La plate-forme japonaise de messagerie instantanée revendique 440 millions d’utilisateurs dans le monde. Elle semble plus douée que ses concurrents pour monétiser ses services.
En avril, à l’occasion d’un débat organisé à Tokyo avec Jerry Yang, le co-fondateur de Yahoo!, Akira Morikawa, le PDG de Line, l’une des plates-formes de messagerie instantanée les plus dynamiques de la planète, déconcertait ses interlocuteurs en confiant qu’il n’avait arrêté aucun plan stratégique de long terme pour son application désormais utilisée par plus de 440 millions de personnes dans le monde. « Cela ne sert à rien de se dessiner un futur idéal suivant une route droite et large. Il faut être réactif et innovant. Je ne vois pas à plus de trois mois », assurait le dirigeant.
Trois mois plus tard, le groupe japonais, qui reste actuellement une filiale du sud-coréen Naver, aurait pourtant pris une décision stratégique majeure : il préparerait une levée de capitaux sur une ou deux grandes places boursières. Les médias locaux évoquent même une introduction simultanée à New York et Tokyo dès la fin de l’année.
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Les investisseurs guettent avec impatience l’entrée en Bourse de la société, qui semble avoir beaucoup mieux réussi que ses grands concurrents à monétiser ses services, pour l’essentiel offerts gratuitement. S’il ne communique aucune estimation de ses profits ou de ses pertes nettes, Line, dont l’application a été lancée il y a seulement trois ans, assure qu’il a enregistré, sur l’ensemble de 2013, un chiffre d’affaires de 500 millions de dollars quand WhatsApp, que Facebook vient de racheter pour 19 milliards de dollars, ne générait, lui, que 20 millions de dollars de revenus.
Et sur le premier trimestre de 2014, les ventes de Line auraient encore bondi de 223 % en glissement annuel, pour atteindre 143 millions de dollars. Sur les trois premiers mois de l’année, Twitter a vu ses ventes atteindre 250 millions de dollars mais leur croissance, sur un an, n’a été que de 119 %.
Des autocollants virtuels pour s’exprimer
Pour gagner de l’argent, Line a très vite étendu son portefeuille de services. « Nous ne sommes pas que dans la communication. Nous avons des jeux, du commerce en ligne, une plate-forme marketing », explique Akira Morikawa. Offrant le téléchargement gratuit de dizaines de jeux à ses clients, le groupe vend des options payantes leur permettant de progresser plus vite dans leurs paris. Estimant que les mots ne suffisent parfois pas à formuler la quintessence d’un message, Line met à disposition, gratuitement ou moyennant paiement de quelques euros, des autocollants virtuels (« stickers ») où des milliers de personnages représentent une émotion ou une question. La formule a séduit les jeunes d’Asie.
Line compte 50 millions de fans au Japon, 22 millions en Thaïlande ou encore 17 millions à Taiwan. En Espagne, 15 millions de personnes utiliseraient déjà ses services. Pour toucher ces précieux consommateurs, les multinationales, comme Coca Cola, Thai Airways ou Sony, achètent à Line le droit de diffuser leurs propres « stickers » mêlés de publicité.
En levant des fonds en Bourse dans une opération qui pourrait le valoriser à hauteur de 10 milliards de dollars, le groupe pourrait financer son expansion sur les marchés européens clés et aux Etats-Unis, où cette mode reste balbutiante.
Yann Rousseau
Correspondant à Tokyo