970 Ă  3,5 % Ă  la fin des annĂ©es 1980s grâce Ă  une rĂ©duction du taux de croissance de la masse monĂ©taire et au prix d’une rĂ©cession.

Point 6 : la stabilisation des prix domestiques allait devenir tout naturellement un objectif macroĂ©conomique au cours des annĂ©es 2000, d’autant plus que l’inflation avait affectĂ© les autres Ă©conomies dans le monde au cours des dĂ©cennies 1980s et 1990s. Notons l’hyperinflation au niveau de nombreux pays d’AmĂ©rique latine (en 1990, le BrĂ©sil et l’Argentine ont vu l’inflation grimper au-dessus de 2000 %) et en Afrique (75 % au Nigeria en 1995). Pour les pays Ă  Ă©conomie planifiĂ©e, du fait de l’inflation rĂ©primĂ©e, cette pĂ©riode Ă©tait marquĂ©e par des pĂ©nuries chroniques de biens et services.

Toutefois, leur transition vers des modes libĂ©raux de gestion Ă©conomique s’est traduite par des poussĂ©es d’inflation, y compris en Chine (en moyenne d’environ 10 % par an pendant la majeure partie des annĂ©es 1980 et au dĂ©but des annĂ©es 1990) et en Russie (hyperinflation de 2500 % par an au dĂ©but des annĂ©es 90 ramenĂ©e en 2006 en dessous de 10 % par an). Ces pays avaient Ă©galement mis en place des politiques antis inflationnistes dès la fin des annĂ©es 1990s. 

La mise en place de politiques monétaires conventionnelles a permis de maitriser l’inflation pendant la période 2000-2019. Au centre de ces politiques, a vite émergé le ciblage d’inflation comme cadre monétaire particulièrement efficace. Deux points à développer. 

Point 1 : Les politiques monĂ©taires conventionnelles et le ciblage d’inflation : Au dĂ©but des annĂ©es 2000, le problème de l’inflation Ă©tait globalement maitrisĂ© au niveau de nombreuses Ă©conomies dans le monde. Cette performance avait Ă©tĂ© facilitĂ©e par la domination des idĂ©es monĂ©taristes et surtout l’expĂ©rience de la mise en Ĺ“uvre de ces idĂ©es dans les annĂ©es 1970 et 1980. La combinaison de ces deux Ă©lĂ©ments a fait Ă©voluer la pensĂ©e Ă©conomique vers un libĂ©ralisme plus poussĂ© (consacrĂ© par le consensus de Washington), et renforce le rĂ´le de la politique monĂ©taire conventionnelle (pour appuyer le cycle Ă©conomique en maintenant un niveau d’inflation soutenable). C’est dans ce contexte qu’a Ă©tĂ© mis en place un nouveau cadre monĂ©taire basĂ© sur le ciblage d’inflation d’abord en Nouvelle ZĂ©lande en 1988 avant d’être adoptĂ© par de nombreuses banques centrales dans le monde (avec des objectifs d’inflation explicites). Grosso modo, le ciblage d’inflation s’articule autour des axes suivants :

  • (1) la banque centrale doit ĂŞtre indĂ©pendante et ipso facto responsable de la lutte contre l’inflation ;
  • (2) la gestion de l’inflation sur le long terme ne peut ĂŞtre bâtie sur la seule relation entre la croissance monĂ©taire et l’inflation, relation considĂ©rĂ©e comme instable y compris par Milton Friedman lui-mĂŞme ; et
  • (3) en consĂ©quence le principal instrument de contrĂ´le monĂ©taire de la banque centrale est un taux d’intĂ©rĂŞt nominal Ă  court terme. Ainsi Ă  charge pour la banque centrale d’augmenter ce dernier lorsque l’inflation est Ă©levĂ©e par rapport Ă  l’objectif fixĂ© et Ă  le diminuer lorsque l’inflation est faible.

La logique sous-tendant cette pratique est que l’augmentation des taux d’intĂ©rĂŞt rĂ©duit les dĂ©penses, ralentit l’Ă©conomie et rĂ©duit l’inflation tandis que la baisse des taux d’intĂ©rĂŞt augmente les dĂ©penses, fait repartir l’Ă©conomie et pousse les prix Ă  la hausse.

Le succès d’un cadre monétaire basé sur le ciblage d’inflation implique, toutefois, la réunion d’un certain nombre de conditions politiques, techniques et institutionnelles, notamment :

  • (1) un engagement Ă  dĂ©fendre un objectif qui puisse ĂŞtre compris par la population ;
  • (2) une mesure prĂ©cise de l’inflation ;
  • (3) des outils analytiques pour d’une part produire de bonnes projections sur l’inflation et d’autre part maitriser les projections sur les effets des mĂ©canismes de transmission du taux d’intĂ©rĂŞt;
  • (4) une capacitĂ© technique (au niveau de la banque centrale) en mesure d’exercer une influence sur l’inflation (ce qui pose la question de la crĂ©dibilitĂ© de la banque centrale permise par son indĂ©pendance; et
  • (5) une politique de communication (au niveau de la banque centrale). 

