La Ligue arabe sert singulièrement à justifier les pires ignominies faites au nom du Monde arabe.
Des décisions gravissimes ont été prises par le Qatar au nom de la Ligue arabe. L’Algérie peut-elle continuer, par sa présence, à cautionner la dérive d’une organisation qui n’est plus en phase avec sa charte fondatrice?
Longtemps, la Ligue arabe, version égyptienne, a été regardée comme l’annexe de la diplomatie du Caire. On savait donc cette Ligue sans personnalité et sans envergure.
Toutefois, même l’Egypte de Moubarak, Al Sadate et Nasser, n’a pas osé aller aussi loin dans l’instrumentalisation de l’organisation panarabe que ne l’a fait le Qatar, minuscule, mais richissime, émirat du Golfe.
De nombreuses dérives de la part du Qatar ont été observées lors des deux dernières années sans que les dirigeants arabes aient eu le courage de dire «trop, c’est trop» «Basta»! Bien au contraire, le petit émirat s’est quasiment approprié l’organisation panarabe devenue le réceptacle de prise de décision unilatérale de Doha. Ainsi, un minuscule Etat – dont moins de 500.000 habitants de sa population sont Qataris – s’est attribué le pouvoir et le droit – du haut de sa montagne de dollars – de prendre de graves décisions au nom de 300 millions d’Arabes qui constituent la nation arabe. Une nation arabe en fait, humiliée par des séquences qui vont à l’encontre des intérêts de ses peuples. En une quinzaine de jours, au moins deux «décisions», qui disqualifient de fait la Ligue arabe, ont été prises en son nom par le Qatar.
Ces enchaînements catastrophiques remettent en fait en cause la pertinence de poursuivre cette mystification appelée «Ligue des Etats arabes».
La première décision, prise à la fin du mois de mars dernier – lors du sommet arabe – a été celle d’attribuer le siège de la Syrie à la rébellion armée contre ce pays membre fondateur de ladite Ligue arabe.
Le Qatar ouvre la porte de la Ligue à des rebelles
Des rebelles qui se sont empressés de remplacer l’emblème national syrien par celui de la rébellion. Une fait inique et unique dans les annales de la diplomatie internationale. Seuls l’Algérie et l’Irak ont émis des réserves sans que Alger et Baghdad soient allés jusqu’à – au minimum – geler leur participation à une organisation qui ne répond plus aux intérêts de la communauté arabe et aux préoccupations des peuples arabes.
La décision inqualifiable d’ouvrir les portes de la Ligue arabe à des rebelles a, en fait, sonné le glas de l’organisation panarabe, qui n’a plus d’existence que virtuelle et sert singulièrement à justifier les pires ignominies faites au nom du Monde arabe. Cela n’a d’ailleurs pas tardé, puisque une délégation de ladite Ligue arabe, menée par le Premier ministre et chef de la diplomatie qatarie, Cheikh Hamad bin Jassim Al-Thani, s’est rendue en fin de semaine à Washington où elle a quasiment fait allégeance aux Etats-Unis et à Israël.
A Washington, il y eut en fait, une reddition arabe en bonne et due forme par l’acceptation – au nom des Palestiniens? – de rectificatifs et modifications à apporter au plan de paix arabe de 2002 – adopté dans la capitale libanaise par le sommet arabe qui y eut lieu la même année. Plan qui fonde sa raison d’être sur le retrait d’Israël aux frontières de 1967 – par l’abandon de l’essentiel des revendications formulées par les Palestiniens. Ainsi, le Monde arabe s’abaisse par défaut – par lâcheté et absence de volonté – face aux exigences des Etats-Unis et d’Israël.
Le chef de la diplomatie américaine jubilait de la résurrection d’un processus de paix «moribond qu’Israël avait enterré à peine né alors que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, en rajoutait une couche, affirmant que le contentieux (israélo-palestinien) ne portait pas sur les territoires.
Le fait est que la Ligue arabe s’enfonce un peu plus dans la dégénérescence, la subordination et l’irrationnel. Au point de déliquescence où est parvenue l’organisation panarabe, la question qui se pose désormais et doit se poser est: que fait encore l’Algérie dans une Ligue arabe qui n’est plus – si jamais elle l’avait été – en phase avec les idéaux de justice et d’indépendance pour lesquels se sont sacrifiés les meilleurs de ses fils? On ne s’est pas libéré du joug de la France pour tomber dans les rets du Qatar. Qu’on se le dise! C’est pourquoi l’Algérie ne peut pas continuer, par sa présence, à cautionner la dérive d’une organisation phagocytée par l’Emirat du Qatar qui n’est plus représentative de la nation arabe.
Les dirigeants arabes placés sur un siège éjectable
Dévitalisés, sans ressort, les dirigeants du Monde arabe ont acquiescé à des décisions qui, en réalité, les placent de fait sur des sièges éjectables dès lors qu’ils ne sont plus maîtres de leur destin s’ils ne rentrent plus dans les plans du nouveau potentat par procuration du Monde arabe (l’exemple de la Syrie et des rebelles syriens financés et armés par l’émirat est édifiant), auquel ils viennent de donner un «blanc-seing» sur les affaires du Monde arabe: le Qatar.
En fait, ce qui se passe depuis deux ans dans le Monde arabe avec une suite de «révolutions» téléguidées de l’extérieur est totalement inédit qui aurait dû interpeller et mettre en éveil les responsables arabes dont les réactions répressives restent prioritairement dirigées contre les peuples qu’ils administrent.
Outre d’avoir instrumentalisé outrageusement ledit «printemps arabe», le Qatar s’ingère désormais de manière tout aussi injurieuse dans les affaires internes des pays dits du «printemps arabe» à l’instar de la Tunisie, de la Libye ou encore de l’Egypte et du Yémen.
En fait, rien n’échappe au diktat du Qatar qui agit en proconsul du Monde arabe. Mais ce qui est inadmissible est que le Qatar qui décide de tout, le fait au nom de la Ligue arabe, dès lors, au nom de l’Algérie et des Algériens.
Cela est inacceptable! Or, le fait même que la diplomatie algérienne ait émis des réserves quant à l’accès des rebelles syriens à la Ligue arabe en dit long sur le sentiment que les Algériens nourrissent envers une organisation devenue une coquille vide, qui sert de couverture à des actions qui dévalorisent le Monde arabe. Prise en otage par le Qatar, la Ligue arabe est arrivée à un tournant dangereux par des prises de décisions qui discréditent la communauté arabe.
Aussi, l’Algérie se doit-elle de se désolidariser d’actions qui déprécient un Monde arabe auquel notre pays s’assimile. C’est la raison pour laquelle notre pays doit geler sa participation à une organisation où il semble qu’il n’y a plus rien à faire.