L’influence de la diplomatie algérienne au sein de la Ligue arabe a grandement baissé ces dernières années. Membre incontournable par le passé, l’Algérie se retrouve isolée au sein d’une instance aujourd’hui dominée par le Qatar et l’Arabie saoudite.
Emettre des réserves. C’est le seul moyen dont dispose l’Algérie pour affirmer sa position au sein de la Ligue arabe. Lundi, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, l’Etat algérien a annoncé ne pas cautionner, dans son intégralité, la décision appelant «le président syrien à renoncer au pouvoir» adoptée par le Conseil ministériel de la Ligue arabe au terme de la réunion à Doha, au Qatar. «L’Algérie émet des réserves sur le troisième paragraphe partant du fait que cette décision ne relève pas des prérogatives de ce conseil mais demeure une décision souveraine du peuple syrien frère», précise le document. Une position que partagent aussi les gouvernements irakien et libanais. Le rejet de toute ingérence dans les affaires internes d’un autre Etat est un principe fondamental de la politique extérieure algérienne. Au plus fort de la crise libyenne, ce principe avait également été mis en avant pour éviter tout acte contraire à la légalité internationale à l’encontre de Mouamar Kadhafi. Alger avait alors était soumise à une très forte pression internationale, de la part de la majorité des pays arabe, de ceux de l’Otan et, surtout, de l’opposition libyenne représentée par le Conseil national de transition (CNT). Depuis le début du «Printemps arabe», la diplomatie algérienne n’a cessé d’être sur la défensive. Au sein de la Ligue arabe, elle se retrouve dans l’incapacité d’imposer ses choix. Aujourd’hui, cette instance est sous l’emprise des monarchies du Golfe, notamment du Qatar. «Le monde a beaucoup changé ces vingt dernières années et la Ligue arabe n’est plus dominée par le front du refus ( Algérie, Irak, Syrie, Yémen et l’Organisation de libération de la Palestine). Cette alliance relève du passé et cela ne sert à rien de s’y accrocher parce que cela met notre pays en décalage non seulement avec la nouvelle réalité du monde arabe mais également avec ses propres intérêts. Si nous conjuguons cela à l’effacement de l’Égypte en raison de ses problèmes internes, il ne reste plus que quelques pays du Golfe comme acteurs influents au sein de la Ligue. Ils ont le soutien diplomatique des puissances occidentales, une aisance financière et un audiovisuel extérieur performant. A ce titre, on ne peut pas considérer notre pays comme un acteur influent au sein de la Ligue. Chercherait-il à l’être ? Je n’en suis pas si sûr», estime Abdelaziz Rahabi. Selon l’ancien ministre et diplomate, le renforcement de la position de l’Algérie est avant tout une question de volonté politique. «Il ne s’agit pas d’une question de moyens, il s’agit de l’inscrire comme une constante de politique extérieure, d’avoir une vision sur la synergie entre les intérêts diplomatiques, sécuritaires et économiques et de confier cette mission à des professionnels. Pour faire entendre sa voix il faut au préalable veiller à préserver un consensus national en matière de politique étrangère, impliquer les nouveaux acteurs des relations internationales comme les partis politiques, les médias, les milieux universitaires, ceux des affaires, le monde associatif. Cela ne s’est pas fait de manière optimale et on peut faire le reproche à l’Algérie officielle de ne pas avoir accompagné de sa voix les aspirations populaires dans le monde arabe», insiste Abdelaziz Rahabi. Selon lui, la diplomatie doit absolument changer d’approche pour ne pas rester calée «dans les années soixante-dix».
T. H.