Après avoir été le mannequin star des années 80-90, avec Naomi Campbell et Christy Turlington, elle est de retour sur tous les fronts… Élue l’une des 50 plus belles femmes du monde par le magazine People, cette perfectionniste résiste à la dictature d’une époque jeuniste.
C’était les années 80. George Michael chantait en short. On découvrait le mot « trader ». Et une génération de « super models », parmi lesquels Claudia Schiffer, Cindy Crawford ou Naomi Campbell, s’élevait au rang d’icônes. « Nous avons débarqué au moment adéquat, analyse Linda Evangelista. Hollywood ne jouait plus la carte du glamour. Et les créateurs d’alors, Gianni Versace en tête, nous poussaient à faire preuve de personnalité. Tout nous arrivait sur un plateau doré. »
A l’heure où tant de ses consœurs se reconvertissent avec plus ou moins de bonheur, Linda Evangelista – 1,77 m, 43 ans, manteau noir raglan – n’a jamais décroché. Ce matin-là, elle pose pour Madame Figaro, inspecte une série de robes en rang sur un portant, avale une part de pizza et n’a vraiment pas l’air de travailler aux pièces.
« Quand Linda accepte une séance, c’est qu’elle a envie d’être là. Elle s’amuse, donne d’elle-même, fait des choix. Un luxe que peu de filles peuvent se permettre », explique Didier Fernandez, 1,70 m, bonnet de laine bleue enfoncé jusqu’aux oreilles, son agent depuis dix-sept ans. Dans ce métier vampirique qui aspire chaque saison sa pinte de sang neuf, Linda Evangelista relève de l’exception. Un statut qui réclame un peu de lucidité et beaucoup de détermination. Celle-ci se lit sans effort sur son visage de chat. Née à Sainte-Catherine (Ontario), dans une famille catholique d’origine italienne, Linda Evangelista joue d’abord à qui perd gagne. Recalée au concours de Miss Teen Niagara, elle tape dans l’œil d’un talent scout de l’agence Elite et s’installe à New York. On lui annonce « trois ans de carrière à tout casser ». L’auteur de cette prédiction avisée a indéniablement du nez…
Le magazine Vogue catapulte Evangelista en une. La suite, on la connaît. En cinq ans, Linda devient plus célèbre que les couturiers qu’elle représente, change douze fois de coupe et de couleur de cheveux (une évolution capillaire parfois risquée mais dûment commentée), et révèle qu’elle ne quitte pas son lit « à moins de 10 000 dollars par jour ». L’époque a beau trimbaler sa dose de cynisme, la déclaration frappe les esprits. On ose la question.
Le sourcil d’Evangelista se lève, un silence s’installe et… le temps se couvre : « Dire qu’on écrira encore cette phrase sur ma tombe, soupire-t-elle. Je précise juste que je n’ai plus rien à voir avec celle qui a proféré cette ânerie, et c’est tant mieux. Ça vous suffit ? » On va dire que oui.
Parallèlement, Linda, qui a épousé Gérald Marie, patron de l’agence parisienne d’Elite (dont elle divorcera en 1993), travaille avec acharnement : « Si les photos sont mauvaises, on me blâmera, explique-t-elle. Si, en revanche, elles sont bonnes, tout le crédit ira au photographe, au maquilleur ou au coiffeur. Chaque fois que je pars bosser, je veux me sentir au top. » Tutoyer « le top » exige une ligne de conduite. Linda Evangelista a érigé la sienne : se contenter sagement de ce qu’on sait faire. Elle n’a pas enregistré de disque (« je chante comme une seringue »). Elle n’a pas fait de cinéma malgré sa liaison passagère avec Kyle MacLachlan, acteur « twin peakien » de David Lynch (« ce n’est pas parce qu’on est mannequin qu’on doit s’improviser comédienne »). Mais elle assure ces jours-ci la promotion d’une gamme de maquillage mise au point en compagnie de James Kaliardos, créateur international pour L’Oréal, marque dont elle est l’égérie.
« Ils m’ont impliquée dès le début. M’ont écoutée et ont conçu les produits dont je rêvais. Ceux qui corrigent et vous donnent de l’éclat. Avec L’Oréal, j’ai une voix. » L’âge ne lui fait ni chaud ni froid. « Il n’a rien à voir avec la beauté. Ai-je une date d’expiration ? Je l’ignore. Moi, je veux simplement vieillir dans les meilleures conditions possibles, dit-elle, et regarder l’homme que mon fils (Augustin James, 3 ans) deviendra. » Pour le reste, Linda Evangelista aime Karl Lagerfeld, Stefano Pilati, Nicolas Ghesquière et Azzedine Alaïa. Le bon goût, c’est comme le reste. On l’a ou on ne l’a pas.