Point 2 : Les limites du ciblage d’inflation. Le ciblage d’inflation a été effectif notamment en contexte de chocs de la demande. Dans ces cas, le ciblage d’inflation a permis de réduire la volatilité de l’activité économique et la montée des prix au cours du cycle économique, y compris lorsque les politiques fiscales et budgétaires n’ont pas toujours joué leur rôle. A contrario, le ciblage d’inflation est inopérant dans deux cas :

  • (1) une chute de la productivitĂ© (et d’une chute de l’offre) qui entraine une augmentation des prix des inputs et une chute du PIB. Dans ce cas, un resserrement de la politique monĂ©taire va aggraver la perte d’activitĂ© Ă©conomique causĂ©e par le choc initial. Le problème se pose surtout au niveau des pays Ă©mergents qui font face Ă  des chocs de l’offre. Le ciblage d’inflation n’est donc pas le cadre monĂ©taire appropriĂ© pour ces pays ; et
  • (2) un ratio dette/PIB Ă©levĂ©. Face Ă  cela, les pays doivent trouver un Ă©quilibre entre le besoin de resserrer leur politique budgĂ©taire et maintenir un taux de croissance nominal. Ceci implique donc le ciblage d’un taux de croissance du PIB nominal et non plus un ciblage d’inflation et ipso facto une baisse du taux d’intĂ©rĂŞt. 

Les crises financière (2008) et de la dette souveraine (2012), les risques de déflation mondiale et les politiques monétaires non conventionnelles. 

La crise financière mondiale qui a Ă©clatĂ© au cours de l’Ă©tĂ© 2007 et son prolongement en Europe en 2012 sous la forme d’une crise de la dette souveraine n’ont pas Ă©branlĂ© les fondements de la politique monĂ©taire mais ont radicalement modifiĂ© sa conduite. Les principales banques centrales ont introduit des innovations majeures en termes de cadre opĂ©rationnel et de communication au vu des risques majeurs de dĂ©flation et de liquiditĂ©. Ces innovations sont les suivantes :

1 : Ă©largissement du rĂ´le de prĂŞteur de dernier ressort des banques centrales : afin d’attĂ©nuer les problèmes de financement des institutions financières en pĂ©riode de turbulence et d’Ă©viter un resserrement du crĂ©dit, les banques centrales se sont efforcĂ©es de rĂ©pondre Ă  leurs besoins de liquiditĂ©s en remplissant pleinement leur rĂ´le de prĂŞteur de dernier ressort. De plus, face Ă  la paralysie du marchĂ© interbancaire, elles ont Ă©largi leur rĂ´le pour s’impliquer dans l’intermĂ©diation financière en prĂŞtant massivement aux Ă©tablissements en pĂ©nurie de liquiditĂ©s et acceptant les dĂ©pĂ´ts d’Ă©tablissements excĂ©dentaires ;

2 : Ă©volution vers une politique monĂ©taire non conventionnelle et mise en place d’actions audacieuses. Face Ă  la situation exceptionnelle crĂ©Ă©e par les crises financière et de la dette souveraine, les autoritĂ©s ont pris des mesures audacieuses et inĂ©dites et refaçonnĂ© l’architecture financière institutionnelle et rĂ©glementaire pour surmonter la sous-activitĂ© Ă©conomique, faire reculer le chĂ´mage massif et remettre enfin l’Ă©conomie mondiale et la zone euro sur une voie d’expansion Ă©conomique solide.

In fine, ces succès n’auraient pas Ă©tĂ© possibles sans une refonte considĂ©rable des interactions entre l’Ă©conomie financière et rĂ©elle et le fonctionnement des mesures de politique monĂ©taire non conventionnelles, Ă  savoir :

  • (i) les taux d’intĂ©rĂŞt nĂ©gatifs ;
  • (ii) l’assouplissement quantitatif (programmes d’achat et d’Ă©change de titres afin de soutenir des segments spĂ©cifiques des marchĂ©s financiers) ; et
  • (iii) la technique des orientations prospectives. Ce nouveau dispositif Ă©tait accompagnĂ© par une politique de communication et des politiques de rĂ©glementation et de surveillance saines ;

3 : mise Ă  nu de lacunes apparues Ă  la faveur des crises mondiales et de celle de la zone euro. Ces lacunes sont Ă©videntes : (i) au niveau des principaux cadres d’analyse et de projections des tendances Ă©conomiques et inflationnistes ; et (ii) au niveau du rĂ´le d’un secteur financier comme source ou amplificateur possible de chocs Ă©conomiques ; et

