Le patriotisme économique en Algérie parait être une belle farce par laquelle le gouvernement veut se donner les atours d’une bonne gouvernance. Et pour cause : Alors que le discours officiel glose sur la réduction de la facture des importations qui frise les 50 milliards de dollars, l’importation de véhicules explose en cette fin d’année 2011. Les chiffres communiqués aujourd’hui mercredi par les Douanes algériennes donnent froid dans le dos.
Qu’on en juge : L’Algérie a importé 299.041 véhicules durant les neuf premiers mois de 2011, contre 241.992 voitures à la même période en 2010, soit une hausse de 23,5% ! Au total, la facture d’importation de ces véhicules enregistre un bond de près de 15%, en passant de 228,2 milliards de DA durant les neuf premiers mois de 2010 à 261,83 milliards de DA (plus de 3,5 milliards de dollars) durant la même période en 2011.
Des chiffres hallucinants dans un contexte de suppression du crédit auto depuis 2009, en application des mesures de la loi des Finances complémentaire. Le gouvernement voulait alors réduire la facture des importations en général et des véhicules en particulier. Ceci d’autant plus que l’importation à tour de bras profite essentiellement aux concessionnaires automobiles installés en Algérie qui ont brassé des milliards. Les sociétés mères profitent bien évidemment des transferts colossaux de devises.
Au bonheur des concessionnaires !
Il est surprenant de constater deux ans plus tard que les importations ont augmenté alors que le gouvernement voulait les faire baisser. Il ressort, selon le centre national de l’informatique et des statistiques (Cnis) relevant des Douanes, que les quarante concessionnaires présents en Algérie ont importé 280.897 véhicules durant les neuf premiers mois de 2011 pour une valeur de 237,88 milliards de DA (hausse de 23,91%), contre 226.699 unités et une valeur de 206,98 milliards de DA à la même période de 2010, note le Cnis.
Une quantité qui place l’Algérie au peloton de tête des pays importateurs de véhicules au monde. Et en dehors du circuit des concessionnaires, les particuliers ont été aussi très actifs sur ce filon puisque leurs importations ont connu une hausse de 18,64%, passant à 18.144 voitures durant les neuf premiers mois de 2011, contre 15.293 unités à la même période en 2010. En valeur, le Cnis relève que le montant des achats des particuliers a également augmenté pour passer de 21,20 milliards de DA à 23,94 milliards de DA durant la même période de référence.
Marché de dupes
C’est incontestablement un échec cuisant pour le gouvernement qui parait incapable de freiner ce cycle infernal d’importations massives malgré ces « réformettes ». En effet, après une baisse de près de 24% en 2009, qui est liée à la suppression du crédit à la consommation par la LFC 2009 et les taxes introduites en 2008 par l’Algérie afin de réguler le marché de l’automobile, les importations des véhicules flambent à nouveau.
En 2010, l’Algérie avait importé 285.337 véhicules, contre 277.881 unités en 2009. Cela constitue une hausse de 2,68%. Elle est due essentiellement à l’augmentation de plus de 4% des importations des concessionnaires. Pour rappel, la loi de Finances complémentaire 2008 avait institué une taxe payable par les acquéreurs de véhicules neufs, qui oscille entre 50.000 et 150.000 DA en fonction de la cylindrée et de la carburation du véhicule, ainsi qu’une redevance de 1% payable par les concessionnaires automobiles sur leur chiffre d’affaire annuel.
Ces taxes sont destinées, d’après le gouvernement, à « soutenir les prix des transports publics en commun et à réguler le marché de l’automobile en Algérie dont le parc s’élève à 5,5 millions de véhicules ». Mais deux années plus tard, force est de constater que cette fameuse « taxe véhicules neufs », n’a pas empêché les concessionnaires et les importateurs d’inonder le marché.
Pour les constructeurs et leurs succursales en Algérie c’est du pain béni en ce sens que l’industrie automobile évolue au ralenti ailleurs. Ils réalisent, en effet, des chiffres d’affaires incroyables en Algérie sans pour autant consentir le moindre investissement. Le feuilleton de mauvais goût de l’usine de Renault en Algérie illustre parfaitement ce marché de dupe.