4 : ouverture de débats de fonds sur la conduite future des politiques macroéconomiques. Ces crises ont remis en question les canons de la gestion macroéconomique des années 2000, ouvrant des discussions de substance sur :

  • (i) les canaux de transmission des programmes d’achat d’actifs de la banque centrale et les effets de ces mesures sur les prix des actifs financiers et l’Ă©conomie en gĂ©nĂ©ral ;
  • (ii) l’Ă©quilibre appropriĂ© entre stabilisation budgĂ©taire et soutenabilitĂ© budgĂ©taire en pĂ©riode de rĂ©cession (y compris sur la taille des multiplicateurs budgĂ©taires) ;
  • (iii) les lacunes des mĂ©canismes d’ajustement rĂ©els et nominaux dans l’union Ă©conomique et monĂ©taire europĂ©enne et sur la conception d’arrangements de partage des risques plus efficaces ; et
  • (iv) les causes de la faible inflation. En effet, au cours des dernières annĂ©es, l’inflation a Ă©tĂ© constamment faible dans de nombreux pays dĂ©veloppĂ©s, malgrĂ© une rĂ©duction considĂ©rable du ralentissement de l’Ă©conomie et du marchĂ© du travail.

Cela a remis sous les projecteurs une discussion sur la forme, la spĂ©cification et l’emplacement de la courbe de Phillips ainsi que sur le rĂ´le des conditions financières gĂ©nĂ©rales dans la stimulation de la croissance Ă©conomique et, en fin de compte, de l’inflation.

La résurgence de l’inflation en 2020-2021. Une analyse approfondie de l’inflation mondiale qui a repris depuis 2020 est la suivante :

Point 1 : l’inflation est réapparue depuis le début de la pandémie. Elle reflète essentiellement une hausse des prix des produits alimentaires. A contrario, l’inflation que nous observons au cours du premier semestre de 2021 est directement liée à la forte reprise économique intervenue essentiellement au niveau des pays avancés et du groupe de tête des pays émergents.

Point 2 : l’inflation affecte les pays avancés et les pays émergents. Ainsi à fin mai 2021 et en raison d’effets de base, l’inflation se situe en moyenne à 8,3 % aux USA, entre 0,9% et 1,9 % au niveau de l’Union Européenne et 2,1 % au Royaume Uni. Au niveau des pays émergents, elle se situe en moyenne à 4,5 %.

Point 3 : les effets nĂ©gatifs de l’inflation sont doubles et peuvent secouer fortement les marchĂ©s financiers : elle Ă©rode les ressources des travailleurs, notamment ceux qui perçoivent des bas revenus et peut provoquer un retournement significatif des marchĂ©s financiers. En effet, notons que la hausse des prix des actions, des obligations, de l’immobilier et mĂŞme des crypto-monnaies repose sur l’hypothèse que les taux d’intĂ©rĂŞt restent bas pendant longtemps. Cela n’a de sens que si les banques centrales ne se sentent pas obligĂ©es de les relever. En cas de risque de bulles, le marchĂ© actuel qui a bâti sa prospĂ©ritĂ© sur des annĂ©es de faible inflation pourrait voir ses fondements vaciller.

Point 4: les causes de l’inflation mondiale: sont multiples, dont :

  • (i) une hausse de la demande pour les biens de consommation ;
  • (ii) la perturbation des chaines de valeur qui produisent ces biens ;
  • (iii) la montĂ©e des prix du baril qui est passe de $63,65 en janvier 2020, avant de chuter Ă  $18,38 en avril 2020 et remonter progressivement depuis pour atteindre $68,53 en juin 2021;
  • (iv) les perturbations dans le secteur des transports maritimes et au niveau de nombreux ports dans le monde ;
  • (v) une remontĂ©e des prix dans le secteur des services (restauration, coiffures, voyages, loisirs) dont la demande est vigoureuse alors que le marchĂ© du travail reste sous pression ; et
  • (vi) la raretĂ© de certains composants (microprocesseurs) qui rĂ©duisent l’output dans de nombreux secteurs d’activitĂ©.

Point 5 : Est-ce que cette inflation est conjoncturelle ou structurelle ? les observations sont mitigées en raison d’une combinaison :

  • (i) de facteurs devant logiquement peser sur l’inflation, notamment des temps de livraison allongĂ©s, une demande de services qui restera vigoureuse, entretenue par des Ă©pargnes significatives (USA: $2,500 milliards soit 12% du PIB et zone euro : $700 milliards soit 4,5 % du PIB) et des tensions sur le marchĂ© de l’emploi qui vont s’accentuer ce qui mettra la pression sur les salaires et ipso facto l’inflation des prix Ă  la consommation et des loyers qui sont très cycliques et Ă©pousent les mouvements de l’économie ; et
  • (ii) des facteurs poussant Ă  la baisse (la demande de certains produits de consommation va amorcer un trend baissier).

Point 6 : la question des anticipations inflationnistes : Sur ce point, les observateurs n’ont pas enregistré de hausse et précisent qu’il n’y aucun facteur fondamental poussant dans ce sens.

Point 7 : Quelle attitude de la part des banques centrales ?  Vu les perspectives en termes d’anticipations d’inflation, les banques centrales considèrent les augmentations de prix actuelles comme conjoncturelles, leur donnant une marge de manœuvre et leur permettant de prendre leur temps et d’éviter de mettre en place des mesures précipitées.   

PARTIE II. L’INFLATION EN ALGERIE

L’inflation en Algérie est sur un trend haussier depuis quelques années. Depuis les chocs sanitaire et pétrolier de 2020, l’attention des ménages, des entreprises et des autres institutions s’est cristallisée, entre autres sur l’inflation et l’instrument de mesure de cette dernière (l’indice des prix à la consommation -IPC-) en raison des mouvements de prix de biens et services significatifs qui érodent jour après jour leur pouvoir d’achat et privent les investisseurs de toute visibilité économique.

Les données disponibles et les projections sur l’inflation confortent les craintes des agents économiques. En effet, l’inflation en Algérie s’est située à environ 4 % (limite supérieure de l’objectif de la Banque d’Algérie) entre 2000-2017, grimpant à 4,3 % en 2018 (du fait d’une forte demande) avant de chuter à 2 % en 2019 et 2,4 % en 2020 (en raison d’une chute combinée de la demande et de l’offre). 

Sur le moyen terme, vu les aspects structurels, monétaires et réels qui sous-tendent l’évolution des prix en Algérie et l’absence de programme de réformes pour booster l’economie, il est attendu une remontée de l’inflation qui devrait se situer à environ 5-5,5 % entre 2021-2023. L’inflation demeure donc un sujet macroéconomique important et au premier chef des préoccupations, vient la question de sa mesure et de son rôle en tant que signal macroéconomique.

En conséquence, seul un outil fiable permettra d’apprécier les tensions inflationnistes, mesurer l’évolution des revenus ou de la consommation des ménages en termes réels, donner une idée sur le maintien du pouvoir d’achat du SNMG ou de certaines prestations, fournir une base pour asseoir des politiques salariales et de revenu à l’échelle macroéconomique et microéconomique et articuler la politique monétaire du pays.

Cette partie de l’article va donc se focaliser sur trois grands volets, à savoir :

  • (1) les facteurs Ă  l’origine de l’inflation ;
  • (2) les Ă©lĂ©ments relatifs Ă  la mesure de l’inflation ; et
  • (3) les leviers de lutte contre l’inflation. 

Les facteurs internes et externes à la base de l’inflation :  De nombreuses recherches ont été entreprises au niveau du FMI et d’autres institutions internationales et locales pour comprendre les déterminants de l’inflation dans les pays pétroliers, notamment en Algérie. Il en ressort deux types de facteurs :

(1) Les facteurs macroéconomiques :

  • (i) l’inflation en AlgĂ©rie rĂ©sulte d’une combinaison de facteurs rĂ©els et monĂ©taires : et
  • (ii) la masse monĂ©taire et les prix des biens importĂ©s sont les moteurs de l’inflation Ă  court terme alors que la masse monĂ©taire et le PIB rĂ©el non pĂ©trolier sont de loin les facteurs-clĂ©s des variations de prix Ă  long terme.

Les estimations tirées de ces études font ressortir les élasticités ci-après :

  • (1) une augmentation de 1% de la masse monĂ©taire entraine une augmentation de 0,3 % du niveau gĂ©nĂ©ral des prix ;
  • (2) une hausse de 1% de la production rĂ©elle hors hydrocarbures entraĂ®ne une baisse de 0,2 % des niveaux gĂ©nĂ©ral des prix: 
  • (3) une augmentation de 1%  des prix importĂ©s contribue Ă  une augmentation de 0,2 % des prix intĂ©rieurs; et
  • (4) une dĂ©prĂ©ciation de 1% du taux de change effectif nominal a un effet limitĂ© de 0,1% sur les prix intĂ©rieurs. L’impact Ă  long terme est encore plus faible. En consĂ©quence, le recours aux subventions ou Ă  la levĂ©e de tarifs commerciaux est prĂ©fĂ©rable (d’autant que le tarif moyen pondĂ©rĂ© est de 8,85 % en AlgĂ©rie plaçant le pays Ă  la 47 -ème place sur 180 pays) pour contrer l’augmentation du prix des produits de base importĂ©s dĂ©clenchĂ©e par la dĂ©prĂ©ciation du taux de change ; et
  • (5) une augmentation de 1% du prix international du baril de pĂ©trole a un impact limitĂ© de 0,04 % sur les prix intĂ©rieurs Ă  long terme, illustrant ainsi les subventions significatives des prix des produits pĂ©troliers en AlgĂ©rie.

(2) les déterminants structurels :

  • (i) un excès de demande pĂ©renne dans de nombreux secteurs produisant des biens composant le panier de l’IPC ;
  • (ii) la nature des circuits de distribution et leur capacitĂ© Ă  rĂ©sister aux faiblesses en termes de concurrence et de lutte contre les pratiques commerciales illicites et dĂ©loyales et la concentration. ElĂ©ments cruciaux pour formuler une politique de revenus ou une politique monĂ©taire appropriĂ©e. 

Les outils de mesure de l’inflation sont obsolètes 

L’inflation mesure le taux de changement des prix (et non le niveau des prix). Par ailleurs, il faut souligner que l’inflation n’est pas uniquement un regard sur le passé mais également sur le futur immédiat, d’où l’importance des anticipations inflationnistes. Examinons ces deux aspects.

Pour ce qui est de la mesure de l’inflation au niveau de la consommation en Algérie, notons ce qui suit :

  • (1) la production d’un indice des prix de gros des fruits et lĂ©gumes, d’un IPC mensuel pour Alger et d’un autre qui couvre le pays tout entier. Celui d’Alger semble ĂŞtre la rĂ©fĂ©rence en termes d’analyse macroĂ©conomique ;
  • (2) la pondĂ©ration de l’IPC est biaisĂ©e en faveur des produits alimentaires qui reprĂ©sentent 43 % du panier (26 % de ces produits alimentaires sont soumis Ă  des contrĂ´les de prix). Les produits importĂ©s, quant Ă  eux, reprĂ©sentent 26% du panier ;
  • (3) la pĂ©riode de rĂ©fĂ©rence : est 2001 avec des pondĂ©rations Ă  partir de l’annĂ©e de base 2000 (les dĂ©penses annuelles de 2000 servent de base de calcul) ; et
  • (4) la publication : l’indice mensuel des prix Ă  la consommation est publiĂ© avec un dĂ©lai de moins d’un mois. Pour sa part, l’indice trimestriel des prix Ă  la production est publiĂ© avec un retard de moins d’un trimestre.

L’IPC d’Alger et l’IPC national ne sont ni un indice du coût de la vie, ni un indice de la variation du budget de consommation et encore moins une variation des prix pour une période donnée. Son champ d’application est simple et précis : calculer une variation des prix entre la période de référence (2001) et la période courante. 

2. Pour ce qui est des anticipations inflationnistes, les autorités ne se sont pas dotées d’outils à cet effet.  In fine, des outils obsolètes et incomplets qui ne permettent pas une bonne mesure ni prévision de l’inflation. 

La réhabilitation de l’inflation en tant que macro-indicateur à partir de 1994 est inachevée en raison de l’arrêt des réformes en 1999. Jusqu’au début de 1994, les prix en Algérie faisaient l’objet d’un vaste système de subventions qui leur enlevait toute fonction de mesure de la rareté et encore moins de point de rencontre entre l’offre et la demande.

Ce rôle neutre des prix et leur subventionnement était cohérent avec la stratégie de développement mise en œuvre de 1962 à 1989 (financée par la rente pétrolière) et qui reposait sur le principe fondamental de l’exclusion des prix et de l’inflation (au même titre que le taux de change, la croissance, la monnaie et le taux d’intérêt) comme variables de gestion de l’économie.

La rupture avec ce système intervient en 1994 dans le contexte du programme avec le FMI qui s’est traduit par l’amorce d’une libéralisation de certains prix (inputs pour l’agriculture et pour le secteur de la construction et de l’habitat), la levée de certains contrôles (sur les prix au détail et les marges de profits pour tous les biens et services à l’exception d’un nombre limité de produits, notamment les biens alimentaires et les produits énergétiques), l’élimination de certaines subventions (transports publics) et l’ajustement de certains prix (produits alimentaires et les produits énergétiques d’au moins 200 %) pour refléter également leur cout d’opportunité.

Pour les produits pétroliers, la subvention implicite devait être éliminée car les prix de transferts de la compagnie pétrolière aux raffineries était fixé à un niveau mondial avec des ajustements tous les 6 mois en fonction des prix internationaux du baril et des évolutions du taux de change. L’interruption des réformes à partir de 1999 (dernière année du programme de réformes), y compris les ajustements périodiques de prix des produits énergétiques n’ont pas permis de parachever le processus de réhabilitation de l’inflation en tant que macro indicateur crédible.   

L’inflation continue d’être réprimée.  Depuis la fin du programme des réformes, le système de formation des prix actuel est hybride avec des formes de soutien et de contrôle de prix et de marge qui contribuent ainsi à une certaine répression de l’inflation. Si un certain nombre de prix de biens et services résultent du libre jeu de l’offre et de la demande, d’autres voient leurs prix réprimés par deux mécanismes : les subventions budgétaires et le système des prix et marges règlementés. 

1. Les subventions directes et indirectes. Le niveau des subventions est en progression continue depuis la crise de 2014. Ces subventions couvrent divers appuis et sont de deux ordres : les subventions explicites et implicites. Les subventions explicites incluent certains produits alimentaires, l’eau, l’électricité, le gaz, le logement, l’éducation et les taux d’intérêt (dont l’objectif est d’encourager l’investissement et promouvoir l’entreprenariat).

Les subventions implicites, quant à elles, proviennent du fait que les prix des produits subventionnés (aliments, eau, électricité, gaz naturel et logement public) sont fixés en deçà de leur coût de production. Ces pratiques mettent les entreprises productrices en difficulté, ce qui se traduit in fine par des subventions d’exploitation à un moment ou un autre de la part du Trésor.

Il est estimé que le niveau des subventions est passé de 2136 milliards de dinars en 2014 à 2400 milliards de dinars (12,7 % du PIB) en 2020, soit une progression de 12,4 % en 5 ans. 

2 : le régime des prix et des marges réglementés de certains produits et services. Ce régime touche des produits alimentaires (5 catégories), des produits industriels (3 catégories), des services (5 types), des prix de cession (touchant l’électricité et le raffinage) et des marges règlementées (médicaments).

In fine, la répression de l’inflation à travers des mécanismes directs de contrôle (sur les prix, salaires et le rationnement) ne contribue nullement à éliminer les pressions inflationnistes. L’inflation réprimée ouvre la voie au marché noir, la corruption, la thésaurisation et les abus. Enfin, elle affaiblit les politiques anti-inflationnistes.

La mesure de l’inflation est sous-estimée en raison des nombreuses faiblesses au niveau de l’IPC. Si certaines de ces faiblesses contribuent à sous-estimer, d’autres au contraire tendent, dans une moindre mesure à surestimer l’inflation en Algérie. Parmi les facteurs qui surestiment l’inflation, notons:

(i) l’aspect qualité des produits (ce qui ne permet donc pas de distinguer entre variations de prix stricto sensu et celles induites par des changements dans la qualité ou les caractéristiques des produits) ;

(ii) l’aspect substitution des biens ; et

(iii) l’arrivée de nouveaux produits, trois traits importants qui ne sont pas pris en compte du fait de l’ancienneté du panier qui date de 2000 et dont la base 2001a une pondération des biens qui accorde un poids considérable aux produits alimentaires (43 % du panier).

Il est clair que la consommation a profondément changé depuis 20 ans. La non capture de ces facteurs contribue à surévaluer l’IPC d’au moins 0,5 % compte tenu de la pondération actuelle. 

Parmi les facteurs qui contribuent à sous-estimer l’inflation, citons les éléments suivants :

  • (i) la qualitĂ© des donnĂ©es (taille de l’échantillon et plan d’échantillonnage );
  • (ii) le traitement des donnĂ©es (infrastructure de collecte des donnĂ©es ; traitement des donnĂ©es reposant sur des principes technologiques qui remontent Ă  plus de 20 ans) ; et
  • (iii) les politiques publiques qui tendent Ă  rĂ©primer l’inflation, notamment la politique gĂ©nĂ©reuse de subventions budgĂ©taires et les prix et marges règlementĂ©s cites ci-dessus. Ajoutons Ă  cela, la sous-Ă©valuation du dinar (de près de 30%) et les disfonctionnements des circuits de distribution (pratiques commerciales illicites ou dĂ©loyales, absence de rigueur dans la conduite de la politique de concurrence et pratiques de concentration).

L’ensemble de ces facteurs sous-estiment en moyenne l’inflation d’au moins 2,5 points. En net, l’inflation est sous-estimée d’environ 2 points. Cela veut dire que le taux moyen d’inflation pour 2019 et 2020 qui étaient de 2 % et 2,4 %, respectivement s’établiraient à 4 % et 4,4 % toutes choses étant égales par ailleurs.  Ces taux sont plus cohérents avec les autres indicateurs macroéconomiques.  

Le levier de la politique monétaire pour lutter contre l’inflation est faible.

Selon l’article 35 des statuts de la Banque d’Algérie (BA), la politique monétaire a un double objectif, celui de créer les conditions les plus favorables à un développement rapide de l’économie ainsi que celui de la stabilité interne et externe de la monnaie.

Durant la période de la planification des investissements (1970s et 1980s) qui a consacré la répression financière, la BA a joué un rôle passif dans un contexte où la gestion des grands équilibres n’était pas la priorité.

Depuis 1994, avec l’amorce du processus de réformes en direction d’une économie de marché, la politique monétaire est devenue un levier de gestion macroéconomique. Mais très vite, dès le début des années 2000 avec la remontée des prix du pétrole, la liquidité excédentaire des banques a contraint de nouveau la BA à jouer un rôle passif. 

Pendant plus de 15 ans, la politique monétaire avait pour objectif d’éponger la liquidité excédentaire structurelle en utilisant une variété d’instruments d’intervention (la reprise de la liquidité ; la rémunération de la facilité de dépôt ; et les réserves obligatoires). A partir de 2014, le choc pétrolier a asséché cette liquidité donnant ainsi l’occasion à la BA de reprendre le contrôle sur les conditions de liquidité et de se doter de nouveaux instruments.

Cela lui a permis de mener une politique monétaire plus active combinant une dépréciation du DA pour répondre à la chute des ressources extérieures et modernisation des outils de gestion de la liquidité pour assurer un rôle de premier plan et faire face aux épisodes alternatifs de surliquidité et d’assèchement de cette dernière.

Si la BA a su s’adapter aux changements du contexte économique et financier, la politique monétaire algérienne souffre d’une certain nombre de faiblesses, y compris :

  • (1) un manque de transparence dans la conduite de sa lutte contre l’inflation (Ă  part un objectif implicite de 4% inconnu du grand public, rien ne filtre ces derniers temps sur une Ă©ventuelle politique dĂ©sinflationniste) ;
  • (2) un mĂ©canisme de transmission du taux d’intĂ©rĂŞt inefficace ;
  • (3) une capacitĂ© de gestion et de projection de la liquiditĂ© qui reste faible :
  • (4) une faible coordination entre la politique budgĂ©taire et monĂ©taire :
  • (5) une capacite faible d’évaluation des risques : la faiblesse du cadre macro prudentiel :
  • (6) un secteur bancaire archaĂŻque ; et une communication inexistante. 

Les axes de réforme à moyen terme pour contenir l’inflation qui est un phénomène structurel. Cinq axes d’intervention à cet effet :

  • (1)  un mix macroĂ©conomique devant, agir sur les agrĂ©gats qui pèsent sur la demande et in fine l’inflation ;
  • (2) des mesures structurelles visant Ă  agir sur l’offre globale dont l’écart avec la demande globale entraine des pressions inflationnistes;
  • (3) des actions structurelles pour renforcer l’efficacitĂ© des rĂ©seaux de distribution dont les dysfonctionnements entretiennent des tensions constantes sur les prix ;
  • (4) des actions devant renforcer l’efficience du canal de transmission des taux d’intĂ©rĂŞt pour assurer une stabilitĂ© des prix ; et
  • (5) des actions pour amĂ©liorer la mesure de l’inflation, notamment une rĂ©vision drastique du panier et de la mĂ©thode de calcul de l’IPC. 

(1) Le mix macroĂ©conomique pour agir sur la demande globale : dans ce domaine, la lutte contre l’inflation exigera une combinaison de politiques monĂ©taire et budgĂ©taire, y compris :

(i) La maîtrise des dépenses publiques courantes (notamment de la masse salariale) et une nouvelle structure de financement du déficit moins inflationniste ; et

(ii) le resserrement de la politique monĂ©taire en augmentant le taux d’intĂ©rĂŞt (ou en agissant si besoin sur le taux de change) pour rĂ©duire et contenir les pressions inflationnistes ;

(2) Les actions structurelles pour favoriser l’offre globale : Pour faire face aux distorsions de l’offre, il est important d’améliorer la qualité du facteur travail (sante, éducation, formation, etc..) et mobiliser le capital tout en renforçant son rendement pour favoriser la croissance du PIB réel ;

(3)  Les actions structurelles pour améliorer le réseau de distribution dont l’efficience est cruciale pour stabiliser les prix à la consommation : Il est souhaitable de prendre des mesures  en faveur  :

  • (i)  du dĂ©veloppement des infrastructures de stockage et les marchĂ©s rĂ©gionaux et amĂ©liorer la disponibilitĂ© de produits frais, sous-composant dĂ©terminant de l’IPC ;
  • (ii) de l’élimination des positions de monopole des intermĂ©diaires dans les circuits de distribution ; 
  • (iii) de la stimulation de la concurrence ; et
  • (iv) de l’encouragement des investissements directs Ă©trangers ;

(4) Les actions pour renforcer l’efficience du canal de transmission et agir sur la stabilité des prix : La transmission monétaire fonctionne à travers différents canaux, notamment:

(i) le canal des taux d’intĂ©rĂŞt: en effet une augmentation des taux d’intĂ©rĂŞt nominaux se traduit par une augmentation des taux rĂ©els qui Ă  leur tour rĂ©duisent la consommation et l’investissement souhaitĂ©s, exerçant ainsi une pression Ă  la baisse sur les prix ;

(ii) le canal du taux de change : une augmentation du taux d’intĂ©rĂŞt intĂ©rieur conduit Ă  une devise plus forte, rĂ©duisant les prix des biens Ă©changeables dans le panier dĂ©finissant l’indice des  prix Ă  la consommation.

En outre, un taux de change plus fort entraîne généralement une réduction à la fois des exportations nettes et du niveau global de la demande globale. Que fait la BA en matière de transmission monétaire ? L’objectif ultime de la politique monétaire de la BA est d’assurer la stabilité des prix, mais depuis 2010, la BA cible explicitement la stabilité des prix, en plus de la stabilité externe de la monnaie.

Elle s’est fixĂ©e en outre un objectif d’inflation annuel explicite de 4%. La BA utilise deux canaux de transmission : le canal des taux d’intĂ©rĂŞt et le canal du taux de change (qu’elle utilise Ă©galement pour cibler la valeur d’Ă©quilibre du taux de change effectif rĂ©el pour des raisons de compĂ©titivitĂ©). Vu les faiblesses dans ce domaine, les rĂ©formes devront viser Ă  :

  • (i) amĂ©liorer la gestion des liquiditĂ©s ;
  • (ii) amĂ©liorer la stĂ©rilisation de la liquiditĂ© bancaire dans un contexte de monĂ©tisation du dĂ©ficit budgĂ©taire en mettant en vente des titres de crĂ©ance au lieu de recevoir des dĂ©pĂ´ts, ce qui permettrait Ă©galement des opĂ©rations de pension entre banques ; et
  • (iii) rĂ©duire l’écart entre les marchĂ©s officiel et parallèle des changes par le biais de mesures Ă  court terme, dont la diversification de l’offre de devises sur le marchĂ© interbancaire, une plus grande rationalisation des règles rĂ©gissant les opĂ©rations de change et le relèvement des plafonds sur les voyages Ă  l’Ă©tranger ; et

(5) Les actions pour amĂ©liorer la mesure de l’inflation : il est souhaitable d’unifier les IPC (Alger et national), revoir sa couverture pour l’actualiser et assurer une couverture optimale, changer les poids des sous-indices pour reflĂ©ter les nouvelles habitudes de consommation des mĂ©nages et changer l’annĂ©e de base (car plus l’annĂ©e de base est Ă©loignĂ©e, plus l’indice est susceptible de devenir inexact).

En outre, Ă©tant donnĂ© que les modèles de dĂ©penses varient selon les localitĂ©s et le temps, un indice n’a qu’une valeur très limitĂ©e pour comparer les variations de prix dans diffĂ©rents endroits. 

Les mesures transitoires à court terme : A titre transitoire, à très court terme, je propose quatre actions :

  • (1) actualiser l’actuel IPC, notamment Ă  la faveur du rĂ©cent recensement gĂ©nĂ©ral de la population. Certes, cela prendra du temps et exigera des ressources importantes. En attendant la production de donnĂ©es sous-jacentes, il serait alors judicieux de construire un autre panier de l’IPC en utilisant des pondĂ©rations extrapolĂ©es basĂ©es sur les changements dans les modèles de consommation au cours de la dernière dĂ©cennie. 
  • (2) alternativement, il est possible de continuer Ă  utiliser l’IPC actuel comme point d’ancrage nominal en prenant soin de fixer des limites de tolĂ©rance plus Ă©levĂ©es ou plus basses pour l’inflation en hausse ou en baisse en relation avec les prix des produits alimentaires et non alimentaires. Ces solutions, cependant, ne sont qu’un palliatif Ă  la mise Ă  jour de l’IPC ; 
  • (3) reformer le système actuel des subventions qui sont coĂ»teuses, inĂ©quitables et inefficaces. Elles gĂ©nèrent la surconsommation et le gaspillage et surtout rĂ©duisent les tentatives d’investissement dans le secteur agricole (importations massives de lait et de blĂ©, deux produits subventionnĂ©s fortement) ; et 
  • (4) actualiser le système de prix et de marges règlementĂ©s.

Par Dr. Abdelrahmi Bessaha – ‎senior economist · ‎International Monetary Fund